Le directeur général de Facebook, Mark Zuckerberg, a fêté hier ses 28 ans, quatre jours avant l’introduction en bourse du réseau social. Une opération que de nombreux investisseurs attendent et qui attise la curiosité des experts. Facebook suscite néanmoins des doutes concernant sa valeur.
Par Loïc Abadie.
Facebook sera introduite sur le Nasdaq le 18 mai, l’opération devant rapporter environ 10 milliards de dollars dans les caisses du réseau social et environ 1 milliard de dollars de cash à son fondateur, Marc Zuckerberg, qui s’apprête à vendre une petite partie de ses titres à un moment parfaitement choisi. Ce sera l’une des plus grosses IPO[1] de tous les temps aux USA.
Les grandes IPO se produisent presque toujours au terme d’une période de hausse prolongée, mais le plus instructif dans ce dossier est le niveau de valorisation proposé et l’enthousiasme des investisseurs qui semblent être associés (l’offre auprès des investisseurs serait déjà presque entièrement souscrite selon les dernières rumeurs).
Regardons de plus près ce dossier :
- Le prix proposé (28 à 35 dollars l’action) valorise facebook entre 77 et 96 milliards de dollars.
- Le chiffre d’affaires de la société est de 3,7 milliards de dollars (exercice 2011), et pourrait atteindre 6,1 milliards de dollars en 2012 (+64 %) selon les prévisions très optimistes des analystes.
- Le bénéfice net était de 1 milliard de dollars en 2011, et les capitaux propres d’environ 5,6 milliards au T1 2012 (données issues de ce document officiel, pages 10 et 11).
Si on retient une valorisation boursière à venir de 90 milliards de dollars, Facebook est donc valorisée pour son introduction à environ 25 fois son chiffre d’affaires 2011, 16 fois ses capitaux propres et 90 fois ses bénéfices. Quant à un éventuel dividende, on n’en parlera même pas.
Les acheteurs ne manqueront pas d’évoquer les perspectives de croissance prodigieuses et exponentielles du groupe dans un contexte de nouvelle ère indispensable à la constitution du fond de sauce d’une bonne bulle boursière.
Mais voilà, la croissance de facebook ralentit : pour le chiffre d’affaires, elle était de 154 % en 2010, 88 % en 2011, et de 44 % au T1 2012 par rapport au T1 2011 ; avec même une baisse de 6 % entre le T4 2011 et le T1 2012, due à des facteurs saisonniers.
Pour le résultat net, on observe une dégradation marquée de la marge au T1 2012 : le R.N. s’élevait à 205 millions au T1 2012 par rapport à 233 millions au T1 2011 et 302 millions au T4 2011. Le taux de marge nette est ainsi tombé à 19,3 % sur le T1 2012 contre une moyenne de 30,7 % en 2010 et 26,9 % en 2011.
Compte tenu du ralentissement de la croissance et de la baisse régulière du taux de marge, la valorisation proposée paraîtra totalement délirante aux yeux de n’importe quel investisseur ayant un minimum de bon sens, même sans avoir lu les excellents ouvrages de Benjamin Graham.
Facebook n’est évidemment pas une mauvaise société, elle pourrait même m’intéresser comme valeur de croissance aux environs de 4,5 dollars l’action (ce qui donnerait un PER autour de 12 et une capitalisation de 2 à 2,4 fois les capitaux propres).
Mais qu’il y ait des « investisseurs institutionnels » et des particuliers qui soient prêts à en acheter à 30 ou 35 dollars constitue pour moi un signe fort de pic d’euphorie sur les marchés US, et de retournement dans les mois à venir. Souhaitons leur quand même bonne chance pour leur nouvel « investissement », ils vont en avoir bien besoin !
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Publié initialement sur Objectif Eco.
Lire aussi : Eduardo Saverin change de nationalité avant la mise en vente de parts de FaceBook
Note :
- IPO : Initial Public Offering : Introduction en Bourse. ↩
“Facebook, un timing parfait de Marc Zuckerberg !” http://t.co/4VvJaFZw via @Contrepoints
Votre analyse est juste, mais Facebook bénéficie des externalités de réseaux, donc à voir pour le futur. N’oubliez pas de prendre en compte les pays émergent dont les connexions internet vont probablement se multiplier.
Même si le cour de l’action me parait également très élevé.
Projetons-nous dans un siècle ou deux : un lointain descendant de WikiLeaks ou Facebook, que les détracteurs de ces exhibitions numériques pourraient baptiser WikiShit ou Fuckbook. Un peu à l’image des progrès fulgurants pour scruter l’univers, se profilera une génération de satellites observateurs associés aux innombrables données qui se cumuleront pour chaque individu. Imaginons qu’une organisation publique ou privée décide de traquer tel ou tel. Entre l’observation directe et la captation de ses traces thermiques, voire génétiques, l’IP d’un individu-cible ne le laissera pas en paix une seule seconde. Sans intérêt à l’égard de la majorité de la population, cet outil se concentrerait sur les délinquants (présumés ou réels), sur les personnalités perçues comme subversives et sur ceux occupant des postes stratégiques. Même goût pour la transparence et des moyens technologiques permettant la traçabilité totale de la cible. A qui, pour quelle finalité, cette arme sociale ? Un Big Father autrement plus puissant que le grassouillet frère d’Orwell. Cf. http://pamphletaire.blogspot.fr/search/label/Internet