Les chiffres du chômage aux États-Unis, présentés vendredi 2 décembre, montre une légère hausse nette de 120.000 emplois au mois de novembre. Toutefois, ces chiffes masquent une situation inquiétante pour l’Amérique. Selon certains analystes, le pays devrait créer plus de 263.000 postes chaque mois pour sortir de l’impasse économique.
Article publié en collaboration avec In Eco Veritas
Le président américain Barack Obama n’a pas boudé son plaisir après la publication des chiffres de l’emploi, la semaine dernière. Le taux de chômage des États-Unis est tombé à 8,6% en novembre, soit une baisse de 0,4% par rapport au mois d’octobre (9%), selon le rapport mensuel publié vendredi 2 décembre par le département du travail. L’emploi américain retrouve ainsi son plus bas niveau depuis mars 2009. Toutefois, près de 13 millions d’Américains restent toujours privés d’emploi.
Au total, 120 000 emplois nets ont été créés en novembre (140.000 créations nettes dans le privé contre 20.000 suppressions dans le public), tandis que la croissance de l’emploi s’est accélérée, signe selon certains analystes que la reprise retrouve une certaine vigueur.
L’économie continue « de remonter la pente », a affirmé la Maison-Blanche, tout en affirmant que « le rythme de l’amélioration n’(était) toujours pas suffisamment rapide ». « Nous devons faire continuer cette croissance » de l’emploi, a estimé le président démocrate Barack Obama, invitant le Congrès à voter ses propositions de relance auxquelles s’oppose le camp républicain.
D’autre part, ces résultats pourraient inciter la Réserve fédérale américaine (Fed) à poursuivre sa politique de taux bas, visant à stimuler la consommation. Selon Scott Minerd du Financial Times, la Fed étudierait d’ailleurs l’hypothèse d’une opération de Quantitative Easing III, afin de soutenir la baisse du chômage. Quoi qu’il en soit, la vice-présidente de l’institution monétaire Janet Yellen a déjà fait savoir qu’elle était favorable à ce que la politique monétaire de la Fed en fasse plus pour stimuler la croissance. « Il reste de la place pour décider d’un assouplissement supplémentaire », a-t-elle estimé.
Hausse du nombre de chômeurs « découragés »
Dans un article publié sur le site StreetTalkLike, l’analyste Lance Roberts estime toutefois que les chiffres officiels, présentés vendredi, masquent la réalité du marché de l’emploi américain.
Il s’agit d’une période traditionnellement forte du point de vue de la croissance de l’emploi en raison de la saison des fêtes et des achats de détail. De fait, il n’est pas surprenant de constater une hausse saine de l’emploi. Toutefois, ces emplois tendent à être temporaires par nature, explique-t-il.
D’autre part, la baisse du chômage en novembre s’explique également par la sortie du marché de l’emploi d’un certain nombre de travailleurs au chômage et découragés par l’absence de perspectives d’emploi. Le taux de chômage n’est rien de plus que le ratio du nombre total de chômeurs divisé par la population active totale. En soustrayant des individus de la catégorie des chômeurs – selon la méthodologie des économistes du Bureau des statistiques de l’emploi – le numérateur et le dénominateur diminuent, et par logique mathématique, le ratio ou pourcentage diminue également.
Le rapport du bureau du travail américain montre que 487.000 personnes sont sorties des effectifs du chômage entre octobre et novembre. La population inactive représentait 86,56 millions de personnes en novembre, contre 86,07 en octobre. Ces sorties ont conduit à une baisse du taux d’activité à 64% contre 64,2% le mois dernier. C’est le plus bas niveau d’actifs enregistré aux États-Unis depuis le début des années 1980. Cette faiblesse est confirmée par la durée d’inactivité des personnes sans travail qui a grimpé à un nouveau record de 40,9 semaines. En comptabilisant les personnes « découragées » et les emplois temporaires, le taux de chômage américain devrait donc être nettement plus élevé. Il atteindrait au moins la barre des 10%, certains avancent même le chiffre de 16%.
L’Amérique doit créer 263.700 postes chaque mois pour sortir de l’ornière
L’influent site d’analyse économique ZeroHedge calcule chaque mois le nombre d’emplois que l’économie américaine devrait générer pour qu’à la fin d’un second mandat d’Obama, en novembre 2016, le taux de chômage revienne à son niveau de décembre 2007, lorsque la grande crise financière a commencé. Ce calcul prend en compte l’évolution de la masse salariale et intègre la hausse naturelle des individus au sein de la population active, estimée aux alentours de 80.000 chaque mois par le bureau des statistiques.
Chaque fois que nous relançons ce calcul, le nombre d’emplois qui doivent être créés pour revenir à des niveaux standards augmente : D’abord, il a été 245.500 en avril, puis 250.000 en Juin, 254.000 en Juillet, puis 261.200 en Octobre. Ce chiffre vient d’augmenter à un niveau record 262.500. Cela signifie que si l’Amérique ne crée pas ce nombre d’emplois chaque mois, son niveau de chômage à fin 2016 ne reviendra pas dans ses limites d’avant décembre 2007. Est-il réaliste de penser que l’économie américaine peut vraiment créer 16,2 millions d’emplois dans les 61 prochains mois ?
Inquiétudes pour l’avenir économique des États-Unis
Pour Lance Roberts, il y a deux conséquences très négatives à l’accroissement du nombre de personnes découragées qui constituent une main-d’œuvre importante et « disponible ». La première est que « plus une personne reste longtemps au chômage, plus la dégradation de ses compétences professionnelles pèse sur le potentiel d’emploi et de revenus futurs. Et surtout, la seconde est qu’avec un niveau élevé de concurrence pour les emplois existants, les salaires restent sous pression et à la baisse de façon significative ». Et qui dit baisse des salaires, dit baisse de la consommation.
En d’autres termes, selon ces analystes, la légère baisse du chômage de novembre ne donne pas matière à se réjouir. Si les États-Unis bénéficient d’une relative tranquillité, leur situation économique n’en resterait pas moins bloquée et les perspectives d’une reprise durable restent très lointaines. Et ni les politiques de relance de Barack Obama, ni les politiques de manipulation monétaire de la Fed (taux bas et Quantitative Easing) ne semblent avoir réussi à endiguer cette tendance.
Du reste, la dette américaine a continué à exploser ces derniers mois pour atteindre le palier des 15.000 milliards de dollars. Et au vu de la situation internationale, il n’est pas certain que l’Amérique trouve éternellement des prêteurs. Se posera alors la question du remboursement. Et plus la dette s’accroit, plus cette question sera douloureuse.
Il n’est pas trop tard pour changer de cap et imaginer d’autres solutions. Mais pour combien de temps cela est-il encore possible ?
—-
Sur le web
Une remarque : les statistiques américaines sont toujours révisées plusieurs semaines après leur publication. Alors prudence!