Loi immigration – un texte détricoté au pied du sapin

La récente motion de rejet de LR a fait entrer la loi immigration dans une impasse. Pour Jonathan Frickert, le référendum pourrait constituer une porte de sortie.

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Source : Flickr

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Loi immigration – un texte détricoté au pied du sapin

Publié le 19 décembre 2023
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« Depuis des semaines, la loi immigration a été tricotée, détricotée et à l’arrivée, tout le monde la trouve moche. Finalement, cette loi, c’est un peu un pull de Noël. »

Ce bon mot de l’humoriste Philippe Caverivière sur France 2 samedi soir résume parfaitement le sac de nœuds – ou de laine – qu’est devenu ce qui devait être un des piliers du second quinquennat Macron.

Lors de mon dernier billet sur le sujet il y a maintenant plus d’un mois, nous nous étions quittés sur le texte voté par la majorité Les Républicains au Sénat, chambre représentant les territoires souvent les plus durement touchés par la problématique.

L’immigration touche des sujets aussi vastes et différents que le social, l’économie, la culture, la sécurité et le climat, la question de l’impact des catastrophes météorologiques innervant l’histoire de l’immigration depuis le jour où les Hommes ont appris à se mouvoir sur de longues distances.

L’étendue des sujets touchés par la thématique n’a d’égale que l’impossibilité d’y apporter des solutions simplistes comme on peut les lire ici et là, à grands coups de positions « ultra simples » ou de remèdes prétendument réalistes.

Le texte voté au Sénat n’y fait pas exception, et a provoqué plusieurs rebondissements.

 

La gauche vent debout

Nous nous étions quittés après le vote par les sénateurs d’un texte renforcé supprimant l’AME, instaurant des quotas économiques et abrogeant la mesure phare du projet de loi : l’obtention automatique de titre de séjour pour les travailleurs exerçant des métiers en tension.

Ce texte a instantanément entraîné une levée de boucliers d’associations et d’organismes vivant grassement d’argent public.

La directrice générale de France Terre d’Asile (50 millions d’euros de dotations annuelles, ce qui en fait l’association la plus subventionnée du pays), dont la présidente est l’ancienne ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem, a dénoncé un « catalogue des horreurs ».

Depuis début décembre, ce sont une quarantaine d’associations qui manifestent leur mécontentement devant le texte adopté au Sénat.

Du côté du Défenseur des droits, énième autorité administrative indépendante destinée à masquer les lacunes de notre système judiciaire, l’actuelle titulaire du poste, Claire Hédon, a dénoncé une « surenchère démagogique ».

À ces réactions se sont ajoutées celles de la Macronie. Dès le lendemain du vote, cette dernière a immédiatement appelé à un « rééquilibrage », pour reprendre les propos de la ministre déléguée à la lutte contre les discriminations Bérangère Couillard soutenue par le président de la commission des lois Sacha Houlié, déterminé à rétablir le texte initialement porté par le gouvernement.

Les députés de la majorité sont alors sommés par plusieurs soutiens du président de la République, Daniel Cohn-Bendit en tête, de mettre fin à ce qui est vu comme une « dérive dangereuse ».

 

Darmanin défait par LR

Ces réactions n’ont pas empêché les débats de continuer. Après avoir été présenté en commission des lois, le texte est débattu dans l’Hémicycle.

Un texte ainsi revu et dénoncé par LR comme un texte « au rabais ». De ce fait, les députés de droite ont voté le 11 décembre la motion de rejet déposée par les écologistes. Cette motion est destinée à rejeter avant tout débat un texte qui serait susceptible d’enfreindre manifestement une disposition constitutionnelle, ou de décider qu’il n’y a pas lieu de délibérer.

Cette motion est votée, essentiellement du fait de l’absence de neuf députés de la majorité, dont l’un a subi les affres de la SNCF, l’amenant à avoir 1 heure 30 de retard. Aussi ironique qu’exquis.

Suite à ce camouflet, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a présenté sa démission au président de la République, qui l’a refusée. Certaines mauvaises langues estiment alors que s’il l’avait présenté à Elisabeth Borne, celle-ci l’aurait vraisemblablement acceptée. La vraie raison est institutionnelle, le pouvoir de nomination et de révocation des ministres relevant de l’Élysée avec contreseing du Premier ministre.

