Mettre fin au dumping fiscal : abolir l’impôt sur les sociétés

L’OCDE vient d’annoncer un report de 18 mois de la mise en œuvre de son accord sur l’imposition mondiale des services numériques. C’est l’occasion d’enterrer définitivement cet accord au profit d’une politique beaucoup plus ambitieuse de lutte contre le dumping fiscal.

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Mettre fin au dumping fiscal : abolir l’impôt sur les sociétés

Publié le 22 juillet 2023
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En 2021, sous l’égide de l’OCDEdont les salariés sont exemptés d’impôts – la plupart des pays se sont entendus pour revoir le fonctionnement de l’impôt sur les sociétés. Selon ces pays, l’IS ne serait plus adapté à l’ère du numérique qui permet de facilement comptabiliser les profits dans des pays étrangers. Cet accord a accouché de règles complexes pour allouer les revenus à une juridiction fiscale plutôt qu’une autre, et un taux minimum de 15 %.

Sans étonnement, deux années plus tard, le projet n’a toujours pas été implémenté au grand dam des pays les plus dépensiers et restera probablement un vœu pieux. La tentation de « tricher » est bien trop forte pour les États. De plus, il est assez ironique de voir les spécialistes de la niche fiscale comme la France défendre une règle fiscale universelle. L’Union européenne avait mis en place un taux de TVA minimum de 15 %, ce qui n’empêche pas la France d’afficher des taux supplémentaires de 2,1%, 5,5 % et 10 %.

 

Un système plus juste et égalitaire

Il y avait pourtant un moyen très simple de mettre fin à l’optimisation fiscale des entreprises : abolir l’impôt sur les sociétés.

Les entreprises n’auraient ainsi plus intérêt à dépenser de fortes sommes pour faire transiter leurs profits vers des juridictions plus clémentes, et toutes les entreprises à travers le monde seraient immédiatement sur un pied d’égalité. Pas seulement entre les pays d’ailleurs, mais aussi au sein d’un même pays. Les grandes entreprises qui peuvent se payer les services de fiscalistes et de comptables sophistiqués (et qui ont des filiales étrangères) n’auront plus cet avantage sur les petites entreprises qui n’en ont ni les moyens ni la taille critique nécessaires. Les grandes entreprises seront aussi soulagées de leurs charges fiscales, comptables, et du risque de redressement fiscal.

Quid des recettes pour l’État, certains demanderont.

Évidemment, nos États obèses ont la possibilité d’ajuster leurs dépenses pour faire face à la perte de revenu. En 2021, la France a perçu 71 milliards d’euros de recette d’IS, ce qui représente 4,5 % des 1580 milliards de dépenses prévues en 2023, ou 2,7 % du PIB. La France resterait tout de même probablement l’État le plus dépensier d’Europe.

Cependant, il ne faut pas rater un point fondamental : les entreprises sont une fiction juridique, en réalité elles ne paient pas d’impôts, seules les personnes physiques en paient. L’impôt sur les sociétés est un impôt qui est en fait acquitté par les actionnaires en venant réduire leurs gains en capital ou les dividendes que l’entreprise pourrait leur verser.

La justice – en plus de l’efficacité économique – demande donc aussi sa disparation : pour mettre fin à la double taxation des actionnaires qui paient aussi l’impôt sur le revenu, et pour cesser de taxer les actionnaires étrangers qui ne sont pas représentés politiquement.

 

Un rapport de force aujourd’hui au profit des employeurs et des banques

D’autres viendront nous accuser de protéger les actionnaires – forcément riches – aux dépens des pauvres.

Rien n’est plus faux. Tout d’abord, les actionnaires sont très souvent les retraités actuels et futurs. Il est vrai, les Français qui sont condamnés à un système de retraite très largement par répartition ne vont pas en profiter beaucoup. Cependant, la littérature économique est relativement claire sur le sujet : si ce sont les actionnaires qui s’acquittent en pratique de l’impôt sur les sociétés, ce sont les salariés qui en supportent l’essentiel du coût. Certaines études montrent qu’au moins 70 % de l’impôt sur les sociétés est reporté sur les salariés sous la forme de plus bas salaires. C’est logique : les capitaux peuvent aller se réfugier relativement facilement dans une juridiction moins imposée alors que les travailleurs n’ont pas ce luxe. Moins d’investissement signifie des salariés moins productifs et des salaires plus bas. Moins de demande pour les travailleurs signifie un rapport de force au profit des employeurs.

Il existe un dernier argument pour mettre fin à cet impôt catastrophique.

Une entreprise a deux moyens de se financer : le crédit et les fonds propres. Dans le système actuel, les intérêts qu’une entreprise paie sur son crédit sont déductibles de l’IS. Par exemple, si une entreprise peut emprunter à 6 %, son taux d’intérêt effectif net d’IS (33 %) est de 4 % : 6 % x (1-33 %) comparé à un coût des capitaux propres de 8 %. Les entreprises sont donc incitées à s’endetter, l’économie a un plus fort levier, et lorsqu’une crise finit inévitablement par arriver, nos entreprises sont plus fragiles et l’effet de la crise est multiplié avec ses conséquences en termes de chômage, notamment. Les grandes gagnantes de ce système sont les banques qui peuvent vendre davantage de crédits plus cher.

Si Bruno Le Maire était réaliste et au service de l’économie plutôt que de la gloutonnerie sans fin de l’État, il s’attèlerait à la disparition de l’IS. Il est cependant politiquement plus rentable de faire croire aux Français, qui se laissent bien volontiers berner, que d’autres vont payer le train de vie de l’État que de leur faire voir la réalité économique en face.

Après tout, comme disait Colbert qui a prêté son nom au bâtiment où réside le ministre :

« L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris ».

Voir les commentaires (17)

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Créer un compte Tous les commentaires (17)
  • « En 2021, la France a perçu 71 milliards d’euros de recette d’IS, ce qui représente 4,5 % des 1580 milliards de dépenses prévues en 2023, ou 2,7 % du PIB »…
    Mais 24 % des recettes fiscales de l’Etat !
    Donc ne rêvez pas !
    « On croit que les rêves, c’est fait pour se réaliser. C’est ça, le problème des rêves : c’est que c’est fait pour être rêvé. » (Coluche)

    • Cher Abon Neabcent
      Je ne peux pas partager votre point de vue . Imaginez simplement de subordonner la suppression de l’IS à une hausse des salaires équivalente à 80 % de cette économie , l’Etat glouton ( le terme me va bien) récupérerait la totalité de ces 24 % au travers de l’impôt sur les revenus dont les tranches caressent aisément les 45% auxquels s’ajouteraient quelques menus compléments liés à la TVA sur les produits consommés.
      D’accord ?

      • Il me semble qu’on devrait d’ailleurs pouvoir mathématiquement démontrer que quand la sphère publique dépasse les 50% du PIB (nous sommes à 58%), toute suppression d’impôt qui ne nous ramène pas sous les 50% se traduit par une augmentation des recettes de l’Etat.

        • Tout a fait d’accord avec vous MichelO et si quelqu’un devait en douter il n’y aurait qu’à lui conseiller de s’interroger sur les raisons de l’attrait de la haute fonction publique et son bien être.
          Avez vous déjà vu un haut fonctionnaire sanctionné pour incompétence ? Avez vous entendu un haut fonctionnaire revendiquer une hausse de traitement ( salaire + primes)?
          Un exemple ? La gestion des autoroute par l’Etat était lourdement déficitaire . Depuis leur mise sous concession , les concessionnaires gèrent avec compétence et gagnent un argent dont l’Etat revendique sa part.
          Conclusion , la suppression de l’IS conduirait peut être l’Etat a se priver des services de biens des incapables.

        • J’ai la démonstration !!!
          Si l’assiette des prélèvements (en gros, le PIB privé) représente une proportion x du PIB, cela signifie que leur taux global est de 1-x. Si l’on réduit ce taux d’une petite quantité a, le produit des prélèvements est réduit au premier ordre de a(2x-1), donc il est en fait augmenté dès que x < 1/2.

      • Pourquoi ne pas alors doubler l’IS pour baisser l’IR des salariés dont la paye serait amoindrie du fait de la ponction supplémentaire sur les entreprises ?

        -2
  • Bonjour,
    Tous ces articles sur la fiscalité se suivent et se ressemblent depuis 40 ans ce sont des vœux pieux et tout le monde le sait les français sont biberonnés aux impots et taxes et rien ne changera dans ce pays a forte tendance communiste et à volonté egalitarriste par le bas.
    Cela devient lassant de lire ce genre d article parfaitement inutile.

  • En pratique, l’impôt sur les sociétés est payé par le consommateur final… il est payé avec de l’argent qui a déjà payé l’impôt. Le système français n’est qu’un vaste système de cavalerie dont le but est de dégager suffisamment de liquidités pour acheter les prochaines élections.

    13
    • Exactement. C’est le plus inutile et le plus coûteux de tous les impôts

    • Il me semblait avoir lu dans la DDHC de 1789 que l’impôt servait à financer les services publics que l’Etat devait rendre aux contribuables assujettis! Quelqu’un peut il préciser le service que l’Etat rend aux sociétés qu’il rackette?

      • Les recettes fiscales de l’Etat ne sont pas fléchées. L’IR, l’IS, la TVA… ne retournent pas nécessairement dans la poche de celui qui les a payés.
        Les personnes morales comme physiques bénéficient en retour de ces multiples contributions de la protection de la police, de la justice, d’un environnement parfois propice à leurs activités, de règles favorisant une concurrence loyale…
        Et figurez-vous que même parfois des entreprises, en situation de crise, demandent l’aide express de l’Etat !

        • « ne retournent pas nécessairement dans la poche de celui qui les a payés. »
          Ce n’est pas ce qui est en cause, c’est que ces sommes doivent financer des services « publics » donc non ciblés forcément vers les sociétés, mais comme vous le soulignez dans la suite de votre commentaire: protection de la police ( hum!!!!) de la justice (re hum!!!!) environnement parfois ( mais rarement) propice à leur activité, et enfin règles de concurrence « loyale » !!!!!!!!!!!!!! Vous cochez toutes les cases de ce que les sociétés pourraient attendre des services de l’Etat qu’elles financent, et dont on constate l’absence dès que la situation sociale, économique ou politique devient un peu tendue! Alors effectivement vous avez raison de vous étonner que ces mêmes sociétés soient assez folles pour demander l’aide de l’Etat en cas de crise!

      • @C2MR
        Bonjour,
        La DDHC indique que l’impôt sert à financer la Force Publiqe dont le but est de garantir les Droits définis en l’article 2.
        Maintenant la question est : avons-nous encore des Droits ? Vu ce que le gouvernent a encore envisagé quant aux terrains construits, il semble que la réponse soit : « Non. »

      • Le service qu’il leur rend, c’est d’éviter de s’installer en France ou d’y rester !!!

  • No comment.
    Lien interne de Contrepoints à l’attention du modérateur:
    https://www.contrepoints.org/2022/10/08/440163-7-facons-dameliorer-vos-debats-en-ligne

  • Croyez-vous vraiment qui si une société ne payait pas l’IS, elle payerait plus ses salariés ? Quelle naïveté ! Seul un fonctionnaire peut sortir une énormité pareille.
    Le vrai problème de l’impôt sur les sociétés est son montant laissé au libre cours de la décision des fonctionnaires des États. Le montant de cet impôt devrait être identique dans tous les pays. Et devrait servir uniquement à payer les infrastructures du pays. Cela fermerait tous les débats stériles sur ce sujet. Idem pour les autres impôts relatifs aux sociétés.
    Car les sociétés ont besoin d’infrastructures pour exister.

    • Dois je comprendre , JR, que vous assimilez les fonctionnaires a un élément des infrastructures de l’Etat?
      Quant à l’unicité « mondiale » du taux d’imposition ( IS et autres coquetteries) je crains qu’il ne faille mettre cette idée au rang des voeux pieux !
      Jugez en avec l’homogénéité du taux d’imposition des pays membres de ce que l’on appelle de façon grotesque l’Union Européenne.

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