Limitation des écarts de salaires : une initiative suisse fondée sur la jalousie

Les Suisses devront prochainement se prononcer sur une initiative visant à limiter les écarts de salaires dans les entreprises.

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Limitation des écarts de salaires : une initiative suisse fondée sur la jalousie

Publié le 23 août 2013
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Les Suisses devront prochainement se prononcer sur une initiative visant à limiter les écarts de salaires dans les entreprises.

Par Philippe Nantermod, depuis la Suisse.

Si le revenu de Brady Dougan [1] ou de Daniel Vasella [2] était divisé par dix, me porterais-je mieux ? La question n’est pas anodine. Elle nous sera posée le 24 novembre par l’initiative « 1:12 » qui veut limiter les salaires les plus élevés à douze fois les plus faibles au sein d’une même entreprise.

Disons-le d’emblée : d’un point de vue social, éradiquer les tranches de revenu les plus élevées n’a aucun sens. À supposer par impossible que son salaire soit réparti entre tous les employés du groupe, ne plus rémunérer Peter Brabeck [3] aurait permis une augmentation annuelle du revenu des salariés de Nestlé d’une cinquantaine de francs. Des peanuts. A contrario, vu la progressivité de l’impôt, une telle redistribution impliquerait nécessairement des baisses de rentrées fiscales importantes, et donc de prestations publiques pour les plus faibles.

Ainsi, 1:12 ne permet pas de progrès social. Ce n’est pas une amélioration concrète du niveau de vie des plus faibles qui pousse les initiants, mais la volonté de tendre à une société égalitariste, où les différences entre les individus sont aplanies à force de mesures étatiques.

Le 24 novembre 2013, nous devrons choisir entre une société où les citoyens sont égaux en droits et libres dans leurs actions, et une société où l’État impose une égalité de fait, au mépris des libertés de tout un chacun. A priori plaisant aux oreilles, le grand projet de redistribution des richesses creuse la tombe des libertés individuelles au profit du discours démagogique de quelques socialistes totalitaires.

L’article dix-sept de la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU de 1948 dispose que toute personne a droit à la propriété et que nul ne peut en être arbitrairement privé. À l’instar de la liberté d’expression ou de la liberté d’association, cette garantie constitue une des facettes qui protègent l’individu contre les dérives potentiellement tyranniques des États. Il est parfaitement incohérent de s’émouvoir des atteintes à la liberté religieuse quand il s’agit de minarets pour mieux écorcher la garantie de la propriété par la suite.

Avec 1:12, l’État sera légitimé à s’immiscer dans la politique salariale des entreprises, sans visée objective de protection sociale. Non seulement la collectivité ponctionne par l’impôt une partie des richesses produites, mais elle interviendra désormais dans la gestion courante des sociétés. Et pourquoi pas dans celle des ménages ? Derrière les belles intentions d’égalité, l’initiative prépare le terrain pour une société dans laquelle la collectivité fixe les critères moraux d’utilisation du patrimoine privé et dicte à tout un chacun sa conduite bien au-delà des règles essentiels du vivre en commun.

Lorsque Jean-Claude Biver affirme que 1:12, c’est l’Union soviétique, il n’exagère pas. À moins d’être son employeur, le salaire de votre voisin ne vous regarde pas. Ce ne sont pas vos oignons, que vous soyez socialiste ou non. L’initiative Minder a introduit la possibilité pour les actionnaires de se prononcer sur le revenu des tops managers, une intervention de l’État contredirait les principes fondamentaux qui ont fait notre prospérité et le respect des individus. Chacun est libre d’user de son patrimoine comme il le souhaite et il n’est pas plus abusif pour une entreprise de consacrer son bénéfice au salaire de son patron que pour un individu de dépenser la moitié de son revenu pour ses vacances.

Les hommes n’étant pas dotés des mêmes capacités, s’ils sont libres, ils ne seront pas égaux, et s’ils sont égaux, c’est qu’ils ne sont pas libres.
— Alexandre Soljenitsyne

Les propos d’Alexandre Soljenitsyne nous rappellent ce choix de société central. La Suisse doit choisir entre les lendemains qui chantent du collectivisme et de l’État touche à tout, et la voie plus prosaïque et moins révolutionnaire de la protection des individus.

Le risque d’un succès de 1:12 ne doit pas être négligé. Pour arriver à leurs fins, les initiants s’appuient sur nos sentiments les plus bas, à commencer par l’envie, pêché capital s’il en est. En plus d’être le projet de l’égalitarisme contre la liberté, 1:12 est par excellence l’initiative de la jalousie.


Sur le web.

