Aspartame : entre manipulation des classements et désinformation médiatique

Alors que l’aspartame fait l’objet de controverses depuis des années, les récentes évaluations du CIRC et du JECFA ont suscité une nouvelle polémique. Le CIRC le classe en « peut-être cancérogène » tandis que le JECFA rassure sur son innocuité. Mais des doutes subsistent quant à la crédibilité des études utilisées pour le classement, notamment celles de l’Institut Ramazzini.

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Aspartame : entre manipulation des classements et désinformation médiatique

Publié le 5 août 2023
- A +

Le 14 juillet 2023, une conférence de presse était organisée sur les résultats des évaluations de deux instances liées à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) : le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et le Comité Mixte d’Experts des Additifs Alimentaires de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et de l’OMS (JECFA).

Une grande partie des médias n’a retenu que le classement en « cancérogène possible » de l’aspartame ou ont minimisé les conclusions rassurantes du JECFA sur les risques de cet édulcorant. En se trompant souvent sur l’un ou l’autre élément d’information.

 

Remontons dans le temps : le CIRC, envers et contre tout

L’aspartame, l’édulcorant basses calories le plus utilisé dans le monde, fait l’objet depuis longtemps de recherches militantes visant à « démontrer » sa nocivité. Sans grand succès.

Cela n’a pas empêché un comité consultatif, chargé de faire des recommandations sur le programme de travail du CIRC en matière de monographies, qui s’est réuni en avril 2014, d’attribuer une priorité haute à l’examen de l’aspartame.

Si vous avez quelques connaissances sur le fonctionnement des monographies, vous pouvez tomber à la renverse ! Comment produire une monographie sans études pertinentes ? Selon le rapport de ce comité,

« […] De nombreuses études sur l’épidémiologie du cancer et l’utilisation d’édulcorants alimentaires non nutritifs ont été réalisées et ont donné des résultats essentiellement négatifs. L’aspartame a été étudié dans de nombreux essais biologiques sur le cancer chez les rats et les souris, y compris une série récente d’un laboratoire qui a donné lieu à des rapports de constatations controversées pour un certain nombre de sites tumoraux. […] Le groupe consultatif a accordé à l’aspartame une priorité élevée pour l’examen par les monographies du CIRC en raison de son utilisation répandue, de l’inquiétude persistante quant à son potentiel cancérigène et des rapports récents faisant état de résultats positifs dans des études de cancérogénicité chez l’animal. »

Le même niveau de priorité a été donné au sucralose (nom commercial en France : Canderel) dans des conditions similaires.

Le méthyleugénol et l’isoeugénol, deux composés aromatiques et parfumants présents naturellement dans les huiles essentielles de diverses plantes, examinés en même temps que l’aspartame dans le récent exercice, n’étaient pas à l’ordre du jour du comité consultatif précité.

 

Faisons un peu de complotisme… ou peut-être pas.

Ce comité consultatif était présidé par le sulfureux et controversé Christopher Portier qui figurait sur la liste des participants sous son ancienne affiliation dans les Centers for Disease Control and Prevention, occultant ainsi son embauche par une association militante, pourtant connue du CIRC.

Il a joué un rôle éminent dans la classification infâmante du glyphosate en « probablement cancérogène » en mars 2015, mais aussi, précédemment, en 2011, dans celle en « peut-être cancérogènes » des champs électromagnétiques de radiofréquences (essentiellement les téléphones portables) dans des conditions qui ont aussi fait débat. M. Christopher Portier a été un témoin expert des avocats prédateurs qui ont fait les poches de Bayer-Monsanto aux États-Unis d’Amérique. Il l’a vraisemblablement aussi été pour des affaires liées aux portables (voir ici, avec une reproduction du compte rendu de son audition dans le cadre d’une action portant sur le glyphosate).

Le classement de l’aspartame pouvait ainsi avoir deux effets : clarifier la situation et mettre fin aux attaques contre l’aspartame (du moins du point de vue du cancer) ou, au contraire, fournir une base d’action, notamment, pour les avocats prédateurs étatsuniens (et leurs témoins experts…).

