La face cachée d’Apple

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
apple

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La face cachée d’Apple

Publié le 8 octobre 2011
- A +

Avec la disparition de Steve Jobs, nous avons perdu un modèle d’entrepreneur. Beaucoup d’entreprises ont horreur du vrai capitalisme et préfèrent le capitalisme d’État, où l’on peut réussir en devenant copain-copain avec le bon fonctionnaire. De son côté, Apple a bâti son royaume en consacrant la majorité de ses énergies à inventer des produits remarquables au lieu de jouer la game politique.

Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec

Pas question d’écrire un énième hommage à Steve Jobs. Mais je viens de découvrir une raison de plus d’admirer son entreprise. Qui touche mon cœur de cynique.

C’est le blogueur Tim Carney, du Washington Examiner, qui déterre ces chiffres : Apple vaut des centaines de milliards de dollars. Mais en techno, c’est l’entreprise qui donne le moins aux politiciens, qui dépense le moins en lobbying. Dans le top 15, Microsoft trône au sommet. Le créateur de Windows a fait pleuvoir 7 millions de dollars dans les corridors de Washington en 2010 [1]. Google? Plus de 5 millions de dollars. C’est encore trois fois plus qu’Apple, dernière au classement.

La business d’Apple, c’est l’innovation. Le temps, elle le passe à imaginer et construire des ordinateurs, téléphones et tablettes qui vous jettent à terre. Qui crée des milliers d’emplois, et ouvre le chemin à des industries entières. Pas à manger du filet mignon avec un politicien pour lui soutirer des privilèges. En langage Facebook : J’aime.

Plus surprenant encore : le bébé de Steve Jobs n’a jamais formé de comité d’action politique (PAC). Ce type d’organisation qui permet d’amasser des fonds pour financer la campagne de votre politicien chouchou, ou d’influencer l’adoption d’une loi. Une pratique courante chez les groupes de pression aux États-Unis, notamment les grandes entreprises.

Le grand mythe

Profitons-en pour déboulonner un mythe tenace dans le discours économique : l’idée que les grandes entreprises aiment le libre marché. Qu’elles souhaitent moins de gouvernement, moins d’État. Rien de plus faux.

Les grandes entreprises sont des groupes d’intérêt comme les autres. Qui tirent la couverture de leur bord, et cherchent à se goinfrer — comme les syndicats, les ordres professionnels et lobbies de toute sorte — dans le plat de bonbons gouvernemental. Que ce soit en tétant des subventions, ou des réglementations qui pénalisent leurs concurrents.

Beaucoup d’entreprises ont horreur du vrai capitalisme, de la concurrence. Elles préfèrent de loin le capitalisme d’État, comme ici au Québec. Où l’on peut réussir en devenant copain-copain avec le bon fonctionnaire — parlez-en aux firmes d’ingénierie et de construction !

Pensez-vous sérieusement qu’ici, Bombardier ou Pratt & Whitney, pour ne prendre que deux exemples, souhaitent que l’État rapetisse ? Qu’il dépense moins ? Quand depuis 10 ans, ces deux entreprises ont reçu, ensemble, des centaines de millions de dollars de votre argent en subventions, prêts à intérêt quasi nul et garanties de prêts ?

Apple n’est sûrement pas blanche comme neige. Ni apolitique. Son entreprise donne aux partis politiques, surtout démocrate. Elle possède un département d’« affaires gouvernementales », comme toute grande entreprise. Elle fait vivre une armée d’avocats — comme ses concurrents — pour régler des disputes de brevets.

Mais Apple a bâti son royaume en consacrant la majorité de ses énergies à inventer des produits remarquables. Au lieu de jouer la game politique, comme trop d’entreprises le font. Le 5 octobre, nous avons perdu plus qu’un génie. Nous avons aussi perdu un modèle d’entrepreneur.

—-
Sur le web.

Note :
[1] À la défense de Microsoft, celle-ci doit constamment se défendre contre des accusations d’entrave à la concurrence, notamment pour son logiciel Windows. De là le besoin de se faire des amis à Washington… Notons aussi qu’une entreprise ne lobby pas nécessairement dans un but machiavélique, et certaines n’ont simplement pas le choix.

—-
Édition spéciale : hommage à Steve Jobs :
L’allocution de Steve Jobs à l’Université de Stanford
La face cachée d’Apple par David Descôteaux
Steve Jobs ou la folie des grandeurs par Guy Sorman
Le testament de Jobs par Emmanuel Martin
On a les idoles qu’on peut… par Georges Kaplan

Voir les commentaires (8)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (8)
  • Mais qu’a donc inventé Apple Ou steve Jobs?

    Merci de votre réponse

    • La simplicité belle et efficace en matière technologique, intuitivement compréhensible par tous.

