Le partage des profits, cette grande illusion

Il faut aujourd’hui rappeler les principes de base du fonctionnement d’une entreprise, qui sont ignorés

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Le partage des profits, cette grande illusion

Publié le 25 mai 2011
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Si l’on oblige les entrepreneurs à donner la plus grande partie des profits aux salariés et à l’administration fiscale, où se situera l’incitation à entreprendre?

Je viens de faire un mauvais rêve. J’ai rêvé qu’en corrigeant des copies à l’occasion d’un examen d’économie, j’ai trouvé dans l’une d’entre elles la phrase suivante: « Il n’est pas juste que les actionnaires d’une entreprise touchent la totalité des profits. » Puis, un peu plus loin, une phrase de ce genre: « Je voudrais qu’on imagine un système qui fait qu’au moment où on augmente les dividendes, les salariés en aient une partie aussi. »

Quelle note devrais-je donner à l’auteur de telles affirmations? Sans l’ombre d’un doute, je donnerais un zéro, car il serait absolument évident que cet étudiant n’aurait absolument pas compris certaines des bases fondamentales de l’économie. Mais sortant de mon rêve, je m’aperçois avec stupéfaction que ces propos sont à peu près ceux qui ont été tenus par une personnalité importante, le président de la République française en personne! Et mon effroi s’accroît quand je prends conscience que cette méconnaissance des phénomènes économiques est celle d’un personnage qui peut prendre des décisions de politique économique importantes.

Il faut simplement rappeler les principes de base du fonctionnement d’une entreprise. Toute entreprise privée est possédée par un ou plusieurs propriétaires. Ceux-ci – ou leurs mandataires – signent toutes sortes de contrats, avec des fournisseurs, des prêteurs, des salariés. Ces contrats stipulent des prix, des intérêts ou des salaires qui sont déterminés à l’avance, de manière certaine, et les propriétaires de l’entreprise s’engagent donc à les honorer quelles que soient les circonstances. Mais, les circonstances ne peuvent pas être prévues parfaitement à l’avance et toute activité entrepreneuriale implique, de ce point de vue, une part de risque.

Bien entendu, lorsqu’il signe les différents contrats qui l’engagent pour le futur, un propriétaire-entrepreneur espère bien qu’il y aura un écart positif entre la valeur de ce qu’il pourra vendre sur le marché et tout ce qu’il aura payé au titre de ces différents contrats pour produire les biens qu’il vendra. Cet écart est appelé le profit. Comme on le voit, celui-ci est de nature résiduelle, c’est-à-dire qu’il correspond à ce qui reste lorsque tous les contrats certains ont été honorés. Il existe donc seulement dans la mesure où les coûts de production ne dépassent pas le chiffre d’affaires. Mais, il peut arriver que le résultat de l’activité d’une entreprise se solde par une perte et non par un profit, ce qui constitue un risque particulièrement grave. Le propriétaire est celui qui accepte à l’avance de prendre les risques à sa charge. Sa rémunération est donc variable et incertaine, contrairement à celle des salariés ou des prêteurs.

Pour s’engager dans une activité, un producteur a besoin de connaître les coûts qu’il s’engage à couvrir de manière contractuelle, par exemple les salaires. Il sait qu’il obtiendra éventuellement un revenu résiduel. Il est alors absurde de rendre aléatoire un élément important des coûts de production – le salaire – en le faisant évoluer comme le revenu résiduel… Et il serait d’ailleurs encore pire de le faire évoluer à la hausse, mais pas à la baisse, comme cela semble implicitement souhaité. Ce qui est certain, c’est qu’une telle réforme diminuerait considérablement l’incitation à entreprendre des producteurs. Pourquoi seraient-ils tentés de prendre des risques – y compris le risque de faillite – si, dans le cas où leur activité pourrait être profitable, ils seraient obligés de donner la plus grande partie des profits résiduels aux salariés et à l’administration fiscale?

Dans la firme capitaliste traditionnelle, il y a un partage des tâches et des rémunérations qui correspond à la fois à la justice et à l’efficacité. Il est très dangereux de vouloir détruire cet équilibre naturel. C’est cette même distinction des rôles qui est complètement incomprise du président de la République lorsqu’il affirme qu’il n’est pas juste que les propriétaires d’une entreprise reçoivent la totalité des profits. En effet, par définition, le profit est la rémunération des propriétaires et il serait tout aussi absurde de dire qu’il n’est pas juste que les salariés reçoivent la totalité des salaires…

En préconisant un nouveau partage entre salaires et profits, le président prétend accroître le pouvoir d’achat des salariés, après avoir promis de manière imprudente qu’il irait chercher la croissance « avec les dents ». Mais il ignore que le seul moyen d’augmenter durablement le pouvoir d’achat consiste à accroître la productivité du travail, que celle-ci implique des investissements, donc des incitations à épargner, à investir et à entreprendre. Ce n’est pas en punissant ceux qui accumulent du capital et qui entreprennent qu’on obtiendra ce résultat.

Article repris du site du Québécois Libre

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  • Il faudrait peut être faire remarquer à M. Hollande qu’une conséquence logique de son point de vue serait de dire: si les dividendes diminuent, il n’est pas juste que l’actionnaire souffre seul. Il faut donc diminuer les salaires au nom de l’égalité.

  • Les commentaires sont fermés.

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Auteur : Anne Jeny, Professor, Accounting Department, IÉSEG School of Management

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