Étudiants : la valeur ajoutée du diplôme pour la société ne justifie pas la gratuité

Le débat fait rage au Québec sur les droits de scolarité que les étudiants doivent acquitter. Un des arguments avancés par les tenants du paiement de la scolarité par les contribuables est celui de la valeur ajoutée des études pour la société. À tort.

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Étudiants : la valeur ajoutée du diplôme pour la société ne justifie pas la gratuité

Publié le 3 avril 2012
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Le débat fait rage au Québec sur les droits de scolarité que les étudiants doivent acquitter. Un des arguments avancés par les tenants du paiement de la scolarité par les contribuables est celui de la valeur ajoutée des études pour la société. À tort.

Par Pierre-Yves Saint-Onge, depuis Montréal, Québec.

Faculté de musique, université de Montréal

Dans le débat actuel, un argument de la position pour la gratuité scolaire est que la société fait un investissement dans l’étudiant, et que celui-ci aura la chance de gagner des centaines de milliers de dollars supplémentaires durant sa carrière, et remboursera cette somme à même les impôts versés sur cette somme additionnelle. Dans bien des cas, c’est vrai. Dans d’autres cas, c’est faux…

Pour utiliser cet argument, il faut penser comme un économiste. Il faut regarder la valeur ajoutée à la société par ce diplôme. Dans beaucoup de cas, cette valeur ajoutée est claire, et pas seulement au niveau économique. Un nouveau médecin, ingénieur, comptable ou scientifique amènera un bénéfice à la société au-delà de l’apport monétaire supplémentaire.

Mais ces étudiants ne sont pas ceux qui se plaignent de frais scolaires à la hausse, car ils pourront aisément rembourser les sommes avancées pour compléter leurs études.

Regardons plutôt ce qui est considéré comme les “sciences molles” : philosophie, littérature, sciences politique, études féminines, anthropologie, sociologie et autres. Ces études comme telles ne mènent pas à une carrière directement, sauf exception. De nouveaux enseignants seront certes nécessaires pour ces matières, mais c’est une infime proportion. Pour les autres, deux choix vont se présenter à eux, rendus sur le marché du travail.

Certains choisiront de travailler dans le privé, dans un travail disponible, pour gagner leur vie. Ce travail ne sera pas relié à leur domaine d’étude. Les nouveaux travailleurs seront mécontents, car ils auront probablement un emploi qu’ils jugeront comme inadéquat au regard de leurs études accomplies, et aussi car il ne sera pas relié à leur domaine d’études. Ceux-là, à leur grand désarroi, n’arriveront pas à contribuer à l’amélioration de la richesse collective, par comparaison à la situation où ils n’auraient pas suivi leurs études supérieures.

Les autres devront aller travailler pour l’État, car ce sera probablement le seul domaine qui leur permettra de gagner un salaire raisonnable, à leur avis, correspondant aux études qu’ils ont accomplies. Le fonctionnariat permet l’embauche d’un grand nombre de travailleurs, et les conventions collectives et les échelles salariales prennent compte du niveau d’éducation de l’employé, quelle que soit la nature de cette formation. Et là réside le problème.

Après avoir versé un montant raisonnable à partir des impôts des contribuables (qui payent près de 90% des frais d’études supérieures), le pauvre contribuable doit maintenant payer le salaire de ce nouveau diplômé, qui sera d’environ 10,000$ supplémentaire par année, si ce n’est plus. Sur une carrière de 35 ans, on compte donc 350,000$ de débours additionnels en dollars actuels. Ce n’est pas un problème en tant que tel si le salarié est d’autant plus productif… mais dans le cas d’un fonctionnaire, le fait qu’il soit bachelier en histoire ne le rendra pas plus efficace pour traiter ses dossiers quotidiens. Donc, en bout de ligne, nous devons débourser pour le privilège de payer encore plus à l’avenir.

L’étudiant fait définitivement un choix intelligent pour lui-même en faisant cette démarche, qui ne lui coûte presque rien. Mais pour la société, c’est une diminution de la richesse collective.


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  • Je prends la liberté d’imaginer que vous accordez bien à ces « sciences molles » que sont la sociologie et les études féminines le crédit d’avoir influencé, si pas contribué à l’amélioration des conditions d’une grande part de cette société dont les précieux dollars d’impôts sont si convoités par ceux qui « pensent comme [des] économiste[s] ». Leur nier cette influence bénigne serait bafouer les avancées sociales qu’elles étudient, sous-tendent et encouragent — les femmes vous en diront quelque chose… et comble du bonheur : elles peuvent maintenant travailler et payer des impôts! (moins, c’est vrai, que les hommes, mais c’est déjà ça).
    Qui sait ce que les mouvements sociaux qui cherchent à améliorer la qualité de vie du plus grand nombre pourront encore engendrer comme merveilles!

