Javier Milei peut-il vraiment fermer la banque centrale argentine ?

Confronté à un héritage économique désastreux, Javier Milei est maintenant aux prises avec des défis économiques majeurs. Mais sa proposition de dollarisation de l’économie argentine est-elle applicable ?

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Javier Milei peut-il vraiment fermer la banque centrale argentine ?

Publié le 8 décembre 2023
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Un article de Daniel Lacalle.

Le trou fiscal et monétaire monumental que les péronistes Sergio Massa et Alberto Fernández ont laissé à Javier Milei est difficile à reproduire. L’ex-président Mauricio Macri lui-même a expliqué que l’héritage reçu par Milei est « pire » que celui qu’il avait reçu de Cristina Fernández de Kirchner.

Le péronisme laisse un pays en ruine et une énorme bombe à retardement pour la prochaine administration.

 

Un pays en ruine et une situation économique désastreuse

Les énormes problèmes économiques de l’Argentine commencent par un déficit budgétaire primaire de 3 % du PIB, et un déficit total (y compris les charges d’intérêt) dépassant 5 % du PIB.

De plus, il s’agit d’un déficit structurel qui ne peut être réduit sans une diminution des dépenses publiques. Celles-ci représentent déjà 40 % du PIB et ont doublé sous le kirchnerisme. Si l’on analyse le budget argentin, on constate que jusqu’à 20 % des dépenses sont des dépenses purement politiques. Selon l’Institut argentin d’analyse fiscale, l’administration de gauche précédente n’a réduit que les dépenses liées aux pensions, qui représentaient la moitié de l’ajustement en termes réels.

Les politiques interventionnistes et le contrôle des prix de Massa et Fernández ont entraîné une pénurie de viande et d’essence dans un pays pourtant riche en pétrole et en bétail, démontrant une fois de plus ce que disait Milton Friedman :

« Lirons-nous ensuite que le contrôle des prix par le gouvernement a créé une pénurie de sable dans le Sahara ? »

Il ne faut pas oublier que l’administration Fernandez laisse l’Argentine avec un taux d’inflation annuel de 140 % suite à une augmentation folle de la base monétaire de plus de 485 % en cinq ans, selon la Banque centrale d’Argentine.

Ces politiques fiscales et monétaires confiscatoires et extractives ont créé un désastre dans les réserves de la banque centrale. Fernandez laisse une banque centrale en faillite avec des réserves nettes négatives de 12 milliards de dollars, et une bombe à retardement de passifs rémunérés (Leliqs) qui dépassent 12 % du PIB et signifient effectivement davantage d’impression monétaire et d’inflation à l’avenir, lorsqu’ils arriveront à échéance. Avec un risque pays de 2400 points de base, le gouvernement autoproclamé du « socialisme du XXIe siècle » a laissé l’Argentine et sa banque centrale officiellement en faillite, avec 40 % de la population dans la pauvreté, et une monnaie en faillite.

Milei doit maintenant affronter cet héritage empoisonné avec détermination et courage. Mauricio Macri, qui a souffert de l’erreur du gradualisme, a récemment affirmé qu’il n’y avait pas de place pour les mesures légères, et il a raison.

Milei a promis de fermer la banque centrale et de dollariser l’économie. Mais est-ce possible ?

 

Dollariser l’économie : une proposition applicable ?

La réponse est oui. Absolument.

Pour comprendre pourquoi l’Argentine doit se dollariser, le lecteur doit comprendre que le peso est une monnaie en faillite, que même les citoyens argentins rejettent. La plupart des Argentins épargnent déjà ce qu’ils peuvent en dollars américains et effectuent toutes leurs principales transactions dans cette monnaie, car ils savent que leur monnaie locale sera dissoute par l’interventionnisme du gouvernement. Celu-ci dispose de 15 taux de change différents pour le peso, tous faux, bien sûr, et qui n’ont qu’un seul objectif : voler aux citoyens leurs dollars américains à un faux taux de change.

