Les pays de l’Est de l’Europe enregistrent de fortes pertes de compétitivité

Les pays d’Europe de l’Est, autrefois havres de faibles coûts salariaux, voient leur attractivité s’effriter. Cette tendance, qui défie la dynamique économique régionale, pourrait remodeler les relations commerciales européennes.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 3
Source : Unsplash.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les pays de l’Est de l’Europe enregistrent de fortes pertes de compétitivité

Publié le 1 décembre 2023
- A +

Auteur : , est Director of Economic Studies, IÉSEG School of Management

 

Pour les multinationales, les pays d’Europe de l’Est deviennent de moins en moins attractifs. En effet, on observe une forte perte de compétitivité coût dans la plupart de ces pays depuis 2015 par rapport à la zone euro. Cette tendance s’observe à la fois dans les pays membres de l’Union européenne (UE) qui ont adopté la monnaie commune, et dans ceux qui ont conservé leur monnaie nationale.

Parmi les pays entrés dans l’euro, à part le cas de la Croatie qui n’a adopté que récemment la devise européenne, la croissance du coût salarial unitaire a été très supérieure à celle observée dans l’ensemble de la zone euro. L’augmentation du coût salarial par unité produite, du 1er trimestre 2015 au 2e trimestre 2023, a en effet été de 73 % en Lituanie, 59 % en Lettonie, 55 % en Estonie, 38 % en Slovaquie, et 34 % en Slovénie.

Mais si les règles de fonctionnement de la monnaie unique, qui prive notamment les États de la possibilité de dévaluer leur monnaie pour regagner en compétitivité, ont empêché les pays de l’Est de la zone euro de compenser la hausse des salaires induite par une forte inflation, ceux qui ont gardé une monnaie nationale sont quand même confrontés aussi à une augmentation incontrôlée du coût du travail en euros.

 

L’impact du taux de change

En effet, le coût salarial par unité produite dans les pays hors zone monétaire, converti en euros, a augmenté de 67 % en Bulgarie, de 62 % en République tchèque, de 46 % en Roumanie, de 25 % en Pologne et de 19 % en Hongrie entre le 1er trimestre 2015 et le 2e trimestre 2023.

Sur cette période, la couronne tchèque s’est appréciée de presque 14 % contre l’euro. Le forint hongrois s’est déprécié de 19,7 %. Le zloty polonais s’est déprécié de 7 %. Le leu de la Roumanie s’est déprécié de 9 %. Quant à la Bulgarie, elle pratique un régime de currency board, ou directoire monétaire, avec un taux de change fixe contre l’euro. Le pays a gardé ce régime même après avoir rejoint le mécanisme européen de taux de change, qui aurait permis une certaine volatilité.

Certes, le taux de change par rapport à l’euro a pu aggraver ou réduire les différences de hausse des coûts salariaux en monnaie nationale, une fois convertis en euros. Toutefois, au bilan, on observe bien une perte de compétitivité de ces économies quand bien même leurs États disposaient du levier de la dévaluation.

 

Une menace pour l’industrie allemande

Comme les coûts salariaux unitaires de la plupart des pays de l’Est de l’UE ont augmenté avec une intensité supérieure à ceux de la zone euro, leur attractivité relative s’est quelque peu réduite pour les investissements étrangers. Aussi, les prix de vente en euros des biens et services produits par ces pays sont amenés à être moins inférieurs qu’avant aux prix de vente de ce qui est produit par la zone euro. Comme cette perte de compétitivité est susceptible de déprimer les exportations et de doper les importations des pays concernés, la balance commerciale de ces pays pourrait se dégrader.

Jusqu’à présent, c’est essentiellement en Roumanie que la balance commerciale des biens (hors énergie) s’est continument détériorée depuis 2015, avec une aggravation du déficit. Mais la situation pourrait vite concerner d’autres pays de la région.

Cette situation pose également problème aux partenaires commerciaux européens de cas pays, et surtout à l’Allemagne. En effet, l’industrie allemande a longtemps sous-traité massivement dans les pays de l’Est de l’UE, à bas salaires, ce qui lui permettait de réduire ses coûts. L’augmentation des coûts salariaux réduit cette aubaine dont l’Allemagne a beaucoup profité. Après la perte de l’approvisionnement en gaz russe à bas prix, une autre menace apparaît pour les fondements de la compétitivité de l’industrie de l’Allemagne. Bien sûr, les salaires des pays de l’Est de l’Union européenne sont encore inférieurs à ceux de l’Ouest, mais ils sont à corriger de la productivité, et les écarts se réduisent.

Vous pouvez retrouver cet article ici.

Voir les commentaires (3)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (3)
  • Pas de soucis pour l’Allemagne. Il existe une belle dictature où son Industrie pourra continuer de transférer ses usines : la Turquie. L’Allemagne est, comme tout le monde le sait, un grand défenseur des droits de l’homme et ne privilégie que les pays qui les applique, comme la Chine. Sa décision de ne plus vendre de Tornados à l’Arabie saoudite est plus pour couler l’Angleterre que pour raisons humanitaires. Sinon, elle refuserait de livrer les pièces détachées de maintenance indispensables aux avions déjà vendus.

  • Pas de soucis pour l’Allemagne. Il existe un pays modèle de démocratie où son Industrie pourra continuer de transférer ses usines : la Turquie qui produit déjà tout l’électroménager et nombre de pièces de ses véhicules.
    L’Allemagne est un grand défenseur des droits de l’homme et ne privilégie que les pays qui les applique, comme la Chine.

    • C est ce que fait la France avec le Maroc ou sont implantés stellantis et Renault ainsi que de nombreux équipementiers aéronautiques comme daher…..

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Charles-Henri Colombier est directeur de la conjoncture du centre de Recherche pour l’Expansion de l’Économie et le Développement des Entreprises (Rexecode). Notre entretien balaye les grandes actualités macro-économiques de la rentrée 2024 : rivalités économiques entre la Chine et les États-Unis, impact réel des sanctions russes, signification de la chute du PMI manufacturier en France, divergences des politiques de la FED et de la BCE...

 

Écarts économiques Chine/États-Unis

Loup Viallet, rédacteur en chef de Contrepoints... Poursuivre la lecture

Un article de l'IREF.

En janvier dernier, dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, annonçait la fin du « quoi qu’il en coûte ».

L’examen parlementaire en cours des projets de loi de finances de fin de gestion pour 2023, et de loi de finances pour 2024 montrent à l’inverse que, loin d’être fini, le « quoi qu’il en coûte » se poursuit. Et ce en dépit d’un goulet d’étranglement appelé à se resserrer du fait de l’aggravation de la charge de la dette dans les prochai... Poursuivre la lecture

4
Sauvegarder cet article

La récession économique est une quasi-certitude en zone euro. Néanmoins, le contraste est de plus en plus saisissant entre ce scénario anxiogène et la résilience des agents économiques et financiers

On douterait presque qu’une récession économique soit en cours au sein de la zone euro. Les chiffres économiques ne sont pas bons mais sont loin d’être mauvais. Quant aux marchés financiers, le rebond des actions de près de 20 % depuis octobre semble même contradictoire dans les termes. S’agit-il d’un chant du cygne avant l’effondrement ? P... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles