Merck Serono, tirer les lecons d’une débâcle suisse

La débâcle de Serono nous enseigne que la présence d’entreprises est un bienfait, synonyme de rentrées fiscales, d’emploi et de prospérité. Mais ce triste épisode nous enseigne aussi que nulle position n’est acquise. Les entreprises sont mobiles. On peut le déplorer, ou le constater et agir en conséquence.

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Merck Serono, tirer les lecons d’une débâcle suisse

Publié le 30 avril 2012
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La débâcle de Serono nous enseigne que la présence d’entreprises est un bienfait, synonyme de rentrées fiscales, d’emploi et de prospérité. Mais ce triste épisode nous enseigne aussi que nulle position n’est acquise. Les entreprises sont mobiles. On peut le déplorer, ou le constater et agir en conséquence.

Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.

La nouvelle est tombée mardi matin: Merck Serono ferme son site genevois d’ici à 2013. 1 250 salariés sont sur le carreau. Bien que soudaine, l’annonce n’est pas réellement une surprise, mais amène à se poser un certain nombre de questions.

Merck Serono est le nom d’une entité composite. En 1977 naît Serono, une entreprise pharmaceutique fondée par Fabio Bertarelli, un entrepreneur fuyant l’instabilité politique de son pays d’origine, l’Italie. La société travaille essentiellement sur la fertilité humaine. Le tournant vers la biotechnologie survient dans les années 90 alors qu’elle passe entre les mains d’Ernesto, le fils héritier. Les laboratoires de recherche de Serono mettent au point le Rebif, un traitement de la sclérose en plaques. Le succès commercial du médicament est fulgurant. Atteignant le troisième rang mondial dans son secteur, la société entre en bourse en 2000 et construit un siège social flambant neuf à Genève. Mais Ernesto Bertarelli a d’autres envies. Il vend ses parts (64,5%) et les promesses de nouveaux produits à l’allemand Merck en 2006. La société est alors valorisée à 16,8 milliards de dollars. Les propriétaires de Merck, une société spécialisée dans la médecine chimique et les procédés de cristallisation, pensent qu’ils ont un savoir-faire complémentaire pour débloquer la chaîne de développement de l’entreprise de biotechnologie.

Malheureusement, le mariage s’avère décevant. Les ventes de Rebif continuent d’augmenter, certes, mais le brevet sur la médicament n’est pas éternel. Il est indispensable de développer de nouveaux produits. Or, les résultats ne sont pas là. Le centre de recherche de Genève ne parvient pas à trouver de nouveaux médicaments efficaces. Le retournement de situation le plus important survient sans doute en juin 2011, lorsque l’homologation de la Cladribine, une molécule que l’on pensait prometteuse, est arrêtée pour cause d’efficacité insuffisante. Dès lors, les employés et chercheurs du site genevois se savent en sursis. Dans un contexte économique international difficile, la société Merck Serono, pour profitable soit-elle, ne peut pas entretenir un site de biotechnologie aussi énorme que Genève sans que celui-ci n’apporte de résultats concluants.

Alors que les rumeurs couraient depuis plusieurs semaines, la conclusion abrupte est arrivée hier matin. Plus de 500 suppressions d’emploi, et 750 postes « déplacés » à Boston aux Etats-Unis, en Chine, ou au siège de Merck à Darmstadt en Allemagne, mais qui seront probablement perdus en Suisse. En tenant compte des sous-traitants et autres personnel de service, la perte économique effective pourrait être plus grande encore pour Genève. Le canton du bout du lac comptait 11 745 chômeurs au mois de mars, leurs rangs viennent de grossir d’un coup…

Le public étant naturellement à la recherche d’explications, le responsable de Merck Serono a été invité à s’exprimer hier soir sur le plateau de la RTS, dans une belle démonstration de langue de bois:

Cliquer ici pour la vidéo.

Il est vrai que les entreprises admettant des erreurs stratégiques sont rares. Dommage que le présentateur ne pose pas à M. Naef la question qui devrait tarauder tout individu avec un zeste de capacité entrepreneuriale: s’il y a un siège de trop entre Darmstadt et Genève, pourquoi ne pas avoir envisagé de fermer Darmstadt pour venir à Genève?

Le présentateur du journal ne pose pas la question. On ne saura jamais.

La fermeture du site de Serono à Genève laissera un grand vide. Il y a évidemment le drame humain: un certain nombre de familles se retrouvent jetées dans la précarité et auront bien du mal à assurer les loyers hypertrophiés de leurs logements. Les vautours rôdent. Tous les employés licenciés ne sont pas des chercheurs en biologie de renommée internationale. Il y a les milliers de mètres carrés de bureaux du siège de Serono, construit pour 330 millions de francs, qui devront trouver un nouveau locataire. Et il y a surtout des signes inquiétants pour la Suisse: une grande entreprise choisit de fermer un pôle en Suisse en faveur d’un centre de recherche aux Etats-Unis, d’unités de production en Chine et d’un siège social en Allemagne.

Dans les trois domaines d’activité, le pays est en recul.

L’histoire de la débâcle de Serono nous enseigne s’il en était besoin que la présence d’entreprises est un bienfait, synonyme de rentrées fiscales, d’emploi et de prospérité. Mais ce triste épisode nous enseigne aussi que nulle position n’est éternellement acquise. Les multinationales sont mobiles. Même des centaines d’emplois en Suisse ne les lient pas au pays de façon définitive. Il faut être attractif pour les attirer et rester attractif pour les garder, en faisant de la Suisse un choix incontournable pour les décideurs. La compétitivité est une question cruciale, vitale en temps de crise. Les nouveaux demandeurs d’emploi de Genève et de France voisine auront tout loisir de méditer sur la décroissance prônée par des politiciens inconscient en allant pointer au chômage.

Il est de bon ton de mépriser les sociétés privées, mais quand celles-ci se retirent, que reste-t-il sinon la misère pour tout le monde?

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