Zone euro : état des lieux

Un entretien avec Peter Altmiks, de la fondation Friedrich-Neuman Stiftung, recueilli par In Eco Veritas

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Zone euro : état des lieux

Publié le 8 octobre 2011
- A +

L’Europe a poussé un soupir de soulagement après le vote du plan de sauvetage de la zone euro par le parlement allemand, le 29 septembre. In Eco Veritas s’est entretenu avec le professeur Peter Altmiks, chercheur pour le think tank allemand Friedrich-Neumann Stiftung, pour dresser un état des lieux de la crise de l’euro.

In Eco Veritas : Comment jugez-vous la situation de la zone euro actuellement ?

Peter Altmiks : La situation est critique, il faut toutefois faire la différence entre la valeur extérieure de l’euro et l’endettement des États en Europe. La valeur extérieur de l’euro est pour le moment relativement stable, mais nous avons une crise des dettes souveraines. Il y a quatre Etats principaux qui sont en difficulté : Espagne, Italie, Grèce, Portugal.

IEV : Vous ne citez pas l’Irlande qui a pourtant connu une crise violente voilà quelques mois. Ce pays est donc hors de danger selon vous ?

PA : L’Irlande n’est pas dans la même situation. Le pays a connu une crise de ses banques, mais il a pris les mesures appropriées. L’Irlande a rééquilibré son budget, elle a retrouvé le chemin de la croissance et a épuré la crise des banques. Si l’Irlande devait être aidée, cela ne serait pas du fait de sa dette. Il y a de fortes chances, aujourd’hui, pour qu’une restructuration de la dette grecque ait lieu. C’est quelque chose qui sera difficile à éviter et les marchés se préparent déjà à cet événement. La plupart des économistes plaident en faveur d’un mécanisme temporaire de sauvetage pour la Grèce au sein de l’Union européenne. Or, en l’état actuel des choses, un tel transfert risquerait d’être instauré de façon permanente, ce qui constituerait une violation du traité de Lisbonne, du traité de Maastricht, ainsi que des statuts de la Banque centrale européenne.

IEV : Quel est le sentiment des Allemands concernant l’euro aujourd’hui ?

PA : Les Allemands n’ont pas oublié le Deutsche Mark. Le gouvernement fédéral a consenti à l’introduction de l’euro, en échange de la promesse d’une monnaie stable. Bien sûr, un certain nombre de dispositions inscrites dans les traités devaient garantir cette stabilité. Et surtout, les États-membres ne devaient pas porter la responsabilité de l’endettement des autres membres. Aujourd’hui, les Allemands sont déçus, parce qu’ils doivent supporter le poids des dettes et des politiques dispendieuses des autres États. Ils se sentent trahis par les promesses de l’Union monétaire européenne et ils ont le sentiment que les Etats du sud n’ont pas adapté leurs finances et leurs politiques économiques en vue de soutenir l’Euro.

IEV : Ne pensez-vous pas cependant que Philipp Rösler, ministre allemand de l’Économie, a fait preuve d’irresponsabilité la semaine dernière en déclarant publiquement que tous les scénarios doivent être envisagés concernant la Grèce, y compris une faillite ou une sortie ?

PA : On ne peut pas exclure une faillite. Et si Rösler envisageait une faillite ordonnée, ce serait quelque chose de tout à fait approprié. Par exemple, une faillite ordonnée sur le modèle d’une procédure de chapitre onze aux États-Unis pourrait être une solution. La Banque centrale européenne a garanti 130 milliards d’euros d’obligations d’État. En cas de faillite, nous estimons que cette somme pourrait fondre de 50%, soit autour de 60 milliards. L’Allemagne participe à hauteur de 27%, et il n’est pas exclu que ce pourcentage augmente si certains pays rencontrent des difficultés à tenir leurs engagements. Une hausse du coût du sauvetage de ces pays constitue un danger réel. Normalement, l’État grec devrait emprunter à des taux de 9% ou plus, ce qui correspond au risque réel de non remboursement de sa dette. Or quand la Grèce emprunte à des taux de 2 ou 3%, cela n’est pas tenable. Ce genre de taux n’est valable que pour des États jouissant d’une bonne réputation, un budget équilibré et d’un faible niveau d’endettement. Si la Grèce venait à se déclarer en faillite, il faudrait réfléchir à comment procéder. De plus, il faudrait prévoir des effets collatéraux qui ne manqueraient pas de toucher les banques. Il y aurait également des effets secondaires qui pourraient concerner les États : baisse de l’activité économique, baisse du pouvoir d’achat. Quant à la solution d’une sortie temporaire de la Grèce hors de la zone euro, elle reste possible, le temps que le pays restructure sa dette, mais cela semble difficile à mettre en place.

IEV : Pensez-vous que cette solution sera acceptée par les grecs ? 

PA : L’Argentine a fait faillite, la Russie a fait faillite. Les effets d’une telle situation sont bien connus dans ces pays. Pendant les derniers siècles, l’État allemand lui-même s’est trouvé plusieurs fois en faillite. Les pays peuvent se relever de tels processus, mais ils doivent pour cela accepter un certain nombre de sacrifices pendant une période donnée. C’est ce qu’a fait notamment l’Argentine en réduisant son endettement de 70% par un mécanisme de restructuration financière. La Grèce n’est pas dans la même situation mais une telle coupe serait nécessaire. Il est clair qu’une faillite de l’État grec mènerait à des perturbations.  La croissance et les revenus fiscaux vont diminuer, et les dépenses sociales liées au chômage vont augmenter. A court terme, le pays aurait à faire face à ces problèmes. Et il y aurait un risque élevé sur les banques. Mais certaines question devraient être posées : quelles sont les conséquences d’une restructuration ou d’une faillite pour un État. Doit-on rester dans l’Union monétaire ou doit-on en sortir ? La zone euro aurait la possibilité de sortir de la crise avec un plan prenant en compte de tels hypothèses. La Grèce, quant à elle, aurait une chance de redevenir compétitive. Mais la tâche s’annonce difficile.

IEV : Une sortie de la Grèce est-elle souhaitable ? 

PA : Ce serait dangereux. Mais nous savons que les marchés anticipent cet événement. C’est une question difficile, il faut donc nous y préparer également. Il faut peut-être travailler à un plan par étape.

IEV : Et ne pensez-vous pas que la mise en place des eurobonds pourrait permettre de mettre d’éviter une telle issue ?

PA : Ce serait une catastrophe. Les eurobonds seraient l’acte final d’une Union de transferts. Les eurobonds permettraient de regrouper la dette des pays affaiblies sur celle des États économiquement forts : Allemagne, Pays-Bas et également la France. Ces pays auraient à porter un fardeau insoutenable pour financer cette mutualisation. Les eurobonds ne sont pas une solution, quelle que soit l’horizon que l’on vise. Les eurobonds sont comme une drogue, qui détruiraient le dernier rempart que l’on a voulu préserver. Et si l’on instaurait ce dispositif, il ne serait plus possible d’en sortir. Dans 10 ans, tous les États seraient surendettés, plus ou moins selon les pays. Et cela signifierait de l’inflation, de mauvaises perspectives de croissance et une perte de prospérité pour les États les plus riches. Tels seraient les effets des eurobonds : nous renoncerions à la prospérité.

IEV : L’Allemagne donne parfois l’impression de participer à contre-cœur au processus de sauvetage de la zone euro. Ne fait-elle pas preuve d’égoïsme vis-à-vis des ses partenaires ?

PA : Cette idée est absolument fausse. Il ne faut pas oublier que l’Allemagne a renoncé à une monnaie stable et efficace contre des conditions qui ont toutes été contournées et ignorées par les États-membres. Et pour cela, l’Allemagne est obligée de payer. Comment peut-on dire que l’Allemagne est égoïste ? Il y a un mécanisme de l’endettement quoi qu’il arrive. Certains États, comme la Grèce, ont profité des avantages de la monnaie unique, tout en s’endettant à des niveaux extrêmes. L’Allemagne est qualifiée d’égoïste, alors même que l’Allemagne soutient l’Europe. Pouvez-vous imaginer une zone euro sans l’Allemagne ? Du reste, il est tout à fait possible de travailler ensemble à une intégration européenne sans avoir de monnaie commune. Cela fonctionne. L’absence de monnaie européenne avant les années 2000 n’a pas empêché la fondation d’un marché commun, une harmonisation de ses règles et des dispositions politiques communes. L’Europe s’est développée aussi sans monnaie. Cela fonctionne. Mais quand les États sont aussi différents et surtout se développent dans des directions aussi divergentes, cela pose nécessairement des problèmes.

IEV : Quelles solutions proposez-vous désormais pour permettre à la zone euro de sortir de la crise ?