Le laboratoire aux constatations controversées, en fait pas seulement sur l’aspartame, c’est l’Institut Ramazzini. Nombre d’autorités d’évaluation ou d’homologation refusent maintenant de prendre en compte les résultats de cette usine à annonces d’apocalypse (voir par exemple ici pour l’ANSES sur… l’aspartame).

Notons encore que peu de temps après l’arrivée de l’actuelle directrice du CIRC, Elisabete Weiderpass, le site web du CIRC a été remanié et certains documents – dont le rapport du comité consultatif et des pages relatives au glyphosate – ont été « invisibilisés », sauf à avoir noté l’ancienne URL, et à chercher dans les archives du Web.

 

Une nouvelle tentative en 2019

L’aspartame ne fut pas évalué. Un autre groupe consultatif se réunit en mars 2019 pour faire des recommandations pour la période 2020-2024.

L’aspartame fut à nouveau affecté d’une priorité haute, avec la mention supplémentaire que l’évaluation pourrait se faire dans un délai de deux ans et demi.

Parmi la littérature citée, il y avait Morando Soffritti et al. (incluant Fiorella Belpoggi), The carcinogenic effects of aspartame: The urgent need for regulatory re-evaluation (les effets cancérigènes de l’aspartame : l’urgence d’une réévaluation réglementaire). Un titre qui pue la science militante… de l’Institut Ramazzini. Et qui n’était pas très nouveau puisqu’il datait de janvier 2014.

Dans le groupe d’experts, il y avait… Mme Fiorella Belpoggi. Ce monde fonctionne en vase clos.

Et parmi les exploits de Mme Fiorella Belpoggi témoignant de son militantisme, il y a sa participation, pendant un temps, dans l’arnaque russe Factor GMO.

Il y avait aussi deux personnages de la saga du glyphosate : Mme Kathryn Guyton, en tant que chef par intérim du groupe des monographies du CIRC) et M. Kurt Straif, ancien chef, et pour l’occasion consultant.

Kurt Straif mérite ici une mention particulière : il a produit en 2021 Aspartame and cancer – new evidence for causation (aspartame et cancer – nouvelles preuves de causalité) avec Philip J. Landrigan. Dans leurs conclusions résumées, outre l’appel à agir lancé aux autorités sanitaires :

« Ces nouveaux résultats confirment que l’aspartame est un cancérogène chimique chez les rongeurs. Ils confirment le résultat très inquiétant selon lequel l’exposition prénatale à l’aspartame augmente le risque de cancer chez la progéniture des rongeurs. Ils valident les conclusions des études originales de l’IR [Institut Ramazzini]. »

Le méthyleugénol et l’isoeugénol ont aussi été classés en priorité haute par ce groupe consultatif.

Ces deux substances ont été évaluées en même temps que l’aspartame et classées en 2A (probablement cancérogène) et 2B (peut-être cancérogène), respectivement. Mais personne ne s’y intéresse, malgré un classement plus infâmant pour l’un…

 

L’OMS a imposé une coordination, mais les États-Unis et le Japon protestent

Après le scandale du classement du glyphosate en « probablement cancérogène », les États membres – à défaut d’un arrêt des monographies dans le domaine alimentaire – ont imposé une coordination entre le CIRC et les comités mixtes de la FAO et de l’OMS experts des additifs alimentaires (JECFA) et des pesticides (JMPR).

L’aspartame devait donc être examiné par le CIRC du 6 au 13 juin 2023 et le JECFA du 27 juin au 6 juillet 2023. Le classement du CIRC devait rester confidentiel, et les conclusions des deux organes devaient être publiées conjointement le 14 juillet 2023 – ce qui fut fait (communiqué de presse de l’OMS ; conférence de presse conjointe).

Les gouvernements des États-Unis d’Amérique (échange de lettres ici) et du Japon (un extrait de la lettre ici) n’ont pas été satisfaits. Le premier écrivait en particulier, le 12 août 2022 :

« Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que des déterminations contradictoires présentées par le CIRC et le JECFA mineraient sérieusement la confiance dans le processus scientifique pour les deux organes et pourraient enflammer davantage le climat actuel de scepticisme du public quant à la validité de la science et du processus scientifique. »

 

Et l’inévitable se produisit…

La décision de classer l’aspartame en « peut-être cancérogène » a évidemment fuité, le 29 juin 2023.

