L’école de la République : de l’égalité à l’égalitarisme

Une politique égalitariste, ne tenant aucun compte des réalités, a conduit à l’échec le système éducatif français.

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L’école de la République : de l’égalité à l’égalitarisme

Publié le 10 septembre 2023
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Depuis une cinquantaine d’années, les politiciens français ont choisi de sacrifier l’école de la République sur l’autel de l’égalitarisme.

Cette école ne cherche pas à rendre l’apprentissage le plus efficace possible, mais au contraire d’empêcher chacun de progresser à son rythme. Les meilleurs ne doivent surtout pas prendre leur envol car l’égalité serait rompue. Il faut donc leur couper les ailes. Sectorisation, collège unique, programmes uniformes, tout a été fait pour masquer une réalité : l’hétérogénéité sociale.

L’école s’adresse donc à un élève théorique, défini politiquement. Elle refuse la diversité des acquis culturels et des capacités cognitives. C’est une longue histoire. En voici un résumé.

 

La politique contre la pédagogie

Commençons par le commencement.

Si la pédagogie consiste à favoriser l’acquisition des savoirs, quelle est la condition préalable à toute bonne pédagogie ? Il faut que l’enseignement s’adresse à un groupe d’élèves ou d’étudiants aussi homogène que possible. Allez dans une école de musique, dans une école de ski, dans n’importe quel organisme de formation, la démarche première consiste à tester le niveau des élèves et à les regrouper par niveau.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’Éducation nationale refuse cette condition basique de l’apprentissage depuis de nombreuses décennies. L’hétérogénéité des groupes a été sacralisée. Pourquoi ? Parce que la structure Éducation nationale, c’est-à-dire le ministère concerné, dépend directement du pouvoir politique, et que celui-ci a fait croire au progrès de l’égalité par le nivellement cognitif. Le narratif politicien se réclame de la parfaite égalité de l’école.

L’école de la République est juste parce qu’elle traite tous les élèves exactement de la même façon, sans tenir compte de leurs spécificités.

Ce concept de justice égalitariste n’est évidemment que de la poudre aux yeux. La diversité sociale ne peut être éludée. En s’opposant à toute adéquation entre le système éducatif et la réalité sociologique, les gouvernants ont conduit l’Éducation nationale à l’échec en cinquante ans environ.

Ils n’en ont que faire. Avec ses promesses électoralistes d’égalité la prochaine élection a plus d’importance pour eux que la vérité.

 

La merveilleuse révolution pédagogique ou le monde à l’envers

Mais comment prétendre qu’il est possible d’être pédagogiquement efficace avec des groupes d’élèves totalement hétérogènes ?

À cœur vaillant rien d’impossible !

Il suffit d’affirmer, contre toute évidence, que l’hétérogénéité des groupes est préférable pédagogiquement à leur homogénéité. On trouvera suffisamment de propagandistes intéressés pour diffuser ce précepte pédagogique révolutionnaire. Ce fut le cas.

Toute la technostructure éducative publique (inspecteurs généraux, inspecteurs pédagogiques, administration) a donc prôné la « pédagogie différenciée ». Cette pédagogie consisterait à disposer à tout instant de plusieurs niveaux de formation pour chaque groupe. L’enseignant doit adapter son enseignement aux niveaux variables des élèves de sa classe. Si, pour trente élèves, il est possible de distinguer quatre niveaux, il appartient à l’enseignant de proposer quatre cursus différents.

En pratique, c’est impossible, et cela n’a pas eu lieu. Malgré les instructions officielles, très rares sont les enseignants qui se sont pliés à cette absurdité. D’où un alignement de l’enseignement sur un niveau moyen-faible pour ne pas abandonner à leur sort les trois quarts des élèves. D’où une impossibilité pour les meilleurs d’exploiter leurs capacités.

L’hypocrisie politique a donc interdit l’efficacité pédagogique.

Pour les politiciens, il s’agissait, et il s’agit encore, de prétendre que l’école donne des chances identiques à tous et permet de construire une société égalitaire. Les principaux syndicats d’enseignants, positionnés politiquement à gauche, n’ont pas contesté le principe égalitariste mais demandé à cor et à cris, pendant des décennies, des moyens supplémentaires pour atteindre l’objectif.

 

L’égalité au rabais, c’est pour les autres !

Mais le mammouth Éducation nationale a aussi imposé des contraintes structurelles.

La structure centralisée du système éducatif (1 200 000 salariés) supposait un nombre réduit de catégories d’établissements (écoles, collèges, lycées, universités et grandes écoles) aux programmes d’enseignement uniformes.

Seule une forte décentralisation aurait permis de tenir compte de la diversité sociale.

La réforme la plus emblématique à cet égard fut celle du « collège pour tous » réalisée par René Haby, ministre de l’Éducation nationale de 1974 à 1978 (septennat de Valéry Giscard d’Estaing). On parlera par la suite dans les médias de « collège unique ». L’ambition naïve du ministre consistait à poursuivre la démocratisation de l’école élémentaire par un premier niveau d’enseignement secondaire (quatre années) accueillant toute la jeunesse du pays.

Cette louable ambition était politiquement porteuse, mais sociologiquement absurde.

L’enseignement élémentaire est en effet principalement un apprentissage presque technique (lire, écrire, compter) qui peut s’adresser à tous de la même façon.

Mais l’enseignement secondaire présentant un caractère éminemment culturel, il faut nécessairement tenir compte du fossé cognitif entre les élèves pour élaborer des programmes différenciés adaptés à chacun.

Le programme unique pour tous les enfants du pays peut se concevoir dans l’enseignement élémentaire, mais il est totalement inadapté à l’enseignement secondaire. Sauf évidemment s’il s’agit d’un simple affichage politique, ce qui était le cas.

La classe dirigeante n’est en effet pas affectée par le soi-disant collège unique. Même avec des programmes identiques, la sectorisation géographique maintient des différences majeures entre le niveau d’enseignement dans les banlieues pauvres et le 16e arrondissement de Paris. L’enseignement privé et ses établissements élitistes constituent également un recours. La politique définie par les gouvernants pour le peuple de France ne concernait donc absolument pas les familles des décideurs. Elles avaient d’autres solutions.

 

Tenir compte du réel

Restons-en là.

Il n’est certes pas facile de diffuser à la fois culture, formations scientifiques, techniques et professionnelles de façon à permettre à chacun de valoriser au mieux ses aptitudes.

Mais une chose semble évidente : il convient de tenir compte du réel. Masquer une réalité sociale très inégalitaire par un discours politique trompeur ne peut aboutir à terme qu’à l’échec. Nous y sommes. Le conte de Voltaire à l’issue heureuse proposé par nos politiciens se transforme sous nos yeux en tragédie grecque.

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  • On constate aujourd’hui que l’égalitarisme a aligné le niveau général sur le plus faible, même les profs sont, de façon malheureusement assez large, nuls en orthographe et en calcul. J’ai constaté dans des thèses de doctorat jusqu’à 4 ou 5 fautes par pages, sur une thèse volumineuse cela en fait beaucoup…
    Cela pose d’ailleurs un problème à leurs correcteurs : si l’on sanctionne le mauvais usage du français, on est amené à dévaloriser (ou pas) des travaux qui, sur le fond, sont parfois très bons.
    Les gens au contact du désastre scolaire, notamment certains ministres de l’éducation, des proviseurs, des profs du public mettent leurs enfants dans le privé (École de la Providence à Amiens ou École Alsacienne à Paris, désormais bien promues par Macron, Pap N’Daye et Attal !).
    La tentation politique, pour masquer ses échecs, est souvent d’interdire au privé de faire mieux que lui : attention au tentatives actuelles contre l’école privée, sinon il ne restera, une fois de plus, que l’issue de l’étranger, solution réservée à l' »élite ». Alors l’égalitarisme aura définitivement échoué et aura contribué, avec les nombreuses défaillances étatiques, à casser notre pays.

    • @Roven l’égalitarisme a échoué ? Mais il a bien réussi au contraire ! N’était ce pas le but ? Bourdieu, c’est le type qui a monté une échelle, dont l’orgueil démesuré lui a fait croire qu il était l’exception alors que c’était -en son temps- la règle , et qui a œuvré toute sa vie à détruire cette maudite échelle pour prouver ses dires .

  • La faillite de l éducation nationale : une bonne louche d’idéologie à visée politique pimentée d’intérêts de castes bien compris . Mais comme pour le reste , on arrive au bout de l’exercice .

  • En France, l’égalitarisme est un sport favori des gouvernants successifs. En matière d’instruction/éducation, l’article le décrit bien. Il en est de même en matière sociétale : on accueille à « tour de bras » les migrants d’histoires, de cultures, de traditions, de langues et de concepts mentaux différents, puis on les répartit sur tout le territoire du pays. Tout l’édifice France est miné par l’égalitarisme. C’est l’UE qui veut ça, il faut lui accoler un E supplémentaire pour l’appeler l’UEE et la ramener à ses gênes d’origine.

  • Très bon article. Mais pourquoi cette égalité ? Hé bien c’est plus facile pour nos politiciens de diriger un peuple de gueux dont le niveau est en permanence tiré vers le bas et éduqué selon le modèle stalinisme, que de diriger un peuple hétéroclite où une majorité est capable d’analyser les décisions politiques.
    Quel confort pour Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron de gérer n’importe comment le pays dans l’espoir d’être réélu. On notera au passage que Sarkozy et Hollande étaient tellement mauvais que même les gueux ne les ont pas réélu; quelle humiliation. Macron a bien compris la leçon avec ses 2 précédents Ministre de l’Éducation nationale qui distribuent le bac comme des tracts politiques.

  • un peu d’Histoire (presque de la « préhistoire » !) : lors de mon entrée en sixième dans les années cinquante, il se pratiquait encore des examens d’entrée en sixième, ou pour le moins des tests de niveau. Ensuite l’année scolaire s’achevait par une distribution des prix qui paraît-il, traumatisait les pauvres malheureux qui rentraient chez eux sans prix ! On a donc supprimé cette cérémonie (pas partout, j’ai connu un lycée en Outre-mer au début de ce siècle, où Madame le Proviseur tenait à conserver cet usage.) Puis, petit à petit, l’horrible sanction du redoublement pour insuffisance des résultats scolaires tomba en désuétude. Et pour finir, on ne pouvait donc plus se satisfaire d’un baccalauréat qui était sensé confirmer le bon niveau de savoirs et de savoir-faire des lycéens et on l’a transformé en « permis de conduire » dans l’enseignement supérieur, un peu comme tout propriétaire d’une voiture automobile, même maladroit, finit par décrocher le carton rose, un certificat attestant tout simplement que vous avez suivi un curriculum jusqu’au bout, quel que soit l’état dans lequel vous êtes arrivé à ce bout.
    Comme vous le dites, il a fallu cinquante ans pour en arriver là, en faudra-t-il cinquante autres pour corriger les erreurs ?

    • « examens d’entrée en sixième »
      J’ajouterai que, pour le Lycée public dans lequel je suis entré en 1956, ce n’était pas un examen mais un concours et que nous étions 37 élèves dans ma classe de 6ème.

    • Supprimer la distribution des prix, quelle bêtise !
      Figurez vous que dans mon lycée, tout ce qu’il y a de plus public, la proviseure m’a un jour fait part de son souhait de remettre la chose au goût du jour. Aussitôt je transforme sa suggestion en un projet pour une de mes classes, puisqu’il faut faire des projets. Ca a marché au delà des mes espérances. Mes jeunes organisateurs se sont passionnés pour recréer des prix qui récompensent les excellents élèves, ceux qui ont progressé (mon prix préféré), qui sont de bons camarades (un vote) ou ceux qui ne sont jamais absents. Nous avons eu la 2nde édition en juin dernier. J’ai bien vu les réticences de certains collègues mais ils sont minoritaires. Par contre la fierté des élèves venant recevoir leur prix vaut tout l’or du monde. Et les applaudissements de leurs camarades dément toute jalousie de leur part.