    En supposant donc que l’on s’entende sur la portée bénéfique de telles études (si pas au plan des retombées économiques directes, alors clairement en ce qu’elles stimulent de questionnement sain), dois-je comprendre que vous n’en avez pas contre les étudiants et leur message, mais bien contre les fonctionnaires, lesquels nous devrions de surcroît garder aussi peu instruits que possible ?

    C’est une vraie question. Je trouve votre point de vue intéressant, mais j’ai peur d’imaginer qu’on cherche, par voie de salaires en bout de compte inintéressants, à décourager les penseurs de demain.
    Le risque dans tout ça, et c’est un peu dommage, c’est qu’à trop penser comme un économiste, on se fait à l’idée de devenir un chiffre.
    Je n’étudie moi-même pas en sociologie, mais j’ai une amie étasunienne qui termine une maîtrise dans le domaine, et qui, il faut me croire, est un modèle de dévouement pour les sociétés où elle vit (elle travaille entre les É.U. et l’Afrique du Sud).

    Ces « sciences molles », je les vois plutôt comme des sciences critiques, qui permettent la remise en question informée du système dans lequel on vit. On peut les voir comme un mal nécessaire, si on veut, bien que l’expression fasse violence à l’intention des mouvements qu’elles soulèvent.

    Je suis intéressé à savoir ce que vous en pensez; votre article m’a présenté la chose d’un angle nouveau, et je vous en remercie.
    -Benoit, étudiant en traduction (côté texture, c’est quoi ? mi-mou ?) 😉

    P.-S. Je ne voudrais pas ignorer les étudiants en médecine/droit/architecture/génie qui sont en grève, bien sûr, parce qu’il y en a, et que leur position est d’autant plus louable qu’ils ne seront pas, comme vous l’avez dit, les plus durement affectés (du moins négativement) par les inégalités que s’ingénie le gouvernement actuel à renforcer.

    • « Ces « sciences molles », je les vois plutôt comme des sciences critiques, qui permettent la remise en question informée du système dans lequel on vit. »

      En France c’est le vivier de la gauche idéologique fonctionnarisée, celle qui vote pour toujours plus d’état, toujours plus de dépenses, toujours plus de contrôle.

      Critique ou informée certainement pas, c’est exactement le contraire.
      Il est clair que tout ne doit pas être forcément rentable mais au delà d’un certaine masse critique la société n’est plus du tout efficace et risque de s’effondrer.

  • Le fonctionnaire va aussi payer des impôts sur son revenu, sur sa consommation, sur son patrimoine etc. Il coûte donc moins cher que ce que vous semblez montrer….

  • Je ne suis pas d’accord. Même un jeune dont le diplome donne un travail connaitra souvent un peu de chomage/précarité avant d’avoir un emploi plus stable permettant de rembourser un crédit. Et pendant ce temps, les interets courent… De plus, quand un jeune débute, il doit déja pouvoir se loger, s’installer, déménager, acheter une voiture pour le travail… bref plein de dépenses. Si l’on ajoute la dessus un remboursement de pret, ça risque d’être chaud chaud.

    Source : mon expérience.

  • Si je comprends bien, face au constat qu’on forme trop d’étudiants en sociologie, histoire, etc … vous voulez rendre l’ensemble du système scolaire payant.

    Et sinon, si on diminuait juste les effectifs dans les branches trop pesantes ? Je sais, l’inertie de cette masse de fonctionnaires etc … mais bon, quand on a réussit à faire passer une réforme des retraites pour tout le monde … ça prouve qu’avec de la volonté on peut tout faire.

    • Réduire les effectifs autoritairement ne servira à rien, puisque le gâchis de moyens perdurera.

      Sans compter que c’est une démarche totalement vaine : quel fonctionnaire est capable de dire combien il faut d’étudiants dans telle ou telle filière ? Aucun ! Les décisions des fonctionnaires dans les domaines économiques et sociaux sont arbitraires parce qu’ils sont par nature infiniment moins compétents que les marchés, pour ne pas dire incompétents.

      Privatiser les écoles supérieures et les universités et rendre les études payantes, oblige les étudiants à choisir les formations les plus utiles à la collectivité, telles que définies par le jeu démocratique de l’offre et de la demande.

      •  » Les décisions des fonctionnaires dans les domaines économiques et sociaux sont arbitraires parce qu’ils sont par nature infiniment moins compétents que les marchés, pour ne pas dire incompétents.  » wow…

        Il va falloir préciser un peu votre pensée: qu’est ce que vous entendez par « par nature »?

  • Tout ca pour des piastres!

  • Les commentaires sont fermés.

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