Et si la France suivait le cas suédois en matière fiscale ?

La Suède, autrefois icône de la social-démocratie, a opéré un revirement économique. Son modèle fiscal pourrait-il inspirer la France ?

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Et si la France suivait le cas suédois en matière fiscale ?

Publié le 6 octobre 2023
- A +

Par Philbert Carbon.
Un article de l’IREF.

La Suède a longtemps été un modèle pour tous ceux qui se réclamaient de la social-démocratie. Aujourd’hui, elle est presque devenue un repoussoir parce qu’elle serait trop « libérale ». Il est vrai que la Suède a fait de profondes réformes qui ont écorné l’État-providence.

La fiscalité des entreprises et celle du capital y ont été profondément remaniées.

L’IREF a déjà eu l’occasion de montrer combien les réformes conduites en Suède – par exemple celle des retraites – avaient eu des effets bénéfiques sur l’économie. Une de nos études montre très bien que la Suède – et les autres pays nordiques – surclasse la France sur le plan de la liberté économique, de la flexibilité du marché du travail, du développement humain, ou encore du PIB par habitant.

Certes, les impôts en Suède restent élevés. Moins qu’en France cependant. Les recettes fiscales représentent 42,6 % du PIB en Suède, contre 45,15 % en France (chiffres 2021), la moyenne de l’OCDE étant à 34,11 %.

 

Des recettes fiscales en augmentation…

La grande réforme suédoise de 1991 visait à alléger la fiscalité sur les entreprises et sur le capital.

À cette date, le taux d’impôt sur les sociétés était de 60 % (du moins le taux nominal, dans la pratique peu d’entreprises se le voyaient appliquer). Il a été progressivement abaissé jusqu’en 2021 pour atteindre 20,6 %. Il est désormais dans la moyenne de l’Union européenne, deux points en dessous de la moyenne de l’OCDE, et plus de quatre points en dessous du taux français (25 %).

Aujourd’hui, avec un taux moins élevé, la Suède a davantage de recettes fiscales que la France en pourcentage du PIB. En effet, les recettes de l’impôt suédois sur les sociétés représentent 3 % du PIB contre 2,5 % en France. En 1990, avant la réforme, les recettes de l’impôt sur les sociétés équivalaient à 1,5 % du PIB en Suède et à 2,2 % en France. Le royaume scandinave a donc doublé le rendement de son impôt sur les sociétés en 30 ans, en baissant les taux, tandis celui de la France a stagné. Encore une illustration de l’effet Laffer !

Parallèlement, le pays a mis en place une flat tax de 30 % sur les revenus du capital (revenus des valeurs mobilières, dividendes, plus-values et certains revenus fonciers). Des taux inférieurs sont même pratiqués pour les dividendes des sociétés non cotées (25 %) et les revenus fonciers privés (22%).

Ajoutons que la Suède a supprimé l’impôt sur les successions et les donations en 2005, et l’impôt sur la fortune en 2007. Elle aussi fait disparaître la taxe foncière pour les particuliers en 2008 pour la remplacer par une redevance municipale plafonnée à 840 euros par an pour les maisons (ou 0,75 % de la valeur imposable) et à 145 euros pour les appartements (ou 0,3 % de la valeur imposable).

 

… et des investissements en hausse…

Une note publiée en septembre 2023 par la direction générale du Trésor montre que la réforme de 1991 en Suède a eu des effets bénéfiques sur les investissements des entreprises.

Le pays affiche, sur longue durée, « un des taux d’investissements des entreprises les plus élevés de l’Union européenne. En 2021, ce taux était de 17 % du PIB. Seule l’Irlande faisait mieux avec 19 %. La France était à 14 %.

La réforme, combinée à la libéralisation et l’ouverture des industries de réseau, a également permis un boom des investissements directs étrangers (IDE), notamment entre 1998 et 2002, comme on le voit sur le graphique ci-dessous.

Flux nets entrants d’IDE

(en % du PIB)

On remarquera que la courbe de la Suède est beaucoup plus erratique que celle de la France.

Quoi qu’il en soit, entre 1990 et 2022, la moyenne suédoise est de 4,3 % quand la française n’est que de 2 %. En 2022, les IDE (flux nets entrants) représentaient 8,5 % du PIB en Suède contre 3,8 % en France.

 

… mais des impôts sur les personnes encore trop élevés

Aujourd’hui, la fiscalité suédoise repose essentiellement sur les individus (même si l’imposition du capital a été fortement réduite comme nous l’avons dit).

En effet, l’essentiel des recettes des administrations publiques provient de la fiscalité indirecte (notamment de la TVA qui est à 25 %), et de l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Si le taux marginal de celui-ci a été baissé – il était de 70 % en 1990, avant la réforme –, il demeure à un niveau élevé puisqu’il dépasse les 55 %. Cependant, l’introduction du crédit d’impôt pour l’emploi en 2007 a permis de faire reculer la pression fiscale pesant sur les personnes, à l’exception de celles qui ont les plus hauts revenus.