Le vote de cette motion est une nouvelle victoire pour Les Républicains après le vote sénatorial. Une victoire d’autant plus forte qu’elle a mis en déroute un de ses parjurés les plus médiatiques. Depuis le début des discussions, le parti gaulliste s’est positionné en point d’équilibre entre le gouvernement et le Rassemblement national, tout en faisant du sujet migratoire un cheval de bataille, un mois et demi après le lancement d’une pétition qui a pour l’instant recueilli plus de 24 300 signatures au moment où ces lignes sont écrites.

 

Le retour de l’hyperprésidentialisme

Dans une France qui n’a plus l’habitude de la vitalité de la démocratie parlementaire, cette séquence est considérée par certains journalistes et élus comme une « crise politique », terme utilisé pour désigner tout événement qui dévierait de la volonté du Prince.

Conformément à la pratique hyperprésidentialiste à laquelle notre république nous a tristement habitués, ce même Prince, clé de voûte des institutions qui dévie aujourd’hui largement de son centre de gravité, n’a pas hésité à s’immiscer dans les travaux parlementaires en rejetant l’usage de l’article 49.3, sur lequel les Sages n’ont pas apporté de réponse claire, tout en appelant les députés à voter le texte avant Noël, quelques jours avant la réunion de la commission mixte paritaire.

 

Un espoir nommé commission mixte paritaire

Cette dernière s’est réunie ce lundi 18 décembre pour un vote en milieu de semaine.

La commission mixte paritaire réunit sept députés et sept sénateurs nommés par les présidents des chambres en respectant scrupuleusement les équilibres politiques. Cet équilibre peut se résumer ainsi : la Macronie dispose de trois parlementaires sur 10, comme LR aidé par sa majorité au Sénat, tandis que la NUPES compte pour un quart des parlementaires et le Rassemblement national, 10 % avec 88 députés et 4 sénateurs sur un total de 925 parlementaires.

De ce fait, la commission mixte paritaire sera composée comme suit : 5 macronistes, 5 LR, 3 NUPES et 1 Rassemblement national.

De cette commission, dont nous n’avons pas le résultat au moment où nous écrivons ces lignes, ne peut émerger que trois réponses :

  1. Soit les parlementaires se mettent d’accord, et le texte est voté en séance
  2. Soit les parlementaires se mettent d’accord, mais le texte est rejeté en séance
  3. Soit les parlementaires ne se mettent pas d’accord

 

Cette dernière option arrivant une fois sur trois, l’avenir du texte est plus que jamais incertain.

 

La solution référendaire

Pourtant, le pays pourrait sortir de cette incertitude d’un outil qui n’a pas été utilisé depuis plus de 18 ans : le référendum, porté depuis longtemps par la droite. Un temps étudié par l’Élysée fin octobre pour obtenir les voix LR, la perspective de sortir du débat par la consultation des Français n’a pas été retenue faute de consensus politique, et par crainte d’une réponse nécessairement « populiste » à la manière de l’ancien ministre et défenseur des droits Jacques Toubon.

Pourtant, ce référendum permettrait de proposer un grand débat afin de libérer la parole et de sortir d’une chape de plomb démocratique sur un sujet, à tort, tabou dans le débat public français, et qui ne fait que nourrir les préjugés et les relents complotistes en remettant au cœur du débat la question du consentement qu’une certaine gauche adore arborer, à raison, dans certains domaines, mais qu’elle refuse lorsqu’il s’agit de demander aux individus qui ils souhaitent accueillir chez eux et de quelle manière.

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  • Ce texte est un gloubiglouba de pleins de trucs différents… Il faudrait faire des projets de lois beaucoup plus petits qui permettrait de cibler les points et ainsi vraiment améliorer les choses.

  • Il faut se méfier du référendum. Car le gouvernement peut très bien orienter la question. Par exemple :
    Voulez-vous moins d’émigration ?
    Voulez-vous interdire totalement l’immigration ?
    Voulez-vous les mêmes lois qui ont stoppé toute l’immigration illégale en Australie ?
    Seule la troisième question permettra d’en finir avec l’immigration illégale.
    Pour résumer ces lois : l’immigration illégale est un délit à ce titre, l’immigré illégal sera immédiatement expulsé à l’étranger en attendant l’analyse de son dossier. Même si son dossier est bon, il ne pourra jamais revenir sur le territoire australien car il y est entré une première fois de façon illégale. Il sera dans ce cas redirigé vers un autre état qui lui donnera l’asile. Ni lui ni sa descendance ne pourront jamais bénéficier de la nationalité australienne et du droit du sol.

