La participation obligatoire des salariés aux résultats de l’entreprise appauvrit les actionnaires

Instaurée en 1959 pour aligner les intérêts des salariés et des employeurs, la participation révèle un nouveau visage. Est-elle vraiment bénéfique pour les entreprises ?

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La participation obligatoire des salariés aux résultats de l’entreprise appauvrit les actionnaires

Publié le 2 octobre 2023
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Par Philbert Carbon.
Un article de l’IREF

 

Idée gaulliste s’il en est, la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, instaurée en 1959, avait pour ambition initiale de rapprocher patrons et salariés en leur donnant des intérêts communs. Une récente étude du Centre d’analyse économique tend à montrer que cette participation se fait au détriment des actionnaires. Ainsi, elle contribuerait plutôt à les opposer.

En 1959, en lançant la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, le général de Gaulle avait l’ambition de « trouver pour les entreprises un système qui associe les travailleurs comme la Cinquième République associe désormais les citoyens ».

D’abord facultative, la participation deviendra obligatoire pour les entreprises de 100 salariés ou plus en 1967, puis à partir de 50 salariés en 1990.

 

La participation est un coût pour l’entreprise

Le Conseil d’analyse économique (CAE), placé auprès du Premier ministre, dont la mission est « d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique », a publié, cet été, une note pour tirer des enseignements de la réforme de 1990 (extension de la participation obligatoire dès 50 salariés).

La note révèle d’abord que la participation a un coût pour les entreprises. Puisqu’il est impossible de compenser cette nouvelle dépense, obligatoire, en ajustant par exemple les salaires à la baisse, certaines cherchent à y échapper en décidant de rester sous le seuil des 50 salariés, malgré le manque à gagner induit par ce sous-emploi.

Celles qui décident tout de même de franchir le seuil n’ont pas d’autre solution, les profits ayant baissé au contraire des salaires, que de diminuer les dividendes versés aux actionnaires. La note du CAE montre clairement « un décrochage marqué des profits des entreprises » concernées.

Dans cette opération, les salariés sont donc bel et bien gagnants au détriment des actionnaires, c’est-à-dire le plus souvent, s’agissant de PME, des dirigeants et de leur famille. Cela entraîne, par ailleurs, une petite baisse des recettes fiscales pour l’État (moindre rendement des impôts sur les sociétés et sur les dividendes). Dans le long terme cependant, il n’est pas certain que les salariés en tirent un si grand avantage : la baisse des profits peut conduire à une baisse des investissements et donc à une plus faible productivité, voire à un décrochage par rapport à la concurrence.

 

Les salariés ne sont pas plus impliqués

Cette obligation pour les entreprises permet-elle, pour reprendre les mots de l’ancien ministre Jacques Godfrain, de « donner à l’homme au travail sa responsabilité et aux tâches accomplies tout leur sens » ?

Il est permis d’en douter à la lecture de la note du CAE qui observe « que la participation obligatoire n’affecte pas significativement la productivité des entreprises ». Pour le dire autrement, les salariés, pourtant mieux rémunérés, ne s’impliquent pas davantage dans leur travail.

Nous espérons que le gouvernement, à qui la note est d’abord destinée, en tirera les bonnes conclusions, lui qui envisage d’étendre la participation aux entreprises de plus de 10 salariés à partir de 2025 (avec la loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise).

Une vraie réforme serait de supprimer la participation obligatoire, tout comme l’intéressement, autre dispositif gaulliste, pour laisser aux actionnaires l’entière liberté de distribuer, ou non, une part des bénéfices qui leur reviennent par définition.

 

La participation… si je veux

Étonnamment, c’est aussi ce que proposait un rapport de la Fondation Charles de Gaulle en 2021, intitulé « Un enjeu actuel pour la France : la participation ».

Les auteurs suggéraient « de supprimer une large partie des textes, en particulier ceux imposant des obligations qui ne sont plus dans l’esprit d’une responsabilité partagée entre l’entreprise et son personnel. Ainsi, la participation ne serait plus obligatoire ».

Selon eux, en effet, si la participation permet de meilleures performances dans l’entreprise, elle sera forcément adoptée.

Si l’État, continuaient les rapporteurs, « n’a comme préoccupation que le pouvoir d’achat, il doit aider les entreprises, par un environnement propice, à augmenter leur productivité, base de l’augmentation des salaires ». Et pour augmenter la productivité des entreprises, ajoutons-nous à l’IREF, il convient de baisser les prélèvements et réduire les réglementations.

Alors oui, libérons les entrepreneurs de la participation et de l’intéressement obligatoires (entre autres). Laissons-les imaginer eux-mêmes les mécanismes permettant de faire bénéficier les salariés des fruits de la croissance, si tel est leur souhait.

Les dirigeants de La Redoute, par exemple, ont choisi en 2014 d’associer les salariés au capital. Ceux qui ont alors investi 100 euros et retroussé leurs manches pour sauver l’entreprise, ont touché 80 000 euros en 2022, au moment de son rachat par les Galeries Lafayette.

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  • La seule chose qui peut motiver un salarié, c’est la perte de ses économies. Donc pour que les salariés soient impliqués dans l’entreprise, il faut qu’ils soient actionnaires à minima. Ils auront ainsi une bonne raison d’augmenter leur productivité pour préserver leur investissement. Mais cela ne suffit pas. Ils doivent être représentés au Conseil d’administration pour éviter les dérives parfois délirantes des PDG (comme celui qui a coulé Alcatel qui comptait 120.000 salariés). Et cerise sur le gâteau, cela leur donnera les bases économiques capitalistes que l’éducation nationale refuse de leur transmettre pour des raisons idéologiques marxistes.
    Les fonctionnaires l’ont bien compris. Ils sont tous actionnaires de l’État (l’état,c’est moi) et ont la CGT comme représentants au Conseil d’administration qui défend bec et ongle leurs intérêts. Ainsi, leur productivité ne cesse d’augmenter de façon… négative.

  • L’inverse serait étonnant..
    il faut questionner le but initial donc..

    • avait pour ambition initiale de rapprocher patrons et salariés en leur donnant des intérêts communs.

      ils n’en ont pas déjà ?

  • Les commentaires sont fermés.

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Auteur : Anne Jeny, Professor, Accounting Department, IÉSEG School of Management

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