Courtoisie de Reuters et d’un informateur anonyme (mais il y a des soupçons…). Des médias alléchés par une « mauvaise nouvelle » qui est médiatiquement une bonne nouvelle ont repris l’information, souvent amputée du contexte, en se trompant parfois d’adverbe, et en attribuant le classement à l’OMS plutôt qu’au CIRC (c’est classique !).

Ainsi, Doctissimo a titré le 30 juin 2023 : « Vers un classement de l’aspartame comme cancérogène ? », sans qualificatif, et a évoqué un « probablement cancérogène » dans le texte. Le titre a été modifié, apparemment le 18 juillet 2023, mais la classification erronée figure toujours dans le chapô, dans un intertitre et dans le commentaire d’un médecin nutritionniste…

Médisite est encore plus péremptoire en titre le 3 juillet 2023 : « Aspartame : un organisme de l’OMS le considère comme cancérigène ».

 

Un communiqué de presse de l’OMS millimétré

Le communiqué de presse de l’OMS, « Publication des résultats de l’évaluation des dangers et des risques liés à l’aspartame » est un « communiqué commun » pédagogique, millimétré et s’efforçant de ménager les susceptibilités :

« Le CIRC a classé l’aspartame comme « peut-être cancérogène pour l’Homme » (groupe 2B) sur la base d’une « indication limitée » de cancer chez l’Homme (en particulier, pour le carcinome hépatocellulaire, qui est un type de cancer du foie). En outre, il existait une « indication limitée » de cancer chez l’animal de laboratoire, de même qu’une « indication limitée » concernant les mécanismes possibles d’action cancérogène.

Le Comité mixte a conclu que les données évaluées ne fournissaient aucun motif suffisant justifiant une modification de la dose journalière admissible de 0 à 40 mg par kilogramme de poids corporel (en anglais) précédemment établie pour l’aspartame. Par conséquent, le Comité mixte a réaffirmé qu’une personne peut consommer de l’aspartame sans risque dans la limite de cette quantité journalière. Par exemple, avec une canette de boisson gazeuse light contenant 200 ou 300 mg d’aspartame, un adulte pesant 70 kg devrait consommer plus de 9 à 14 canettes par jour pour dépasser la dose journalière admissible, en supposant aucun autre apport en aspartame provenant d’autres sources alimentaires. »

Mais l’exercice avait eu ses limites :

« « Le Comité mixte a également examiné les éléments de preuve concernant le risque de cancer, dans le cadre d’études menées chez l’animal et chez l’Homme, et a conclu que les données faisant état d’une association entre la consommation d’aspartame et le cancer chez l’Homme ne sont pas convaincantes », a déclaré le Dr Moez Sanaa, Chef de l’Unité Normes et avis scientifiques sur l’alimentation et la nutrition de l’OMS. »

En fait, la conclusion générale du JECFA est encore plus large :

« Dans l’ensemble, le comité a conclu qu’il n’y avait pas de preuves convaincantes provenant de données expérimentales sur les animaux ou sur l’Homme que l’aspartame a des effets indésirables après ingestion. Cette conclusion est étayée par le fait que l’aspartame est entièrement hydrolysé dans le tractus gastro-intestinal en métabolites qui sont identiques à ceux absorbés après la consommation d’aliments courants, et qu’aucun aspartame ne pénètre dans la circulation systémique. »

 

Et les médias ?

On peut faire court : dans la plupart des cas, ils se sont concentrés sur le classement par le CIRC.

Même l’ONU, avec « Édulcorant : l’aspartame est « peut-être » cancérogène, selon une première évaluation de l’OMS »…

Avec toujours des problèmes de conformité aux faits. Même le Quotidien du Médecin « Le Circ classe l’aspartame comme cancérogène probable, mais le risque reste contenu selon l’OMS et la FAO »…

Non, ce n’est pas « probable » et le risque n’est pas « contenu », mais nul. On s’expose à une intoxication à l’eau bien avant d’atteindre la dose journalière admissible d’aspartame.