Notes :

  1. Brady Dougan est l’actuel directeur du Crédit Suisse depuis mai 2007.
  2. Daniel Vasella a officié comme PDG et président de l’industrie pharmaceutique suisse Novartis, cinquième plus grande entreprise pharmaceutique au monde.
  3. Peter Brabeck  a été le PDG de la multinationale Nestlé de 1997 à 2008.
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  • Je propose aussi de limiter les salaires des sportifs les mieux payés a 12 fois le salaire des moins bien payés. Je suis curieux de voir les résultats sur la motivation des joueurs les plus doués.

  • Permettez-moi de le demander encore une fois, mais d’où vient cette citation d’Alexandre Soljenitsyne ? Je n’ai pas trouvé l’ouvrage, discours ou autre source d’où celle-ci pourrait venir.

  • Le salaire sera limité à 12 fois, la belle affaire, ce n’est pas comme s’il n’existait pas des dizaines de solutions pour contourner ça (stock options, avantages en nature, rémunération répartie sur plusieurs sociétés, rémunération offshore, …).
    Un jour les socialistes interdiront d’habiter dans un 120m2 car les plus pauvres logent dans un 10m2.

  • L’homme est envieux et vaniteux. Son envie le rend méchant, et sa vanité lui fait prendre cette méchanceté pour une force de caractère au nom de laquelle il commet les pires stupidités.

    • Il y a de l’envie dans le socialisme, mais pas seulement.
      Les tempéraments socialistes sont obsédés par l’égalité de fait même dans des sociétés lointaines, même sans ressentir de jalousie.
      Je pense que c’est une vision (perverse) de la justice, une sensibilité indépendante de l’intelligence, même si l’éducation et l’expérience permettent de la surmonter.

  • Il y a deux sensibilités:
    Ceux qui voient l’injustice dans l’inégalité de fait; et ceux qui la voient dans la contrainte.
    Socialistes vs libéraux.

    Je suis curieux de voir le détail des résultats de ce référendum…

    • Vous qui défendez habituellement la démocratie directe devriez vous réjouir d’une telle votation.

      • On peut être pour la démocratie directe mais ne pas être d’accord avec tous les sujets proposés. Le vote permet justement d’accepter ou de refuser les initiatives ou les referendums. J’espère que cette initiative sera refusée.

  • Innaplicablesauf à vivre en axyens existemont pour suprimer cette limite!La gauche ferait mieux de combattre pour une monnaie saine c’est à dire fondée sur l’or et l’argent ;Condition si ne qua non pour atteindre la prospéritéès et du plein emploi condtition du prog et la réduction des innégalités causées par la monnaie fiduciaire.En plus d’avoir un système fiscal sain, mais ca c’est une autre question!

  • Une partie de cet argumentaire fleure bon l’utilitarisme: les hauts salaires seraient à préserver parce que l’Etat y trouve son compte à travers l’impôt « progressif » (une autre aberration au passage). Si on accepte ce point de vue, cela mine tout de suite un autre argument:

    *À moins d’être son employeur, le salaire de votre voisin ne vous regarde pas. Ce ne sont pas vos oignons, que vous soyez socialiste ou non. »

    Eh bien non, si on considère le salaire du voisin comme un moyen de financer mon train de vie au travers de la redistribution. En Socialie, tout le monde surveille tout le monde. C’est pour cela qu’une flat tax serait utile, elle mettrait au moins un terme à ce pseudo-argument: du point de vue de l’Etat, 500 CHF chez l’un reviendrait au même que 50 CHF chez dix autres, et il n’aurait pas à se mêler de la distribution des revenus chez les uns et les autres selon son intérêt propre.

    Les hauts salaires n’ont pas à être encadrés par la loi mais par les propriétaires de l’entreprise et l’initiative Minder correspond tout à fait à ce qu’il fallait faire.

    Inviter l’intérêt financier de l’Etat dans ce débat est tout à fait malsain.

    • L’utilitarisme ? Je ne fais que souligner que d’un point de vue social, cette initiative n’a aucun intérêt. La raison pour laquelle je rejette cette initiative est tout autre.

  • Les suisses devraient lancer un référendum sur le thème « faut-il interdire le parti socialiste ? » :nerd:

  • Le vrai problème est qu’il existe une situation de cartel sur le marché des emplois de manager. Il n’y pas de problème à payer très chère une personne très compétente avec une vrai plus-value, mais bien souvent les critères de sélection sont de type cartellaires. Mais les personnes lésées ne sont pas les autres employés de l’entreprise mais l’actionnaire, qui lui fait parfois aussi partie du même cartel (Caisse de pension).

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