Faut-il quitter la cour européenne des droits de l’Homme ?

Dans cette tribune, Laurent Sailly explique pourquoi selon lui, la France devrait quitter la Cour européenne des droits de l’Homme.

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Cour européenne des droits de l'homme. Source : Flickr

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Faut-il quitter la cour européenne des droits de l’Homme ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 20 octobre 2023
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Pour ne plus dépendre de la Cour européenne des droits de l’Homme, il faut dénoncer la Convention du même nom et en sortir.

Même si un protocole n°15 a été ajouté à la Convention, qui insiste sur la subsidiarité de la jurisprudence européenne, et prend mieux en compte la souveraineté des États, la Cour européenne des droits de l’Homme bride la souveraineté des peuples et des nations.

 

Un gouvernement des juges antidémocratique

La CEDH est l’illustration du gouvernement de juges européens qui se substituent au législateur français ou européen et qui, sans légitimité et sans débat public, imposent leur idéologie (cf l’étude du Centre européen pour le droit et la justice).

On s’attendrait à ce que ces juges émanent des plus hautes juridictions de leur pays. Il n’en est rien, une bonne partie des juges nommés ne sont pas des magistrats professionnels, mais des professeurs ou des fonctionnaires spécialisés dans les « droits humains », ou encore des activistes des ONG.

La Cour européenne des droits de l’Homme a un pouvoir exorbitant qui s’applique, sans aucun recours possible, à 800 millions de citoyens européens. Nommés dans des conditions opaques, inconnus du public, ces juges de Strasbourg sont devenus un pouvoir législatif qui prive les Parlements nationaux de leurs prérogatives. Les conséquences d’un arrêt de la CEDH condamnant un pays signataire s’appliquent directement en droit français, sans que le Parlement, le gouvernement ou les juridictions françaises ne disposent de la possibilité de le contester.

 

La CEDH, comment ça marche ?

Signée à Rome le 4 novembre 1950 par les États membres du Conseil de l’Europe, et ratifiée par la France en 1974, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (plus connue sous le nom de Convention européenne des droits de l’Homme) s’inscrit dans le prolongement de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948.

Depuis son entrée en vigueur le 3 septembre 1953, seize protocoles additionnels ont été adoptés.

L’originalité de la Convention européenne des droits de l’Homme tient au fait qu’elle garantit, non seulement des droits substantiels, comme la liberté d’expression ou le respect de la vie privée (article 8 de la Convention), mais encore des droits procéduraux, comme le droit au procès équitable prévu par l’article 6.

La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), créée par la Convention européenne des droits de l’Homme, a été mise en place en 1959.

Elle siège à Strasbourg et se compose de 46 juges (un par État membre) élus pour un mandat de neuf ans non renouvelable par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe – assemblée qui n’a pas de légitimité démocratique, car cooptée par les Parlements nationaux selon des règles qui leur sont propres. Toutefois, les juges siègent à titre individuel, et ne représentent pas les États.

 

Est-il possible de quitter la CEDH ?

La Convention européenne des droits de l’Homme prévoit deux cas :

  1. Soit une sortie définitive et un retour ensuite, sous conditions
  2. Soit une « suspension » de certains articles de la Convention pour des questions liées à un état d’urgence

 

Nous ne nous intéresserons, dans cet article, qu’à la première option.

L’article 58 de la Convention prévoit une clause de dénonciation.

C’est un schéma classique dans les traités internationaux : les États s’engagent, ils peuvent se désengager. La Convention européenne des droits de l’Homme indique qu’il faut pour cela attendre cinq ans après la ratification (ce qui est le cas pour la France), puis notifier un préavis de six mois. Bien que le Conseil de l’Europe ait pris l’habitude de conditionner l’adhésion de ses membres à la ratification de la Convention européenne des droits de l’Homme, il paraît peu probable que celui-ci exclut la France de cette organisation. Une dénonciation par la France de la Convention aurait un impact considérable et serait probablement suivie par d’autres pays. Mais l’adhésion de l’Union européenne à la Convention lierait à nouveau la France à celle-ci !

Autre possibilité, la France pourrait décider de ne pas appliquer les décisions de la CEDH. Mais alors, le gouvernement risque une condamnation par un juge français saisi par un particulier pour non-application de la décision de la CEDH.

D’un point de vue juridique, le plus sûr moyen consisterait à réviser par référendum l’article 55 de la Constitution qui garantit la primauté des traités sur les lois nationales.