    • Bien sûr, la question peut être orientée si le référendum vise à être l’approbation d’une forme de « loi immigration ». Mais on pourrait aussi prendre les choses avec plus de recul, et se contenter de demander « La politique migratoire décidée en France doit-elle échapper à toute injonction de l’UE et de ses institutions (CEDH, etc.) ? ». Les députés redeviendraient pour leurs électeurs les seuls responsables de la politique migratoire, et ça suffirait sans doute à leur faire tourner casaque avant les prochaines élections…

      • La CEDH est un organisme extérieur et indépendant de l UE
        C est une émanation du conseil de l europe
        Il suffirait de denoncer la ratification de la France a la CEDH
        Que de confusions…..

        • Il suffirait donc de mettre les deux, UE et CEDH, dans la question du référendum. Et sans doute quelques autres, judicieusement protégés par des statuts qui font que personne ne leur a jamais donné le pouvoir qu’ils exercent.

      • La Hongrie n’a pas d’immigration, les Pays-Bas ne sont pas en faillite.
        En international il n’y a que des rapports de force et les papiers valent autant que du papier toilette. C’est bien un organisme français qui valide ou pas ce qui est appliqué ou pas dans le pays.
        La France n’est pas une pauvre victime du socialisme mondialiste, c’est un des épicentres. Ce sont les politiques Français alliés aux politiques des pays cigales qui ont pris le pouvoir dans une UE qui était plutôt nordique et libérale il y a encore 20 ans.

    • Ni la forme de la question ni sa réponse n’ont d’importance. Ce n’est pas parce que les français auront voté ceci qu’on ne leur donnera pas cela.
      L’important est que le sujet sera alors obligatoirement abordé dans les médias. Il le sera bien évidemment de façon horriblement partiale, mais le sujet est tellement clivant qu’il sera difficile d’éviter tout débat. De plus la question posée, si elle est extrême, représente alors un gros risque pour le gvt. Donc elle sera nuancée, ce qui forcera les médias a en parler sous diverses approches.
      Bref, cela n’arrivera pas, trop dangeureux

  • Les Français, en majorité, ne veulent plus d’immigration, même légale, en provenance de pays musulmans.
    Le gouvernement ? Soumission au (petit) patronat à la recherche de main-d’oeuvre tailllable et corvéable. Soumission aux injonctions bruxelloises qui vont dans le même sens. Soumission à l’accord algérien.
    Il n’a aucune envie du referendum dont il connaît par avance le résultat.
    Et donc, voilà qu’on s’écharpe pour déterminer combien de mois de présence sont nécessaires pour toucher les APL.
    Ca en dit long sur le niveau.

    • Faire un référendum sur un sujet aussi complexe que l immigration laisse dubitatif surtout sur un sujet national
      La passion risque de l emporter sur la réflexion
      Les référendum du GdG on été effectué au début de son retour a la vie politique sur des questions importantes mais simples ( politique française en Algérie, constitution de la 5 eme République, élection au suffrage universel du président de la République …..) par contre celui sur la réforme du sénat s est transformé en rejet du GdG
      Attention aux yakafokons qui fusent……

    • Si les « petits patrons » avaient le moindre pouvoir dans ce pays les PME n’auraient pas 65% de charge totale, avec l’URSSAF et un code du travail soviétoïde en prime.
      C’est le socialisme qui est à l’œuvre et malheureusement, le peuple est aussi socialiste, étatiste et royaliste que le gouvernement. Avec 58% du PIB l’état français est le plus gros du monde et en 2022 dans un pays au bord du gouffre, ce peuple a bien revoté pour un socialiste.

  • Voilà c’est fait. Fallait pas paniquer.
    J’ai entendu le soir même du rejet du texte, la semaine dernière, un journaliste de Cnews, expliquer ce qui allait se passer :
    – mise en place de la CMP
    – redémarrage des discussions sur la version du Sénat
    – texte final durci par rapport à celui rejeté
    – loi immigration votée par les 2 chambres.
    Ca fait plaisir de voir qu’il y en a qui suivent. Et qui voient le monde comme il est et non comme ils désirent qu’il soit.

  • C’est quand même impressionnant : un texte de loi qui est largement approuvé dans la population, qui est voté par de larges majorités au Sénat et à l’Assemblée, et qui provoque une crise au gouvernement et que le Président veut faire vider par le Conseil Constitutionnel. Heureusement que ces gens-là nous donnent des leçons de démocratie !

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