Grèce, fin de partie !

A vouloir empêcher par tous les moyens le défaut nécessaire (et inévitable?) de la Grèce, les européens ont tué l’économie du pays et asservi ce dernier.

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Grèce, fin de partie !

Publié le 17 février 2012
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À vouloir empêcher par tous les moyens le défaut nécessaire (et inévitable ?) de la Grèce, les européens ont tué l’économie du pays et asservi ce dernier.

Par Thibault Doidy de Kerguelen.

« Il y a deux façons de conquérir et d’asservir une Nation.
L’une est l’épée. L’autre est la dette. » —
John Adams (1735 – 1826)

À cette vérité qui semble être le monde d’aujourd’hui, opposons une « histoire » que m’a raconté un ami juif il y a quelques années, au temps où on avait encore le droit de rire des particularismes, spécialement des siens : pendant la nuit, Moshé se tourne, se retourne, souffle, bref est stressé, énervé, ne dort pas. Au point qu’il en incommode sa compagne Sarah qui lui demande : « Mais qu’as-tu donc Moshé, pourquoi es-tu si énervé ? – Je dois de l’argent à David, je dois le rembourser demain et je ne pourrai pas, je n’ai ni les intérêts ni le capital. – Ah ! C’est ça qui te met dans cet état ? – Oui. – Bon, attends. » Sarah va à la fenêtre, l’ouvre, et crie : « David ! David ! » Au bout d’un moment, la fenêtre de David s’ouvre. « David, c’est Sarah, la femme de Moshé ! – Oui, et alors ? – David, Moshé te doit de l’argent, n’est-ce pas ? – Oui – Il doit te rembourser demain, n’est-ce pas ? – Oui – Et bien figure toi qu’il ne te remboursera pas, il n’a pas un rond ! » Sarah referme la fenêtre, se tourne vers son mari et lui dit : « Tu vois, maintenant, c’est lui qui ne dort plus ! »

Mais voilà, les Grecs n’ont pas joué cette carte. Du moins, pas pour l’instant. Comme je l’écrivais dans un article précédent, le jeu en cascade des CDS en cas de défaut de la Grèce mettrait en péril une bonne partie des institutions financières européennes. Mario Draghi croit avoir paré le coup en gavant les banques de liquidités. Alors, comme je l’évoquais aussi dans un autre article, ce sont d’autres pays de la zone Euro qui peuvent à leur tour devenir menaçants. S’ils sont gentils et humbles, on peut envisager de les soutenir (Conversa informal entre Vítor Gaspar e Wolfgang Schauble), c’est l’asservissement, s’ils ont le malheur de vouloir redresser la tête, on les écrase (Italie, Grèce), on les met sous tutelle, c’est la conquête.

On a rarement vu une conquête ou un asservissement se faire au profit du dominé. En tout cas pas dans ces temps modernes pourtant si prolixes en bons principes, si déterminés à imposer la « démocratie », si intransigeants avec les « Droits de l’Homme ». Tous les plans mis en place concernant la Grèce, toutes les conditions imposées au gouvernement et au peuple de ce pays n’avaient qu’un seul objectif, un seul. Sauvegarder les intérêts financiers des opérateurs européens engagés sur la Grèce. Bien sûr qu’il était criminel d’imposer des plans d’austérité à un pays dont le PIB était déjà limité, bien sûr qu’une réduction du PIB entraîne de facto une diminution des recettes fiscales qui elle-même entraîne une diminution de la capacité d’emprunt ou de rembourser les emprunts contractés. Ce sont des centaines, des milliers d’économistes à travers le monde qui ont crié. Mais, pourtant, inexorablement, les chefs d’État européens, le FMI ont maintenu, accru, leurs exigences criminelles.

Il y a deux jours, les chiffres sont tombé. Le PIB grec s’est contracté de 6,8%. Après 4,5% en 2010 et 2% en 2009. Voilà, la messe est dite, fermez le ban, les Grecs ne pourront jamais rembourser quoi que ce soit. Il est des fois où nous aimerions avoir eu tort. Pourtant, il faut bien reconnaître que nous faisions partie de ceux qui, dès 2008, annonçaient que la prochaine crise viendrait vite et aurait les dettes souveraines comme point de départ et dès 2010 que la Grèce ferait défaut.