Parmi les morceaux d’anthologie : cet articulet du journal Le Monde, avec Reuters (tiens donc… après la fuite…), « L’aspartame classé comme « cancérogène possible » ». En chapô :

« VIDÉO La dangerosité potentielle de cet édulcorant, parmi les plus répandus du marché, vient d’être reconnue par l’OMS. »

Et, en bref, aucune référence à l’évaluation rassurante du JECFA, mais :

« Concrètement, cela signifie que le niveau de preuves scientifiques n’est, pour le moment, pas suffisant pour qualifier définitivement l’aspartame d’agent cancérogène, mais que des signaux sérieux existent. »

 

La FDA réagit sans délai !

Des signaux sérieux (alors qu’ils sont au mieux faibles) ?

C’est apparemment un événement rare : la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis d’Amérique a réagi publiquement, le jour même de l’annonce par l’OMS, au classement en « peut-être cancérogène » de l’aspartame :

« La FDA n’est pas d’accord avec la conclusion du CIRC selon laquelle ces études justifient la classification de l’aspartame comme cancérogène possible pour l’Homme. Les scientifiques de la FDA ont examiné les informations scientifiques incluses dans l’étude du CIRC en 2021, lorsqu’elles ont été mises à disposition pour la première fois, et ont identifié des lacunes importantes dans les études sur lesquelles le CIRC s’est appuyé. Nous notons que le JECFA n’a pas soulevé de problèmes de sécurité pour l’aspartame dans les niveaux d’utilisation actuels et n’a pas modifié la dose journalière admissible (DJA). »

 

Des dysfonctionnements patents

« … les données faisant état d’une association entre la consommation d’aspartame et le cancer chez l’homme ne sont pas convaincantes », selon le Dr Moez Sanaa, de l’OMS (et le JECFA) ? C’est un euphémisme !

Nous ne disposons à ce stade que d’un résumé des travaux du CIRC dans The Lancet. Mais il est déjà instructif.

Le groupe de travail était composé de 25 chercheurs de 12 pays… mais six des États-Unis d’Amérique (ils étaient sept sur 16, plus le fameux Christopher Portier, pour le glyphosate ; et dans le cas des pompiers, 11 sur 25).

Ils n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts. Pourtant, au moins quatre d’entre eux ont co-signé des études sur l’aspartame : Mmes Mélanie Deschasaux-Tanguy et Mathilde Touvier (une étude fondée sur la cohorte NutriNet-Santé – qui n’a du reste pas trouvé grâce aux yeux du groupe de travail), M. Daniele Mandrioli (de l’Institut Ramazzini) et Mme Marjorie L. McCullough (une des études retenues).

Intéressante, cette étude (Sugar- and Artificially-Sweetened Beverages and Cancer Mortality in a Large U.S. Prospective Cohort – boissons sucrées et artificiellement sucrées et mortalité par cancer dans une grande cohorte prospective américaine) : le résumé ne comporte aucune indication sur les boissons artificiellement sucrées.

Ce n’est pas une preuve, mais une suggestion : on a dû fouiller dans tous les recoins pour trouver quelque chose qui puisse étayer un « preuves limitées » pour la cancérogénicité chez l’Homme.

« Sweetened beverage consumption and risk of liver cancer by diabetes status: A pooled analysis » (consommation de boissons sucrées et risque de cancer du foie en fonction du statut diabétique : une analyse groupée) présente une analyse nuancée. Mais quand des rapports de risques ont été mentionnés – y compris pour le sucre – les limites inférieures étaient très proches de 1, donc de l’absence de signification statistique.

La troisième étude, « Consumption of soft drinks and juices and risk of liver and biliary tract cancers in a European cohort (consommation de boissons gazeuses et de jus de fruits et risque de cancer du foie et des voies biliaires dans une cohorte européennee) a suivi 477 202 personnes sur 11,4 ans et trouvé, sur 191 carcinomes hépatocellulaires (CHC), que « La consommation combinée de boissons gazeuses (>6 portions/semaine) était positivement associée au risque de CHC : HR 1,83 ; CI 95 % 1,11-3,02 ». Mais, en conclusion selon le résumé, « La consommation quotidienne de boissons gazeuses combinées est positivement associée au CHC, mais une association différentielle entre le sucre et l’édulcorant artificiel ne peut être écartée. »

Dans un deuxième article publié par le Monde (mis en ligne le même jour et à la même heure que celui évoqué ci-dessus – 00 h 30, heure de fin de l’embargo fixé par l’OMS), on impressionne le lecteur en chapô : « Le CIRC s’appuie sur 1300 études scientifiques parues ces dernières années ».

Non ! Trois études pour la cancérogénicité chez l’Homme et quatre études sur la cancérogénicité chez l’animal… du très contesté Institut Ramazzini. Et encore, il a fallu bien des contorsions pour leur trouver du mérite en minimisant ou écartant les objections (idem pour les études sur les mécanismes, non référencées dans l’article du Lancet)…

Et pourtant…

« Une minorité du groupe de travail n’a pas partagé ces préoccupations concernant cette série d’études et a considéré que les preuves de cancer chez les animaux de laboratoire étaient « suffisantes » ; ils ont donc soutenu une classification dans le groupe 2A plutôt que dans le groupe 2B pour l’aspartame. »

 

Cancérogène… envers et contre tout

On aurait donc écarté quelque 1290 études… Il sera du reste intéressant de consulter la monographie une fois qu’elle sera publiée pour voir les avis du groupe de travail sur les études écartées. Du reste, si l’on veut trouver un intérêt dans les monographies, c’est peut-être dans le tri qu’elles opèrent entre études considérées (à tort ou à raison) comme dignes d’intérêt et les innombrables autres.

Mais ce n’était pas assez selon le Dr Moez Sanaa et le JECFA.

Selon un article de 2019 de Carr J. Smith et Thomas A. Perfetti, « An approximated one-quarter of IARC Group 3 (unclassifiable) chemicals fit more appropriately into IARC Group 4 (probably not carcinogenic) » (environ un quart des substances chimiques du groupe 3 (inclassables) du CIRC correspondent mieux au groupe 4 (probablement non cancérogènes) du CIRC). On peut sans doute faire la même analyse pour les groupes supérieurs.

Cela ne posait pas de problème particulier tant que ces classements touchaient un public restreint et averti. Mais aujourd’hui, à l’Âge Facebook de la Science, elles sont instrumentalisées par des lobbies, par des entités qui font commerce de la peur (y compris pour le compte d’intérêts économiques concurrents), par des hommes politiques, par des médias…

Et ce, au mépris de la portée et de la signification réelle des classements – sérieux ou contestables, voire franchement inacceptables – quant au danger et non aux risques.

On bourre actuellement le mou du public sur l’aspartame – on incite implicitement des consommateurs à se tourner vers le sucre, peut-être plus problématique pour leur santé – alors qu’il ne se passe pas un jour sans que l’on voie une publicité pour un produit contenant de l’Aloe vera… également classé « cancérogène possible »…

 

C’est parti pour les grandes manoeuvres

Mais ces produits ne sont pas commercialisés par Coca Cola et Cie... aux poches profondes. Les avocats prédateurs étatsuniens seront sans doute décus par ce classement… mais rien n’est perdu… Cependant, les perspectives ne semblent pas extraordinaires. Nous n’avons pas vu de racolage massif.

Les manœuvres commencent à se mettre en place.

US Right to Know a trouvé un journal français pour, le 19 juillet 2023, initier une manœuvre qu’on a déjà vue pour le glyphosate, avec « Nouvelles recommandations sur l’aspartame : les liaisons dangereuses de certains experts avec Coca et Pepsi ». Et dans son article du même jour, a priori postérieur, Gary Ruskin cite Gaël Lombart du Parisien, un message subliminal pour faire porter l’initiative de l’attaque contre des membres du JECFA à ce dernier.

 

(Gary Ruskin, c’est… US Right to Know.)

 

Parce que, figurez-vous, au moins six des 13 experts du JECFA ont collaboré un jour avec l’International Life Sciences Institute (ILSI), « a longtime Coca-Cola front group » (un groupe de façade de longue date de Coca-Cola).

Cherchez par exemple Diane Benford et ILSI, et vous tomberez sur « Application of the Margin of Exposure (MOE) approach to substances in food that are genotoxic and carcinogenic » (application de l’approche de la marge d’exposition (ME) aux substances génotoxiques et cancérogènes présentes dans les denrées alimentaires) qu’elle a co-rédigé dans le cadre d’un groupe d’experts établi par l’ILSI (avec du reste trois autres membres du JECFA, MM. Michael DiNovi, Jean-Charles Leblanc et Josef Schlatter)… en 2009.