 

Pourquoi quitter la CEDH ?

L’absence démocratique dans le sens libéral du terme des nominations devrait suffire à justifier ce départ.

Mais à mon sens, les dérives technocratiques et idéologiques sont également des causes toutes aussi importantes. Les attaques terroristes et/ou le non-respect des Obligations de quitter le territoire français, ainsi que l’impossibilité de conduire une politique de contrôle de l’immigration illégale doivent nous amener, à minima, à débattre de notre maintien au sein de la CEDH.

En effet, le dévoiement des articles 3 et 8 de la Convention empêche les États de mener une politique de lutte contre l’immigration illégale qui leur est propre. Les problèmes rencontrés par l’Italie ou l’Espagne dans cette lutte ne sont pas ceux des pays baltes.

Selon l’article 3 « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ».

Rien à redire à cela. Mais il est constamment invoqué pour s’opposer aux expulsions de clandestins, les rendant quasiment impossibles. Au fil du temps, les juges ont interprété cet article de façon de plus en plus extensive, en considérant le risque potentiel d’être soumis à de mauvais traitements, et pas seulement le fait d’y être soumis. La France devient directement responsable des violations qui pourraient avoir lieu dans un autre État si le migrant était renvoyé. Par exemple, la France ne peut plus extrader vers les États-Unis, une démocratie, un terroriste qui y risquerait la peine de mort.

Même logique pour l’article 8 qui énonce que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Il est devenu, par la magie de la jurisprudence, un droit au regroupement familial dans le pays d’accueil.

 

Une dérive idéologique qui s’étend à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE)

Dans une brillante intervention, le député européen François-Xavier Bellamy s’inquiète d’un arrêt de la CJUE sur le contrôle des frontières qui, en pleine crise migratoire à Lampedusa, interdit à la France de refouler les personnes qui tentent d’entrer illégalement sur son sol. Et de constater que le seul droit qui nous reste, c’est de les prier de ne pas entrer. Le droit européen s’est retourné contre le droit.

Pour conclure, je choisirai les mots de Céline Pina qui, sur X déclarait :

« Mettre des limites au droit européen et sortir de certains traités est devenu indispensable. Cela ne signifie pas quitter l’Union européenne, mais simplement s’extraire des politiques néfastes tant à notre pays qu’à l’Europe toute entière. »

Suite à l’ignoble attentat d’Arras, Emmanuel Macron a demandé aux préfets de lister les fichés S expulsables. Louable intention qui se heurtera à la jurisprudence de la CJUE et de la CEDH. Le président de la République est-il prêt à aller jusqu’au bout ?

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  • Et l’on ose parler, sans rire, mais avec un petit sourire en coin dissimulé de la main, de l’état de droit !

    • Nous sommes dans un état de droit et le droit socialiste s’applique et est appliqué. Par connivence, les membres de la CEDH acceptent les décisions de cette cour depuis sa création. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il y a un coupable extérieur aux problèmes intérieurs. S’il n’y avait pas de coupable, alors il faudrait agir vraiment. Et ça fait 40 ans que la seule action de nos politiques consiste à subventionner des électeurs pour se faire réélire.
      Pas facile en France de réformer le pays et se faire réélire. C’est plus facile de créer 3.000 milliards d’euros d’escroquerie que de virer un clandestin.

  • Je ne suis pas trop convaincu. Ce serait donc la faute de la CEDH que tous ces OQTF ne sont pas exécutés? Commençons par remplacer les juges de gauche par des juges politiquement plus centristes, et à mon avis, comme par magie, la CEDH ne sera plus un problème.
    Je ne doute pas que les juges prennent à parti la CEDH pour justifier leur partialité envers les migrants illégaux, mais c’est bien différent de dire que c’est la CEDH qui est à l’origine de cela. Le « Mur des Cons » de la CEDH ne doit pas être bien différent de celui des juges français.

    • Il n’y a pas de solution miracle, mais ça ne doit pas nous retenir de faire tout ce qui irait dans le bon sens.

  • C’est bien payé juge à la CEDH?

  • Merci pour le lien avec l’intervention, effectivement très juste, de François-Xavier Bellamy.

  • Se sont les Italiens qui auraient du quittés depuis longtemps la CEDH, ils ne seraient pas contraints d’accueillir à Lampedusa toute l’Afrique et le restant du monde

  • La quitter ? A quoi bon ? Il suffit de la jouer comme Darmanin.
    Passer outre et assumer.

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