La banque centrale est en faillite, avec des réserves nettes négatives, et le peso est une monnaie en faillite. Par conséquent, il est essentiel de fermer la banque centrale, et le pays doit se doter d’un régulateur indépendant n’ayant pas le pouvoir d’imprimer de la monnaie et de monétiser tout le déficit fiscal, et qui doit éliminer la possibilité d’émettre le Leliq (dette rémunérée) insensé qui détruit la monnaie aujourd’hui et à l’avenir.

La fermeture de la banque centrale exige une solution immédiate et forte aux Leliqs, qui devra inclure une approche réaliste du décalage monétaire dans un pays où le « taux de change officiel » est la moitié du taux réel du marché par rapport au dollar américain. Prendre une mesure audacieuse pour reconnaître ce décalage monétaire, fermer la banque centrale et mettre fin à la monétisation de la dette sont trois étapes essentielles pour mettre un terme à la destruction d’un pays comparable à celui du Venezuela. Milei comprend cela et sait que les dollars américains que les citoyens épargnent avec d’énormes difficultés devraient revenir dans l’économie nationale en reconnaissant la réalité monétaire du pays, et en faisant du dollar américain une monnaie légale pour toutes les transactions.

La question monétaire n’est qu’un côté d’une médaille extrêmement problématique. Le problème fiscal doit être abordé.

 

Le problème du déficit budgétaire

Javier Milei doit mettre un terme au déficit budgétaire excessif, ce qui nécessite un ajustement qui élimine les dépenses politiques sans détruire les pensions.

Cela implique de vendre certaines des nombreuses entreprises publiques inefficaces et hypertrophiées, ainsi que les dépenses excessives en subventions purement politiques.

Deuxièmement, Milei doit mettre fin au déficit commercial ridicule. L’Argentine doit supprimer les lois protectionnistes et interventionnistes malavisées si les péronistes veulent s’ouvrir au monde et exporter tout ce qu’ils peuvent. Pour ce faire, elle doit mettre un terme au ridicule « blocage des taux de change » et aux 15 faux taux de change que le gouvernement utilise pour exproprier les citoyens et les exportateurs de leurs dollars par des taux injustes et des confiscations.

Les impôts doivent être abaissés dans un pays qui en compte 165, et où le coin fiscal est le plus élevé de la région, les petites et moyennes entreprises payant jusqu’à 100 % de leur chiffre d’affaires.

L’Argentine doit changer ce qui est actuellement un État confiscatoire et prédateur. En outre, les barrières bureaucratiques, les mesures protectionnistes et les subventions politiques doivent être supprimées. Milei doit garantir la sécurité juridique et un cadre réglementaire attrayant et fiable, où le fantôme de l’expropriation et du vol institutionnel ne reviendra pas.

Les défis de Javier Milei sont nombreux et l’opposition tentera de saboter toutes les réformes favorables au marché, car de nombreux politiciens argentins sont devenus très puissants et riches, transformant le pays en un nouveau Venezuela.

Si l’Argentine veut devenir une économie florissante qui renoue avec la prospérité, elle a besoin d’un système macroéconomique et monétaire stable. Elle doit reconnaître qu’elle a une monnaie défaillante et une banque centrale en faillite, et mettre en œuvre les mesures urgentes qui s’imposent le plus rapidement possible. Ce sera difficile, mais pas impossible, et le potentiel de l’économie est énorme.

L’Argentine était un pays riche rendu pauvre par le socialisme. Elle doit abandonner le socialisme pour redevenir riche.

Sur le web.

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  • On dirait la france!

    • Ah bon la France a une inflation de 140% !!!!
      Le dollar circule en France a la place de l euro ???
      Que des propos outranciers

      -6
      • A part ces deux points tout le reste est comparable, taxation iniques, réglementations absurdes, tyrannie étatiques, dépenses politiques pour acheter des voix et j’en passe, le socialisme dans toute sa splendeur

      • @Doda : Si il n’y avait pas l’euro, c’est sûr qu’il y aurait plus de 100% d’inflation et que personne ne voudrait du franc ! D’ailleurs, avec les propositions d’O. Faure de distribuer 60.000€ aux cancres ça va améliorer notre PIB. 3.000 milliards de dettes sont insuffisants pour la gauche. Faut aller plus loin. Jusqu’à sans doute que l’Allemagne nous vire de l’euro.

      • L’euro est comparable au Franc comme le dollar au Peso. Si on avait gardé le Franc, on aurait sûrement une inflation outrancière.

  • Souhaitons sincèrement à M Milei de réussir. Les Argentins en valent vraiment la peine et cela donnera peut-être le signal d’alarme pour la France qui a aussi ses propres péronistes = énarques.

    • La comparaison entre peronistes et énarques n a aucun sens
      Les peronistes sont des populistes mafieux qui font les poches de l état
      Les énarques sont des hauts fonctionnaires qui veulent que rien ne change

      -4
      • Les énarques, je ne sais pas s’ils sont populistes, mais « mafieux qui font les poches de l’Etat » ne me paraît pas une description très exagérée.

      • Doda-Je ne faisais que commenter en deux lignes les ressemblances des énarques/prédateurs (3.000 milliards dettes, 58 % du PIB en dépenses sociales etc), qui ne veulent que rien ne change non plus tellement la situation leur est confortable et bien relayer par nos administrations, syndicats etc
        Votre propre sentence tient elle aussi en 3 lignes très doctes
        Je vous propose de rechercher les similitudes et non l’égalité de l’équation. Bien qu’en poussant un peu l’on puisse en découvrir bien plus.
        Bonne journée

  • L’article répond à la question « doit-il » et tout honnête homme ne peut que plussoyer.
    Mais à la question « peut-il » – ou « comment fermer une banque centrale » – la réponse manque.

    • Vous posez en fait deux questions : la première « peut-il ? » cela va être difficile avec la configuration des forces opposées tellement implantées que le président Milei va devoir convaincre ou vaincre tout simplement. Pour la deuxième qui est « comment fermer une banque centrale ? », soit il en a le pouvoir et un décret suffit , soit il lui faut passer par l’assemblée rationale et là retour à la première question.
      Je pense que fermer une BC ou même toutes les BC serait un bien réel pour toutes les économies mondiales, car on ne peut fixer le loyer de l’argent comme cela il doit répondre au prix du temps et des risques encourus qui sont très différents selon les agents économiques.
      Voyez actuellement, la FED fixe les taux d’intérêts pour faire ralentir l’économie et faire monter le chômage, est-ce que c’est cela qu’attend la population américaine ? Est-ce que c’est bon pour l’économie américaine ?
      Arrêter l’émission monétaire avec la connivence des dirigeants politiques pétris de la Théorie Moderne de la Monnaie qui est un scandale puisque provoque l’inflation par la perte de pouvoir d’achat de la dite monnaie, serait une bonne décision. L’émission monétaire doit correspondre à la création du produit (richesses) et à sa vélocité.

      • Oui, mais en pratique il faudrait alors que s’instaure un système de refinancement pour les banques analogue au système de réassurance pour les assureurs. Et comme ce système serait très défavorable à la gestion « approximative » des Etats, comment pourrait-il se mettre en place face à leur opposition quasi-unanime ?

        • Ce que vous appelez Le « système de refinancement » des banques n’est ni plus ni moins que leurs capitaux propres. Vous connaissez sans doutes toutes les constructions juridiques et d’organismes qui ont été successivement mis en place pour pallier au défaut d’une plusieurs banques qui auraient pris trop de risques sous la pression des politiciens qui croyaient et croient toujours que la création monétaire est la solution. Nous savons pour l’avoir appris dans nos universités et par l’histoire que ça ne marche jamais, mais nous n’avons pas de contrepouvoir pour réagir instantanément à ces folies.
          Je manque de temps et de place pour aller plus loin mais des économies et des historiens économistes ont déjà écrit tout ça mais nos politiciens ne savent rien à la chose monétaire sinon qu’il suffit de faire emprunter l’état qui offre sa garantie avec nos contributions c’est à dire notre travail et notre épargne, notion qu’il ne connaissent pas ou méprisent.

