La Chine s’émancipe : un tournant dans la guerre technologique

La Chine frappe fort en interdisant l’utilisation des iPhones par ses fonctionnaires. Cette décision redessine les frontières de la guerre commerciale et technologique mondiale.

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La Chine s’émancipe : un tournant dans la guerre technologique

Publié le 20 septembre 2023
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Selon le Wall Street Journal du 6 septembre, après la Russie, la Chine a décidé d’interdire les iPhone et autres smartphones de marques étrangères à l’ensemble de ses fonctionnaires, lorsqu’ils sont au travail.

Autant dire que pour Apple, la nouvelle n’est pas à ranger dans le dossier des bonnes nouvelles. Cette décision a fait l’effet d’une bombe à fragmentation dans la mesure où elle ne cible pas Apple spécifiquement, mais elle est un moyen pour mettre à mal la stratégie de l’administration américaine dans sa volonté d’hégémonie technologique.

 

Conséquences pour la firme

Cette décision n’est pas sans lourdes conséquences pour la firme.

Le marché chinois représente 19 % des revenus de l’entreprise, et la Chine est également son principal centre de production.

Après l’annonce du gouvernement chinois, depuis le mercredi 6 septembre, « la capitalisation boursière d’Apple a fondu de plus de 200 milliards de dollars, pour s’établir à 2776 milliards de dollars ».

Nonobstant ce coût financier, la firme cherche à trouver d’autres implantations pour sa production, notamment en Inde (dans une usine située dans l’État du Tamil Nadu) et au Vietnam… Cela ne consolera guère les dirigeants et les salariés de la firme Apple, qui ne sont ni responsables ni coupables – selon la formule – de leurs déboires commerciaux.

 

Les dessous politiques d’une telle décision

Le fait est que la firme Apple paye une politique agressive à l’encontre des entreprises chinoises menée depuis plusieurs années par l’administration américaine.

Cette attaque n’est que la partie – de mon point de vue – émergée de l’Iceberg.

Qui cible véritablement le gouvernement chinois en s’en prenant ainsi à Apple me semble être la bonne question. Et pourquoi ? Plus encore, pourquoi maintenant ? Si nous allons plus loin, il est évident que pour l’administration américaine, cette décision de la Chine constitue un très lourd revers. Elle remet profondément en cause sa stratégie en matière de technologies, et sa politique ostensiblement anti-Chine.

 

Le retour de flamme de la stratégie « mondiale » anti-Huawei

Ayant, depuis la période Trump, sans jamais le formuler explicitement, désigné la Chine comme ennemi technologique n° 1, l’administration de Joe Biden aurait dû s’attendre à une réplique extrêmement offensive de l’empire du Milieu.

Rappelons à toutes fins utiles qu’en novembre 2022, dans la continuité de la stratégie de l’administration Trump, l’administration Biden avait interdit « la vente sur le territoire américain de nouveaux équipements de télécommunication par les groupes chinois Huawei Technologies et ZTE en raison d’un « risque inacceptable » pour la sécurité nationale des États-Unis ».

L’administration américaine aurait bien fait de s’inspirer d’un adage tiré de L’art de la guerre de Sun Tzu :

« Celui qui excelle à vaincre ses ennemis triomphe avant que les menaces de ceux-ci ne se concrétisent ».

Les États-Unis et leurs alliés se sont, à mon sens, montrés très « agressifs » (depuis la période Trump) et très (trop) présomptueux, pour ne pas dire naïfs vis-à-vis de la Chine à propos de sa puissance et sa capacité à contre-attaquer.

 

La Chine : du suivisme au leadership technologique… voire hégémonique

Pour rappel, la guerre ouverte commerciale et technologique entre les États-Unis et la Chine a été lancée en 2018 par Donald Trump.

La stratégie de l’administration Trump visait, autant que faire se peut, à laisser la Chine derrière elle d’un point de vue technologique, qu’elle soit cantonnée, par isolationnisme, à un rôle de fabricant-exécutant.

Dans cette dynamique, les États-Unis avaient été suivis (appuyés) par de nombreux États alliés qui ont tout fait pour nuire au développement de nombreuses firmes chinoises, à l’instar de l’emblématique Huawei pour ce qui est – entre autres – de la technologie 5G.

Tous ont adopté le même narratif vis-à-vis de leurs concitoyens, évoquant sans relâche la sécurité nationale, la protection des données, la souveraineté numérique, etc.

Ainsi, en 2018 l’Australie avait banni Huawei et ZTE de son réseau 5G.

En 2020, c’était au tour du Royaume-Uni d’annoncer qu’il interdirait désormais l’achat de nouveaux équipements Huawei pour les réseaux 5G, et exigerait que les équipements Huawei existants soient retirés d’ici 2027…

En 2022, la Commission fédérale des communications des États-Unis avait prohibé « la vente de tout nouveau produit sur le sol américain à plusieurs firmes chinoises », et ajouté des restrictions importantes sur l’utilisation des produits et services d’une demi-douzaine d’entreprises chinoises, dont Huawei et ZTE.