Si les cotisations sociales sont modérées, notamment parce que le régime de retraite repose fortement sur la capitalisation, le travail demeure tout de même relativement taxé compte tenu de l’existence d’une taxe généralisée sur les salaires. Créée pour financer le coût de l’adhésion de la Suède à l’Union européenne, cette taxe, qui n’offre aucune contrepartie (pas de prestations), n’a fait qu’augmenter au fil du temps, passant de 1,5 % à l’origine à 11,62 % en 2023 ! Ses recettes sont importantes : 5,2 % du PIB suédois en 2021. Cette forte taxation du travail explique en grande partie la persistance d’un chômage élevé en Suède (7,5 % en 2022).

 

Des leçons pour la France ?

L’exemple suédois devrait inspirer les dirigeants français, ou ceux qui aspirent à l’être.

Nous l’avons vu, la baisse des impôts sur les entreprises et sur le capital a été grandement bénéfique à l’économie suédoise. Il semble donc que la France n’ait pas d’autres choix que de continuer à baisser les impôts de production et les impôts sur le capital (flat tax sur les revenus immobiliers) si elle veut rejoindre le club des pays les plus économiquement performants et attirer les investisseurs.

Rappelons qu’en France la taxation du capital est bien plus élevée que chez nos voisins. Ainsi que le rapporte une note de Fipeco :

« La Commission européenne publie néanmoins une estimation du taux implicite de taxation du capital dans les pays de l’Union en s’appuyant sur la comptabilité nationale. Le taux implicite de taxation du capital est le plus élevé en France en 2020 (60 %), très loin devant ceux de l’Allemagne (31%), de l’Italie (32 %) et de la Belgique (38 %). »

En revanche, la forte taxation du travail est génératrice d’un chômage structurel en Suède.

Par conséquent, pour la dépasser, il faudrait que nous baissions les cotisations sociales et que nous adoptions une flat tax sur les revenus du travail. Le royaume scandinave a bien compris que diminuer les taux d’imposition et élargir l’assiette procuraient davantage de recettes fiscales. Mais il n’a pas voulu appliquer cette règle à l’impôt sur le revenu qui reste fortement progressif. En prenant le contrepied de cette politique, nous pourrions surperformer la Suède.

Voilà un challenge stimulant pour nos politiques ! Encore faut-il qu’ils n’oublient pas l’essentiel : réduire vraiment les dépenses publiques.


Sur le web.

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  • Déjà du boulot en France pour l’imposition sur les revenus immobiliers.
    Contrairement à ce qu’affirment le peuple de gauche, ce capital-là est bien plus taxé que le travail.
    [Sans même parler des contraintes DPEsques]

  • le principe libéral à l’impot serait le consentement qui va de pair bien entendu avec la connaissance de à quoi servent ses impots….
    Sorti du régalien au sens libéral , les impots altèrent les choix économiques les choix de vie des gens…ce qui est contre la philosophie libérale…

    le niveau d’impot ne dit rien..

    un pays qui craint pour sa souveraineté peut élire des gens qui mettent “un fric fou” dans la défense nationale… au point de vue libéral..
    un peuple d’idiots ne sera pas “sauvé” par le libéralisme

    • le principe libéral à l’impot serait le consentement qui va de pair bien entendu avec la connaissance de à quoi servent ses impots….
      Sorti du régalien au sens libéral , les impots altèrent les choix économiques les choix de vie des gens…ce qui est contre la philosophie libérale…

      le niveau d’impot ne dit rien..

      un pays qui craint pour sa sousouveraineté peut élire des gens qui mettent « un fric fou » dans la défense nationale… au point de vue libéral..
      un peuple d’i..iots ne sera pas « sauvé » par le libéralisme

  • En Suède le statut des fonctionnaires est très proche du privé . La Suède a supprimé l’emploi à vie des agents de la FP dans les années 70 . La Suède a fait cette réforme en pleine croissance, c’est passé crème. Nous tentons de faire des réformes en pleine déconfiture . Cela ne peut que foirer lamentablement, surtout avec une FP au golden statut. La nature ne repasse pas les plats . Il nous faudra la ruine. Heureusement elle arrive .

  • Toutes ces recettes sont parfaitement connues de nos gouvernements qui en ont d’ailleurs analysé les impactes en France. Mais ils savent que les appliquer entraînerait de facto les gauchistes et nostalgiques de Staline dans la rue. Leur lâcheté sans nom les empêche non pas de les appliquer mais seulement de les évoquer. Il n’y a qu’à voir comment la réforme des retraites à points a disparu des radars pour une réformette déjà obsolète. Toutes ces comparaisons avec ce qui marche ailleurs resteront inutiles tant que le clientélisme fera loi :
    – un fonctionnaire élu député pourra retourner dans la fonction publique en fin de mandat = je défends uniquement mon job lorsque je ne serai plus élu;
    – un député pourra être élu plus de 2 mandats = promettons la lune et soyons open bar pour être réélu.

  • Un impôt baisser en France?
    Mais vous n’y êtes pas. Une pluie de taxes diverses et (a)variées s’abat sur le con.tribuable.
    Il faut bien que l’individu nommé PR se fasse mousser pour un 3ième mandat ou une propulsion comme président de la CE.
    Haut la France ? Haut les taxes ❗

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