  • le contrôle de l’etat sur l’enseignement devrait se limiter notamment à l’aprentissage de l’égalité des droits qui est supposée avoir cours dans le pays…

    l’éducation est la responsabilité des parents … savoir lire et écrire n’est même pas trivial…mais une conséquence pratique de la nécessité de connaitre les lois…

    A on opinion, un liberal refuse l’éducation nationale nationale plus en amont..

    il va se poser la question de ce qu’un état est légitime à obliger aux parents en matière d’éducation…’en ce qui me concerne je ne vois que le controle de la connaissance de la constitution…
    rien d’autre fondamentalement..

    • le fait est qu’onpêut être heureux en étant illettré…et pauvre..

      tout ce foutoir programmatique est du constructivisme en partie accepté par ceux, à droite, qui pensent qui ‘un pays DOIT chercher à maximaliser la production de richesse en gros être en situation de croissance éconique..et à gauche à ceux qui veulent inculquer des valeurs collectivistes tel l’eglaitarisme justement…

      non l’état est légitime à se mêler à minima d’education…

      si on accepte que l’etat s’occcupe dun truc qui ne le regarde pas on exige une chartre qui définit les limites et empêche les dérives…
      valable pour la santé, l’énergie etc etc…

      -1
      • voila pas de réponse DONC
        pas de remise en cause du fait que des élus…donc la majorité des électeurs en France modulo le pouvoir des syndicats d’enseigantns soit en droit de décider des détails de ce qui est mis dans la tête des gosses..

        • écoles libres controle de l’état minimum, sur les valeurs républicaines, et cheque éducation si vos voulez faire du « social ».. soutenir ce monstre en souvenir bien souvent de sa propre réussite justement me semble une folie..

  • excellent article mais qui déséspère mon billancourt !!!

  • Une salle de classe est la quintessence du socialisme : les élèves y apprennent que la propriété n’existe pas : le nombre d’élèves venant en cours sans matériel est affligeant, et les professeurs exigeant des autres qu’ils cèdent sans compensation leur matériel.
    Ils y apprennent aussi que la violence donne des passe-droits aux violents qu’il ne faut surtout pas laisser à la rue, mais que les autres doivent subir (jusqu’à laisser des harceleurs notoires continuer de venir dans les mêmes salles que leurs victimes). Ils y apprennent aussi que refuser le discours qui vient d’en haut et répété par les enseignants est passible de représailles plus ou moins appuyées.
    Mon ressenti de mes années dans l’EdNat,.est que les professeurs, bien que très impliqués pour 99% du tous ceux que j’ai côtoyés, ont pour motivation de faire en sorte qu’un cancre devienne un élève passable au lieu d’avoir pour motivation de nourrir des élèves talentueux.

    J’ai travaillé 4 années dans un établissement où dans toutes les salles de classe, dans certains couloirs se trouvait une affiche sur laquelle était écrite la DDHC de 1789. Les élèves n’ont jamais eu à la lire, encore moins à l’apprendre, et ce que les professeurs en tiraient était que les Droits étaient source de tous les maux (en particulier ceux de Liberté et de propriété, reliés au mechant capitalisme). Il y avait même une affiche avec les paroles de la Marseillaise, paroles qui ‘faisaient peur » ai-je entendu.

    Les exemples des cours de musique ou de ski sont assez à côté du sujet vu que ce sont des cours que l’on paie de sa poche, qu’on choisit, qu’on peut quitter, sécher, à tout moment (comme en club de de foot, de pétanque, de karate). Autant la musique est enseignée au collège, autant le ski y est sujet à volontariat comme sortie scolaire moyennant paiement.

    • et on nous explique que ça forme des citoyens… or l ‘éveil aux valeurs qui définissent la citoyenneté n’est jamais vérifiée par l’etat..

      pourquoi diable ce respect de ce système?????

  • Les commentaires sont fermés.

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