Nous y sommes. Le sommet européen de mercredi a été annulé. Les marionnettes du parlement grec se sont ridiculisées dimanche pour rien. La Grèce ne sera pas sauvée. Les 130Mds promis pour le mois de mars seront « cantonnés » en attendant que les Grecs donnent de nouvelles garanties (que peuvent-ils donner comme garanties ?!), histoire de faire traîner les choses. Nos zélites pilotent à vue, je dirai même à courte vue. Ils prennent des décisions au jour le jour, sans perspective d’ensemble, sans objectif final, sans plan. Pour l’instant, il faut « passer » les élections. En France, en Grèce, en Allemagne, aux USA. Tous les coups sont bons. En cas de défaut avant les élections, les banques européennes sont blindées de cash que la BCE leur a généreusement octroyé. Un nouvel « open bar » de liquidités se met en place pour le mois prochain. Il s’agit d’amortir le choc des CDS. Évidemment, la BCE, au vu de son bilan, risque de souffrir. Alors ? Alors on bidouille des prises d’actifs, on crée un lien avec la FED que l’on croit plus solide, mais tout cela ne durera que quelques mois, pas plus.

Et nos amis Grecs, dans tout cela ? Pas difficile d’imaginer que la situation sociale et politique va se dégrader. Il paraît que les agents du fisc sont en grève larvée, que la police refuse d’obéir à certains ordres, que certains fonctionnaires ont prévu des opérations commandos à la suite des dispositions de réduction de salaires prises dimanche dernier. Le chaos. Mais voilà, « ordo ab chaos ». Qui aujourd’hui a « les mains propres », qui a montré son sens des responsabilités en acceptant de participer à un gouvernement d’union nationale mais a refusé les conditions humiliantes ? Qui risque d’avoir le soutien de l’armée ? Le L.A.O.S. Soyons honnêtes. Personne ne peut se permettre d’avoir un pays en pleine révolution et guerre civile dans cette Europe que l’on a vendu si chèrement aux peuples comme source de paix, d’amour et de fraternité. Personne ne peut se permettre d’avoir un État faible en face de la Turquie qui se renforce et s’affirme de plus en plus conquérante. Un bon vieux coup d’État mené par l’armée et qui mette au pouvoir des nationalistes qui ont refusé de se mouiller dans les tractations européennes, voilà une alternative acceptable pour tout le monde. En échange, ils obtiendront la renégociation de la dette, la remise aux calendes… grecques du plan de remboursement. Bien sûr, ils seront mis « au ban » de la société mais tout le monde continuera de commercer avec eux, ils sortiront de l’Euro, seront exclus de l’UE et rebâtiront une économie de survivance basée sur le tourisme et l’agro-alimentaire. Au bout de quelques années, ils organiseront des élections, seront admis comme observateurs à l’UE (si elle existe encore) et tout le monde signera (comme pour l’emprunt russe) un accord bidon soldant définitivement cette histoire de dette.

Bon, bien sûr, il y a des tas d’aléas qui feront que cela ne se passera pas comme cela. Mais ce dont je suis sûr, pour bien les connaître, c’est que nos dirigeants ont ce scénario en tête.

Et si ce scénario ne tiendra pas, c’est parce que le mal est beaucoup plus profond que cela. Toute notre Europe est en crise, et pas seulement en crise monétaire, financière ou économique. Même si les élections se passent bien, c’est-à-dire sans heurts et sans grosse surprise, avec l’élection ou la réélection de l’oligarchie au pouvoir, que se passera-t-il en Espagne, en France, en Italie, en Grande Bretagne ? Nos situations économiques et budgétaires ne sont pas non plus en état de pouvoir faire face à nos dettes. Et les USA ? Décidément, à ne pas avoir voulu couper la main qui se gangrenait, c’est tout le corps du monde occidental qui est en passe de s’écrouler. À moins que… Si 2012 a été prophétisée par certains comme l’année de la fin d’un monde, c’est aussi le 700ème anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc. Là aussi, tout était fichu. Isabeau de Bavière avait cédé le Royaume aux Anglais, le Roi n’avait même pas pu se faire couronner, la France était réduite à la portion congrue et survint… Bon, soyons honnête, les victoires de Jeanne n’auraient pu se transformer en reconquête et sauvetage sans Jacques Cœur… le business man ! Où sont-ils aujourd’hui l’un et l’autre ?

P.S.: Regardez la vidéo de l’intervention de Nigel Farage du 15 février


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