    • « Il est difficile d’estimer l’impact colossal que la famille des ordinateurs Apple II eut sur le monde des affaires et particulièrement sur l’industrie technologique. L’Apple II fut le premier ordinateur que la plupart des gens aient jamais vu: abordable pour des familles de classe moyenne, de petite taille et bénéficiant pour la première fois de logiciels utiles et utilisables par tous, il fut donc le premier ordinateur à se démocratiser.
      L’une des leçons que les premiers Apple II nous ont permis de tirer, fut l’importance d’une architecture ouverte. Les slots d’extensions qui permettaient à n’importe quelle carte de prendre le contrôle du bus, ont permis le démarrage d’une industrie indépendante de fabrication de cartes. Une grande quantité de produits fut ainsi élaborée » wikipedia

  • Romain doit avoir un PC…

    • @romain:

      Apple a peu « inventé » au sens absolu, mais a rendu « grand public » des concepts antérieurement réservés à des publics de niche: Micro ordinateur, Interface Wisiwig entre autres.

      Et perfectionner en démocratisant ce que d’autres ont inventé n’est pas moins noble que d’inventer soi même. Gutenberg a inventé le livre, mais c’est aldus Manuce qui l’a démocratisé en améliorant l’invention de Gutenberg (et a fait la première fortune dans le business): J’ai la faiblesse de croire que le second a été aussi utile à l’humanité que le premier.

  • Éviter le capitalisme d’état, ou de connivence, appelons-me comme l’on veut ? C’est une blague ? Et les procès mondiaux contre Samsung pour des questions fallacieuses de propriété intellectuelle, dont le seut qui fut gagné le fut en Californie, c’est quoi à votre avis ?

  • Bonjour,
    Je ne suis ni PC ni Mac, j’ai les deux. On peut aimer Apple il n’y a pas de mal à ça, on peut critiquer Apple, il n’y pas de mal à ça non plus, mais dans une réflexion, autant avoir toute la donne. Il faut quand même arrêter cette ferveur, parce que justement Apple a une face cachée, une vraie, que peu voit malheureusement. Pas de dons aux partis politiques, mais pas de dons à personne non plus, pas de sponsoring, pas d’aides aux ONG, aux associations, à personne. Apple c’est moi moi moi et uniquement des investissements marketing utilisant les stratégies les pires qui soient. Pas d’investissements dans le lobbying? Alors il faut m’expliquer comment ils arrivent à étouffer le fait qu’ils soient une des entreprise les plus polluantes du monde, sans faire le moindre pas vers une amélioration de ce point plus que négatif. Bref tout ça pour vous présenter cet article que je trouve bien fait si on veut se faire une opinion complète: http://geeko.lesoir.be/2013/01/28/10-preuves-quapple-vous-prend-pour-des-idiots-dassistes/. Bon week-end à tous!

  • « Les grandes entreprises sont des groupes d’intérêt comme les autres. Qui tirent la couverte de leur bord, et cherchent à se goinfrer — comme les syndicats, les ordres professionnels et lobbies de toute sorte — dans le plat de bonbons gouvernemental. Que ce soit en tétant des subventions, ou des réglementations qui pénalisent leurs concurrents.
    Beaucoup d’entreprises ont horreur du vrai capitalisme, de la concurrence. »

    Formidable ! Pondez-nous vite un grand papier sur ce thème, c’est un des plus grands tabous de la droite contemporaine, et il faut le faire sauter à la dynamique.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Voilà maintenant quatre ans que le Royaume-Uni a officiellement quitté l'Union européenne. Depuis le Brexit, la Grande-Bretagne a connu trois Premiers ministres, et d'innombrables crises gouvernementales. Néanmoins, malgré le chaos de Westminster, nous pouvons déjà constater à quel point les régulateurs du Royaume-Uni et de l'Union européenne perçoivent différemment l'industrie technologique. Le Royaume-Uni est un pays mitigé, avec quelques signes encourageants qui émergent pour les amateurs de liberté et d'innovation. L'Union européenne, qua... Poursuivre la lecture

2
Sauvegarder cet article

It has been four years since the UK formally left the European Union. Since Brexit, Britain has been through three prime ministers and countless government crises. Nonetheless, despite the chaos of Westminster, it is already becoming clear how differently regulators in the UK and EU view the technology industry. The UK is a mixed bag, with some encouraging signs emerging for fans of freedom and innovation. The EU, meanwhile, is pursuing a path of aggressive antitrust regulation on various fronts.

 

AI ‘Bletchley Declaration’

Now... Poursuivre la lecture

Dans la presse en ce moment, les journalistes et tribunes traitent des hausses de prix, et des mesures des autorités.

Chez Les Échos, Patrick Artus critique par exemple les décisions de la banque centrale.

Le point de vue de l’auteur, un économiste à la Paris School of Economics, porte à confusion. Il reproche aux autorités à la fois la lenteur des hausses de taux, et la restriction de l’octroi de crédits :

« Maintenir une politique monétaire modérément restrictive, comme aujourd'hui, ne changera pas ce bilan négatif [de ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles