Richard Ebeling dénonce l’arithmétique en trompe l’œil de l’accord finalement conclu entre démocrates et républicains, la semaine dernière, à Washington. Un article publié par l’Institut Turgot.
En dépit de la focalisation des médias sur le fait que l’accord conclu le 2 août dernier entre les démocrates et les républicains pour relever le plafond de la dette US aurait évité un gigantesque krach obligataire, il n’en reste pas moins que la situation budgétaire des États-Unis demeure plus catastrophique que jamais.
Le Congrès a approuvé, et le président a signé un relèvement du plafond pour un montant supplémentaire de 2 400 milliards de dollars sur 18 mois. En d’autres termes, à la fin de 2012, la dette publique US sera de plus de 16 500 milliards de dollars, contre 14 300 actuellement.
Une réduction des dépenses, mais toujours plus de dette
L’accord prévoit que cette augmentation du plafond de la dette soit accompagnée par une réduction équivalente de 2 400 milliards sur les prévisions de dépenses publiques pour les dix prochaines années. En d’autres termes, ce à quoi nous avons affaire n’est pas une réduction du niveau absolu des dépenses, comme si l’on voulait que l’État dépense moins l’an prochain que cette année; mais seulement une diminution de l’augmentation des dépenses de l’État fédéral américain par rapport à ce qui passerait si aucune réduction n’était convenue.
Ceci veut seulement dire qu’au lieu de s’accroître de 10 000 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie, la dette publique US n’augmentera que de 7 000 milliards. Et donc que, dans dix ans la dette de l’État américain atteindra un niveau de près de 22 000 milliards, soit environ 55 % de plus qu’aujourd’hui.
La compréhension de cette arithmétique a été obscurcie par l’insistance des médias à présenter les choses comme si les 2 400 milliards d’économies prévues pour les dix prochaines années venaient en quelque sorte compenser les 2 400 milliards du relèvement du plafond de la dette. L’impression a été facilement créée dans l’esprit des gens que ces deux montants devaient s’annuler.
En réalité, le Trésor américain a reçu du Congrès l’autorisation d’emprunter et de dépenser environ 2 400 millions de dollars supplémentaires pour les 18 prochains mois; mais la réduction de 2 400 milliards sur les dépenses prévues pour les dix prochaines années ne représente, en moyenne, qu’une «économie» de 240 milliards de dollars par an. Une autre manière de compter est de dire que l’État est désormais autorisé, sur une période de dix huit mois, à dépenser en moyenne 133 milliards de dollars de plus empruntés chaque mois qu’il devra « compenser » par une réduction de ses dépenses de 20 milliards par mois sur dix ans.
Donc, en supposant que ce qui a été accepté par le Congrès et le Président soit effectivement respecté, c’est par cette réduction du rythme d’augmentation des dépenses de l’État étalée sur dix ans que l’on entend compenser la progression du volume global de la dette publique prévue entre maintenant et la fin 2012. Mise en place de nouvelles commission parlementaires pour s’occuper de la dette, création de soi-disantes formules pour imposer des coupes automatiques dans les dépenses publiques si les objectifs de réduction de la dette ne sont pas respectés, appel aux politiciens de Washington pour qu’ils se comportent désormais comme des adultes responsables et non comme des enfants… tout ce à quoi nous venons d’assister n’était en définitive qu’un rideau de fumée agité par les deux partis.
Mettre au pas le Léviathan
L’État fédéral américain est un Léviathan budgétaire doté d’un appétit insatiable de richesses et de revenus prélevés sur les personnes qui travaillent dans le secteur productif privé. Mais l’État n’a pas de volonté propre. L’État est constitué de politiciens individuels qui cherchent à se faire élire et réélire; de bureaucrates qui dirigent des ministères, des agences et autres organismes tous à la recherche de budgets plus élevés pour satisfaire leurs demandes de promotions, de salaires plus élevés, et aussi d’un plus grand pouvoir sur la vie des autres; de groupes de pression qui utilsent leurs relations pour obtenir que l’État taxe, dépense, et oriente la redistribution de revenus à leur avantage, afin de gagner plus que ce qu’ils pourraient sur un marché concurrentiel, mais aussi d’imposer leurs désirs et leurs rêves idéologiques aux autres qui n’en demandent pas tant..
Comme l’explique Milton Friedman, c’est ce «triangle de fer» fait de politiciens, de bureaucrates et de groupes de pression qui décide de ce que l’État doit faire, pour le compte de qui, et à quel coût – bien évidemment répercuté sur le reste de la société, c’est-à-dire les contribuables « nets », ceux sur qui pèse en définitive le fardeau de l’État-Providence.
Le problème est que ceux qui, d’une manière ou d’une autre, tirent avantage des largesses de l’État représentent désormais, d’après les dernières estimations, un peu plus de la moitié du corps électoral, alors que les contribuables sur qui en retombe en définitive le prix y sont numériquement en minorité. C’est aujourd’hui une minorité de la population qui travaille pour payer les traitements versés par l’État, assurer la redistribution ou financer les privilèges de la majorité.
Ce que ce «triangle de fer» Washingtonien ne peut pas collecter par l’impôt, il le finance par l’emprunt. D’où les 16 500 milliards de dollars qu’atteindra la dette publique américaine à la fin de l’année prochaine, en conséquence de cet accord conclu entre le Président et le Congrès pour relever le plafond de la dette.
La seule véritable solution au problème de la dette de l’État fédéral est de remettre en question la taille de l’État et son importance dans nos vies et nos activités.
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La version originale (en anglais) de ce texte de Richard Ebeling a été mise en ligne sur le site de Northwood University « In Defense of Capitalism » en date du 2 août 2011.
Il va sans dire que le gouvernement américain a bien pigeonné son électorat en lui faisant miroiter qu’il allait faire des économies dans les prochaines années. Que nenni ! En relevant le plafond de la dette, il ne faisait que demander la possibilité de dépenser encore plus. Quant aux économies, n’en parlons pas, elles ne seront pas faites, puisqu’il faut bien que les élus profitent des largesses du système. Et il n’y a pas que les Etats-Unis…