Mme Diane Benford a aussi signé « The Acceptable Daily Intake: A Tool for Ensuring Food Safety » (la dose journalière admissible : un outil pour garantir la sécurité alimentaire), une monographie succincte de l’ILSI… en 2000. Ce genre de coopération suffit pour monter des allégations de conflits d’intérêts qui, nécessairement pour la faune militante, vicie et invalide un avis qui lui déplaît. Pour tous les mis en cause – et à perpétuité condamnés – l’association avec l’ILSI date de dix ans et plus…

Le Parisien, toujours sous la même signature, a même tenté d’impliquer Bayer dans une cabale, alléguée et imaginaire, contre le CIRC :

« « L’intérêt de Bayer est de discréditer le CIRC, en raison de sa classification du glyphosate comme probablement cancérogène« , croit deviner Gary Ruskin, directeur de l’ONG américaine US Right to Know. »

(Stacy Malkan, c’est… US Right to Know.)

 

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  • Avatar
    jacques lemiere
    5 août 2023 at 8 h 33 min

    il me semble que le point d’achoppement est que savoir qu’un machin est cancérogène ou pas…n’aide en rien..

    on utilise un truc avec une fin..
    on juge souvent la fin, et des tas de gens _utilitaristes_ vous diront que les édulcorants sont « inutiles »..
    et bien sur on compare…

    les gens fument…et j’emmerde les tyrans scientistes ou moralisateurs ..
    la science donne juste des nombres…des faits… elle ne peut pas « recommander » un usage sans poser un jugement sur l’usage aussi.et les besoins de l’usager.

    la science dit que , en l »état des connaissances, fumer augmente de tant le risque de développer un cancer ou autre maladie..

    la santé..réduite à un fonctionnement qui serait optimal du métabolisme sur la durée qui serait disjoint de l’état émotionnel… n’ets de toutes façons pas un objectif de vie!!!

    manger le bonbon tout de suite ou attendre pour le manger et en recevoir deux-plus tard_ est un choix individuel.. c’est ni pire ni mieux..

    mettre en perspective ce risque c’ets déjà conseiller..

    • Avatar
      jacques lemiere
      5 août 2023 at 8 h 39 min

      il me semble que le point d’achoppement est que savoir qu’un machin est cancérogène ou pas…n’aide en rien..

      on utilise un truc avec une fin..
      on juge souvent la fin, et des tas de gens _utilitaristes_ vous diront que les édulcorants sont « inutiles »..
      et bien sur on compare…

      les gens fument…et j’em..de les tyyyyrans scientistes ou moralisateurs ..
      la science donne juste des nombres…des faits… elle ne peut pas « recommander » un usage sans poser un jugement sur l’usage aussi.et les besoins de l’usager.

      la science dit que , en l »état des connaissances, fumer augmente de tant le risque de développer un cancer ou autre maladie..

      la santé..réduite à un fonctionnement qui serait optimal du métabolisme sur la durée qui serait disjoint de l’état émotionnel… n’ets de toutes façons pas un objectif de vie!!!

      manger le bonbon tout de suite ou attendre pour le manger et en recevoir deux-plus tard_ est un choix individuel.. c’est ni pire ni mieux..

      mettre en perspective ce risque c’ets déjà conseiller..
      ce qui pollue le jugement sur l’aspartame est la conviction chez ceux qui n ‘en utilisent est qu’n peut s’en passer…

      • Avatar
        jacques lemiere
        5 août 2023 at 9 h 02 min

        la science ne peut recommander sans avoir établi au préalable une « grille » d’évaluation…

        ou clairement la liberté individuelle de faire des conneries avec son argent ne pèse pas lourd…
        tandis que l’espérance de vie…collective… la maitrise de la prévalence de certaines maladie voire les compte de la sécu…ça ça compte…

  • Je ne comprends pas cette polémique sur l’aspartame. Pour moi le sujet est simple : lorsque je vois ce mot dans la composition d’un plat, je ne le consomme pas. Si les gens ne veulent pas s’informer et prendre le risque de s’empoisonner, c’est leur choix.

    -1
    • En réalité, les gros consommateurs de sodas ont beaucoup plus à craindre de l’excès de sucre que de celui d’aspartam…

  • Toujours aussi laborieux, le faisceau heitzien de preuves.
    Pourtant, ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.

  • Bla bla bla, depuis Hippocrate on sait que « c’est la dose qui fait le poison », et les brillants sodomiseurs d’hyménoptères ont même classé la café, les cornichons et les téléphones portables comme « possiblement », « peut-être », « des fois que »… cancérogènes ! Alors dormez tranquille…

  • Le vrai objectif est de classifier tous les aliments non bio comme cancérogène. Et de se faire de l’argent au passage, en visant donc les produits les plus utilisés par l’agro industrie.

  • Comme disait jadis un philosophe, « La seule chose réputée nocive est la vie puisque chacun en meurt »

  • Concernant spécifiquement le glyphosate, personne n’a encore réussi à expliquer à ces militants que Bayer a tout intérêt à le voir disparaître, dans la mesure où la molécule est dans le domaine public et peut être synthétisée par n’importe qui sans donner lieu à quelque paiement que ce soit…?
    En militant pour l’interdire, ces gens sont objectivement les idiots utiles de Bayer / Monsanto. Ce qui à mon avis ne manque pas d’ironie au vu de leur positionnement idéologique.
    (attention, je ne pose pas ici la question de l’innocuité ou non de cette molécule)

  • Le problème est que nous commençons à avoir des statistiques assez longues pour voir que toutes ces précautions contre l’ensemble des produits chimiques (essentiellement limiter les taux de ces produits dans l’air, l’eau, la nourriture,… ne semble pas mener à une réduction à long terme des taux de cancer, en dessous de certains niveaux d’exposition. Au Québec, nous avons un registre qui donne les taux de cancer depuis plus de 35 ans. Résultat? Malgré toutes les réglementations, le taux ajusté pour l’âge est essentiellement stable depuis le début. (On doit tenir compte que le taux de cancer augmente avec l’âge.) Dès qu’une idée folle germe en Europe, elle est passionnément défendue chez nous- faute d’idées folles maison ajouterais-je. Donc, les réglementations se ressemblent assez et se suivent d’assez près. Même si le cancer peut survenir entre 10 et 40 ans après l’exposition au produit, on devrait voir un effet après tout ce temps, non?. Mais non, ce n’est pas comme cela que çà marche paraît-il.
    En passant, j’ai vérifié pour la France, la Belgique et la Suisse, qui ont des données entre 20 et 30 ans. Je ne sais pas si vous pourriez avoir des données plus longues, mais cela vaudrait la peine d’essayer. Le résultat semble le même, malheureusement. Je n’ai pas vérifié ailleurs, mais les statistiques des pays avec une bonne proportion de Blancs doivent les conserver. (Le cancer est d’abord une maladie de Blancs, avec des taux beaucoup plus élevés que les autres « races » et, même pour les principales maladies dont on souffre et meurt dans le monde, le taux d’une population à l’autre peut varier d’un facteur 10.)
    Il est inutile donc de comparer deux populations, ce qui limite quelque peu les études allant en ce sens. Une deuxième raison existe. La normalisation pour l’âge n’utilise pas les mêmes distributions de population (pyramide d’âge). Nous utilisons la population du Québec en 2011, il existe un standard européen et l’OMS entre autres a le sien.
    https://app.powerbi.com/view?r=eyJrIjoiNjc2ZTAxNmMtMWFiMi00NDIwLTg0MzYtOTY2OTIzMDliYjA2IiwidCI6IjA2ZTFmZTI4LTVmOGItNDA3NS1iZjZjLWFlMjRiZTFhNzk5MiJ9
    https://www.worldlifeexpectancy.com

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Parmi l’arsenal des traitemen... Poursuivre la lecture

Par Judith Mueller.

 

Le 29 mai dernier, le Centre de recherche sur les cancers de Heidelberg (DKFZ), en Allemagne, a annoncé le décès de Harald zur Hausen, à l’âge de 86 ans. Ce médecin et virologue avait reçu le prix Nobel de médecine en 2008, pour avoir démontré que l’infection persistante par certains papillomavirus humains (en anglais human papillomavirus, abrégé HPV) était l’unique cause de la principale forme de cancer du col de l’utérus.

Cette découverte s’est révélée extrêmement importante pour la préventio... Poursuivre la lecture

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