PA :  L’essentiel concerne la réduction du déficit et l’équilibre du budget. Il n’y a pas d’attaque des marchés. S’il n’y avait pas d’endettement, les États ne seraient pas dans une tempête telle que celle que nous connaissons aujourd’hui. Et les marchés ne pourraient rien contre des pays prospères. Le mécanisme de sauvetage doit être limité. Il doit rester temporaire. Les actions du pacte de stabilité doivent rester automatiques. Elles ne doivent pas faire l’objet de modifications successives. La Banque centrale doit à nouveau se concentrer sur la stabilité des prix et cesser de renflouer les États surendettés. Ce que je peux conseiller aux pays européens, c’est de libéraliser le marché du travail à un niveau communautaire. Cela serait plus que judicieux. Les marchés des biens sont d’ores et déjà libéralisés, les marchés de capitaux également, mais ce n’est pas encore fait pour le marché du travail. Et il est essentiel, lorsque l’on veut fonder une union monétaire d’avoir un marché commun du travail le plus libéré possible de ses contraintes. En revanche, l’Europe n’a pas besoin d’une harmonisation ou d’une convergence fiscale. Cela serait catastrophique. D’abord parce que la fiscalité est l’un des éléments essentiels de la souveraineté nationale, d’autre part parce que les situations fiscales sont très différentes selon les pays. Il y a des États qui privilégient les impôts indirects, d’autres qui mettent l’accent sur les prélèvements directs. Par exemple, quoi de commun entre la France et la Slovaquie ? La Slovaquie a réalisé une importante réforme fiscale depuis une quinzaine d’années, en mettant en place un système d’impôts très simple qui constitue un authentique succès. Le pays a instauré une flat tax, un système de prélèvement simple et transparent, qui a permis une excellente croissance de sa situation économique. Chaque pays doit rester libre de faire ses propres choix en la matière.

—-
(*) Peter Altmiks est analyste-chercheur au sein de la fondation Friedrich-Neuman Stiftung, basée à Potsdam en Allemagne.  Spécialiste des questions économiques et financières, il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur la monnaie et la zone européenne, dont « La monnaie optimale pour l’Europe ? Bienfaits et méfaits de l’euro » (2011).

Un entretien avec Peter Altmiks, de la fondation Friedrich-Neuman Stiftung, recueilli par In Eco Veritas.

Voir les commentaires (6)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (6)
  • En résumé :
    Libéralisation du marché des capitaux : oui
    Libéralisation du marché des biens : oui
    Libéralisation du marché du travail : ce serait bien
    Harmonisation fiscale : ce serait mal.

    Traduit en français courant :
    Laissons les plombiers polonais déferler, mais il faut que le couillon de contribuable français continue de payer pour l’indemnisation des chômeurs que la libéralisation du marché de l’emploi entrainerait.

    N’est-ce pas ce qui se passe déjà en France, Terre d’Asile pour toute l’Afrique, avec ses embauches au rabais, ses aides sociales et son RMI équivalent à un confortable salaire dans les pays d’origine ?

    Merci de ne pas répondre « raciste ».

    • Raciste.
      Nationaliste.
      et peut-être même: socialiste.

      Pour analphabète économique, le résumé :
      Libéralisation du marché des capitaux = concurrence* : peut mieux faire
      Libéralisation du marché des biens = concurrence* : peut mieux faire
      Libéralisation du marché du travail = concurrence* : On demande la concurrence please, non pas des loi liberticide.
      Harmonisation fiscale = cartel>monopole : Maintenons la concurrence* et la renforcer même, donc tout le contraire, soit y installé l’harmonie économique (voir Frédéric Bastiat)

      *Où on peut dire aussi de façon strictement équivalent: le libre choix, le choix libre, le libre échange, l’échange libre, l’absence de coercition, le respect des droits de chacun.

      > Les monopoles et la coercition c’est le mal qui tue l’Europe qu’il dit le texte enfin de compte, si, si, incroyable mais vrai, horreur et damnation que de désillusion pour nos nationalistes, nos socialistes et nos racistes qui parfois sont les mêmes, mais que fait l’homme providentiel qui devais faire fureur!

      • Merci ! N’en jetez plus…
        Je ne vois cependant pas en quoi une harmonisation fiscale européenne puisse être plus monopolistique qu’elle ne l’est déjà : en quoi ai-je, actuellement, la possibilité de me soustraire à l’asphyxie fiscale nationale ? Nous sommes les plus taxés au monde, avec un moyen terme européen, cela ne peut être qu’une libération, un peu d’air, si ce n’est une libéralisation ?