          • Je crois que nous disons tous deux la même chose : ce qui fonctionne dans le monde de l’entreprise ne peut plus fonctionner si l’Etat y met la main. Mais empêcher l’Etat d’y mettre la main demanderait des règles qui seraient tellement contre-productives qu’elles ne seraient pas réalistes. Quand vous dites qu’on ne devrait pouvoir prêter que la richesse déjà créée, cela signifie pour une assurance qu’elle ne pourrait assurer qu’à hauteur des primes déjà encaissées, ou pour une banque qu’elle ne pourrait financer un projet futur, aussi rentable soit-il, que si les projets passés ont fourni assez de profits pour ce faire. Or d’une part le calcul des probabilités montre que ce serait un gaspillage sans nom, d’autre part, des richesses étant constamment perdues dans de mauvais projets, cela conduirait à une insupportable limitation de la croissance. C’est comme ça que ça « fonctionne » dans les pays sous-développés, où les besoins croissent aussi vite, voire plus avec la démographie, que la production de richesses donc les possibilités d’investissement.
            Votre position se comprend dans un cadre déterministe, mais en probabiliste, il y a aussi des certitudes. Si le risque de faillite est, par exemple, de 10^{-5} annuel, comme celui de l’effondrement d’un pont suite à une catastrophe naturelle, il est légitime d’entreprendre tout autant que de construire le pont, quand bien même ce risque existe. En revanche, si les règles ne portent pas sur le niveau de risque, mais sur un facteur qui n’en représente qu’une partie ou s’il est possible de maquiller le niveau de risque, on part dans les choux.

            • Vous écrivez : « Quand vous dites qu’on ne devrait pouvoir prêter que la richesse déjà créée, cela signifie pour une assurance qu’elle ne pourrait assurer qu’à hauteur des primes déjà encaissées, ou pour une banque qu’elle ne pourrait financer un projet futur, aussi rentable soit-il, que si les projets passés ont fourni assez de profits pour ce faire. »

              La réassurance ne consiste t’elle pas à calculer les probabilités de survenance des risques des compagnies d’assurance ? En contre partie de primes dont l’achat est coûteux certes mais c’est issu d’un calcul de probabilités.

              Je ne dis pas ce que vous m’avez répondu, cependant les banques fonctionnent par leur création de crédits selon le mode des réserves fractionnaires progressivement encadrées par les Accords de Bâle I, II puis III. Donc sous le mode probabilistique.
              Je sous-entendais le risque de liquidité et le risque d’insolvabilité des banques, Nous avions préalablement une responsabilité de chaque banque, certes illusoire à l’usage, puis un système de solidarité de place auquel a été substitué le système de prêteur en dernier ressort à la place des fonds propres suffisants d’après les probabilités de risque de remboursement, dont je parle.
              Je me réfère aux exposés de François Marini en appuis au risque de liquidité développé par Diamond et Dybvig : « Un risque qui existe indépendamment de tout risque de crédit, donc, à priori en dehors des situations d’insolvabilité. Il met en évidence qu’en cas de ruée, l’illiquidité effective de la banque provoque son insolvabilité si bien que la présence d’un capital, que ce soit des fonds propres en bilan ou des engagements reçus en hors bilan, est nécessaire pour dissuader les ruées. Le prolongement du raisonnement montre qu’un prêt en dernier ressort pour rétablir la liquidité bancaire se traduit par une perte en capital. La solidarité de place est alors envisagée comme alternative au prêt en dernier ressort »
              Ensuite, au colloque international sur le thème « Le prêteur en dernier ressort : expériences, analyses, controverses » organisé, à l’occasion du bicentenaire de l’ouvrage de Henry Thornton (1802) , par les laboratoires FORUM (Université Paris 10-CNRS), le LED-EPEH (Université Paris VIII) et le PHARE (Universités Paris 1 et Paris 10-CNRS) les 23 et 24 septembre 2002 et en collaboration avec les Cahiers d’Économie Politique
              Mais l’existence même des banques centrales dans leur conception depuis 1913 interpelle par leur manque d’anticipation et la globalisation de leur interprétation des risques et surtout par l’unicité du taux d’intervention sans distinction des emprunteurs comme réponse universelle. Quid dès lors d’un banquier central en dernier ressort international ?
              Bon WE

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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