Ces restrictions comprenaient des interdictions d’achat de matériel de télécommunications chinois par les agences gouvernementales américaines. Dans cette dynamique « anti-techno chinoise » en juin 2023, la Commission européenne estimait à son tour que les fournisseurs de télécoms chinois, Huawei et ZTE, représentaient un risque pour la sécurité de l’Union européenne. Bruxelles avait alors « appelé les 27 pays membres et les opérateurs télécoms à exclure ces équipements de leurs réseaux mobiles. »

 

Problème de sécurité nationale, ou d’hégémonie technologique ?

Tandis que l’ensemble des acteurs concernés évoque des problématiques de data, de protections de données, de protections de citoyens, etc., ce qui est certes audible, notons toutefois que tous autant qu’ils sont disposent des moyens pour pirater qui ils veulent, et lorsqu’ils le veulent !

Certes, sur certaines applications comme TikTok ou d’autres réseaux, des exigences peuvent être émises pour une modération adaptée et non pernicieuse (cf. dysmorphie).

Pour le reste, ce discours demeure l’arbre qui cache la forêt. L’enjeu de ce « technodrame » technologique qui fait aujourd’hui la Une des médias est à mon sens autre, et d’une tout autre dimension.

Il s’agit ni plus ni moins pour les États, ici la Chine, de prendre le leadership sur les technologies, toutes les technologies ! Celui qui aura le leadership dominera le monde.

N’est-ce pas ce qu’avait déclaré Poutine au sujet de l’IA :

« Celui qui réalisera une percée marquante en intelligence artificielle dominera le monde. »

Voilà l’enjeu et le combat des puissances mondiales : dans le domaine technologique au sens large, 5G, IA, il s’agit de poser le premier pas sur cette planète en perpétuelle mutation, d’en avoir le contrôle, ce qui passe par une autonomie technologique totale !

Le pied de nez de la Chine, face à ce qui peut être considéré objectivement comme des agressions commerciales, aura été, par-delà les coups portés, la poursuite du développement d’entreprises chinoises comme Huwaei, que les États-Unis comptaient bien mettre à genoux.

 

La Chine s’éveille et s’émancipe technologiquement

Si vous ne saviez pas comment la Chine s’éveillerait, maintenant, vous le savez.

Pékin vise l’autosuffisance technologique sur 70 % des composants et matériaux-clés à l’horizon 2025, comme l’énonce l’ambitieux programme Made in China 2025. Le lancement par la firme du Huawei Mate 60 Pro en est la preuve. S’agit-il de coïncidence de calendrier ? Nullement !

Comme le dit fort justement le journaliste Thomas Estimbre  (JDG), ce smartphone est ni plus ni moins « le nouveau cauchemar des États-Unis ».

D’une part, son lancement se fait dans un timing pour le moins opportun ; d’autre part, s’il a provoqué l’ire de Washington, c’est que le géant chinois a sorti un produit doté d’une puce qu’il n’était pas censé être capable de fabriquer, et ce « en raison des sanctions américaines pesant sur les exportations de certains composants vers la Chine ».

Il se trouve que la Chine peut se révéler taquine ! Outre la décision de boycott d’Apple, le dévoilement en grande pompe de l’Huawei Mate 60 Pro par la société Huawei est intervenu le 29 août 2023, damant ainsi le pion à Apple qui n’a présenté sa nouvelle gamme d’iPhone, l’iPhone 15 Pro et l’iPhone 15 Pro Max que le 12 septembre 2023 ! Hasard ? Peut-être… Notons que ce hasard est stratégiquement habile.

Quand la Chine s’éveille et s’émancipe, elle frappe, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle a frappé fort. Si elle a beaucoup subi, elle a patienté, et comme le disait Balzac, « la puissance ne consiste pas à frapper fort ou souvent, mais à frapper juste ».

Par l’intermédiaire de la société Huawei, la Chine, qui n’a eu de cesse d’être ostracisée par les États-Unis depuis le mandat de Donald Trump, puis par l’Europe (une Europe dont l’entreprise espérait le soutien) a frappé un grand coup dans la course à l’hégémonie technologique.

Les États-Unis, leurs alliés – dont l’Europe – qui se sont tant mobilisés pour freiner son autonomie technologique seraient dès lors bien avisés de repenser en profondeur et en urgence leur stratégie vis-à-vis de l’empire du Milieu…

Une mise en échec, c’est une chose, mais ne faut-il pas en tirer les leçons, à moins de poursuivre la même stratégie pour finir échec et mat ? Si tant est qu’en matière d’hégémonie technologique les jeux ne soient déjà faits.

« La première fois, c’est une erreur, la seconde c’est qu’on le fait exprès. » Proverbe chinois.

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  • La Chine s’émancipe ? quel gag . Bon côté performance techno certes elle a fait de grands bons en avant. On a vu le résultat avec le COVID . Et j’imagine que l’on pas pas fini de voir les monstres produits par Crispr /cas . La percée des progrès techniques est facétieuse : mélange de poussée hégémonique sans frein éthique des régimes totalitaires (cf Allemagne Hitlérienne , Chine d’aujourd’hui ) et de libertés individuelles (occident) . A l’arrivée on a des bombes atomiques et des virus toxiques , heureusement pas que , hein .

    -2
  • Le plus comique dans tout ça, c’est que ce sont les USA qui ont fait les transferts de technologie pour produire moins cher. Difficile de faire marche arrière.

    • S’il n’y avait que les US … nos gouvernants ne sont pas restés sur le banc de touche dans ce domaine . Après je ne leur jette pas la pierre , il fallait bien tenter le coup .

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