        • Bon je m’excuse de m’être un peu emballé, mais vous et ph11 m’avez tendu chaqu’un une perche et vu l’heure matinal je n’était pas d’humeur ^_^ .

          Elle est plus monopoliste parce que même s’il y est vrais que dans un premier temps les français peuvent espérer (mais pas trop) une baisse de leur pression fiscal tant elle bat tout les records, il est aussi vrai qu’à terme il n’y aura plus aucune possibilité de voté avec ces pieds au sein de l’Europe : on passera de 27 concurrence fiscale à 0, tout cela dans une même zone géographique très vaste et réputé plus libre que ces voisins russes et Africains, le coût pour un ménage moyen d’un déménagement fiscale va devenir prohibitif, a partie de là il n’y pas plus taxer a un taux maximum puisque la fuite sera (re)devenue pas ou peu rentable (la volonté des politiciens de tout pays et de toute tendance à faire un telle harmonisation est très machiavélique)

          Et je demande plus en prônant l’indépendance des régions au moins du points de vue fiscal (tel les cantons suisse). Les producteur de taxe vont devoir faire attention a leur taux de prélèvement s’ils voudront encore prélever quelqu’un dans une tel configuration et donc aussi gérer l’argent pris de façon plus responsable.

  • Plusieurs points :

    -Les plombiers polonais déferler ? Tant mieux, on manque cruellement de plombiers en France ! De plus, sans les étrangers la France ne pourrait simplement pas fonctionner convenablement car peu de métiers pénibles seraient occupés… évidemment qui dit immigration dit refonte totale de notre système de sécurité sociale et d’aides sociales (=privatisation/suppressions). Ah et supprimer le SMIC et mettre une flat tax ça serait pas mal non plus.

    -Ah bon ? une libéralisation du marché de l’emploi entrainerait des hordes de chômeurs ? Étudiez un peu les pays à forte flexibilité du travail, et comme par magie le chômage est plus bas qu’ailleurs… Au contraire de faire du chômage, cela remettrait la France au travail et apporterait de la croissance.

    -Vis à vis de l’harmonisation fiscale, bien entendu qu’il ne faut pas la faire ! Ces **** de bureaucrates européens prendraient un taux très élevé pour financer leur sociale-démocrassie préférée.
    On va obliger les irlandais à avoir la même imposition sur les sociétés qu’en France ? Les classes moyennes polonaises à payer autant que les nôtres (ou ce qu’il en reste) ? Non, laissons donc les états les moins fiscalisés s’en sortir, et les autres couler lentement, dans la croissance molle et les dettes.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Mardi 27 février, Florian Grill, le président de la Fédération française de rugby, menaçait de délocaliser les matchs du XV de France hors du Stade de France à l'occasion d'un entretien à l'AFP. Le bras de fer entre la mairie de Paris et le PSG au sujet du Parc des Princes avait, lui aussi, connu un nouveau rebondissement le mois dernier : l’adjoint écologiste à la mairie de Paris, David Belliard, ne souhaitait pas le voir vendu au Qatar. Le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi s’en était ému, accusant à demi-mot la mairie de Paris de racisme.... Poursuivre la lecture

Charles-Henri Colombier est directeur de la conjoncture du centre de Recherche pour l’Expansion de l’Économie et le Développement des Entreprises (Rexecode). Notre entretien balaye les grandes actualités macro-économiques de la rentrée 2024 : rivalités économiques entre la Chine et les États-Unis, impact réel des sanctions russes, signification de la chute du PMI manufacturier en France, divergences des politiques de la FED et de la BCE...

 

Écarts économiques Chine/États-Unis

Loup Viallet, rédacteur en chef de Contrepoints... Poursuivre la lecture

L’Institut économique Molinari a publié une étude inédite visant à comparer le rapport coût/efficacité des différents pays européens en termes d’éducation et de formation. Elle analyse 30 pays européens et effectue trois comparatifs : le premier sur l’éducation primaire et secondaire, le second sur le supérieur, et le troisième sur l’ensemble du système de formation.

 

Un manque d'efficacité global autour de 16 milliards d'euros

La France se situe à la 22e place sur les 30 pays d’Europe étudiés. Au titre du primaire, du sec... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles