Pourquoi Sarkozy s’attire-t-il les mêmes critiques que Giscard ? Parce qu’il lui ressemble quelque peu et aussi parce que la gauche a parfois la berlue.
Par Marc Crapez.
Ceux qui ont connu 1981 se souviennent du lancement en fanfare du premier numéro des « dossiers du Canard » (enchaîné), intitulé « Giscard : la monarchie contrariée ». La couverture de ce fameux numéro affublait Giscard de l’habit du 18ème siècle en insérant son visage dans un tableau de Gainsborough.
Un coup d’œil sur ce bréviaire de l’anti-giscardisme est instructif. Ce fleuron de la mobilisation des journalistes de gauche contre sa réélection, il y a trente ans, ressemble à s’y méprendre aux grands titres des médias anti-sarkozystes d’aujourd’hui…
On trouve exactement la même musique contre le président des riches, les affaires, un « style royal en toc… aux couleurs de la frime, du tape-à-l’œil », des réformes « qui font plus d’effervescence que d’effet » car « ce qui compte, c’est l’effet du moment » pour un président « roi de l’État-spectacle », qui gouverne « au rythme d’au moins un ‘changement’ par jour », qui « règle des problèmes par téléphone avec les ministres par-dessus la tête du Premier » et qui « a mis le grappin sur les médias », au point que cela suscite, en mars 81, en pleine campagne, « des remous au Figaro » (p. 4-7, 16, 23, 27).
Pourquoi une telle ressemblance ?
En bonne logique, ces troublantes similitudes résultent, primo, de traits communs entre les deux personnages et, secundo, de préjugés des journalistes de gauche, le tout dans des proportions qu’il appartiendra aux historiens futurs de déterminer. Une telle ressemblance interdit, toutefois, de penser que ces deux ingrédients ne sont pas réunis, quand bien même la part de similitude des personnages l’emporterait sur la part de préjugés des journalistes.
Que le thème anti-giscardien de la « monarchie contrariée » comporte une part d’injustice est, du reste, rétrospectivement attesté par la courtisanerie sous le règne de Mitterrand, dont beaucoup de gens sincères à gauche ont souffert. Dans un pourcentage qui reste à établir, la critique de Sarkozy est donc alimentée par une certaine propagande journalistique et l’esprit revanchard d’une gauche survoltée parce que durablement écartée du pouvoir étatique. Ce fait est indéniable, même si un courant de gauche défend le pluralisme et la liberté intellectuelle qui est l’autre nom du libéralisme d’esprit cher à une certaine droite.
Dans une proportion qui reste à évaluer, la ressemblance entre la critique de Sarkozy et celle de Giscard tient aussi à certains traits de caractère communs. Si l’on est bien disposé, on pourra y voir un sincère souci de réformer la France en la sortant de sa torpeur sans la brusquer ; si l’on est moins bien disposé, on brodera sur une personnalité narcissique, un désir compulsif de changement, l’œil rivé sur l’impact médiatique, une super-présidence à l’américaine, etc.
Sous Giscard : « Le président s’occupe ‘personnellement’, veille ‘personnellement’, insiste ‘personnellement’ ; c’est l’adverbe du septennat ». Pour complaire aux écologistes, il organisa, fin avril 1977, une Journée de l’arbre, au cours de laquelle il en fit planter plus de 20.000, passant outre le fait que ce n’était pas la saison idoine, ce qui en empêcha beaucoup de pousser. Ce n’est pas sans rappeler l’épisode des panneaux solaires sous Sarkozy. Il leur aurait fallu suivre ce conseil de Mazarin : « Ne te lance jamais dans plusieurs entreprises à la fois : on ne t’admirera pas de te voir te disperser. Il vaut mieux en réussir une seule, mais éclatante ».
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