Par Chloe Preece.
En 2015, le magazine Time avait annoncé que la technologie de la réalité virtuelle allait « changer le monde ». En effet, depuis que Facebook a payé 3 milliards de dollars pour racheter le fabricant de casques Oculus VR en 2014, il a été largement proclamé que la réalité virtuelle était la « prochaine grande innovation » dans le divertissement grand public. Le dirigeant Mark Zuckerberg cherche notamment à assurer l’avenir de son groupe, devenu Meta fin 2021, avec cette technologie qui permet notamment d’accéder au « métavers », ces mondes virtuels annoncés comme étant le futur d’Internet.
Malgré ces promesses ambitieuses et la disponibilité accrue des casques, la réalité virtuelle reste néanmoins loin d’être une technologie grand public. Alors que le chiffre d’affaires des ventes de jeux a dépassé 185 milliards de dollars en 2022 et devrait continuer à croître de 8 % par an jusqu’en 2027, les ventes de casques de RV ont reculé de 12 % en 2022.
Faut-il, dès lors, ajouter cette technologie à la liste des investissements ratés, à l’image de l’échec des Google Glass il y a plus de 10 ans ?
Pour l’instant, le métavers se résume à des appels Zoom maladroits, à quelques jeux amusants utilisant la réalité virtuelle et à des avatars numériques. En fait, le jeu vidéo en ligne Fortnite est peut-être ce qui s’en rapproche le plus, même si l’on prédit que les possibilités d’utilisation du métavers iront bien au-delà du jeu. Cela ne veut pas dire que ces technologies n’ont pas un potentiel énorme, mais au-delà de tout le battage médiatique, elles n’ont pas encore d’impact significatif sur nos vies. Comment cela se fait-il ?
Fatigue oculaire et maux de tête
L’immersion dans un monde virtuel reste donc largement réservée à certains adeptes précoces.
Notre étude (qui a utilisé les casques Quest 2 de Meta, leader du marché) met en évidence une série de « frictions » qui empêchent l’utilisateur de terminer ou de poursuivre son utilisation du casque.
Ces frictions, plus ou moins importantes, comprennent :
- les facteurs contextuels : par exemple, manque de temps car la réalité virtuelle est en concurrence avec d’autres engagements et d’autres formes de divertissement médiatique ;
- les problèmes logistiques : par exemple, espace de jeu insuffisant et problèmes de sécurité connexes ;
- les facteurs physiques, tels que l’inconfort, le mal des transports, la fatigue oculaire et les maux de tête ;
- la frustration sociale : la réalité virtuelle est perçue comme un facteur d’isolement et on la croit peu apte à favoriser les interactions avec d’autres personnes à distance ;
- le manque d’un contenu varié et suffisant.
Nous avons constaté que la réalité virtuelle exigeait un niveau élevé d’implication de la part de l’utilisateur : entrer dans l’expérience de la réalité virtuelle n’est pas sans effort. Plutôt que de regarder ou de se faire raconter une histoire, l’utilisateur se trouve à l’intérieur de l’histoire, il y participe et en fait l’expérience d’une manière plus intime. En trompant les sens des utilisateurs pour leur donner l’impression d’être présents dans le monde virtuel, la réalité virtuelle prélève un tribut cognitif.
La transition vers et hors de la réalité virtuelle est donc cruciale, ce qui souligne l’importance du soin accordé à l’expérience de l’entrée et de la sortie pour aider les utilisateurs à réussir la transition et atténuer bon nombre de ces frictions. Notre étude a montré qu’à l’heure actuelle, le casque n’était pas jugé suffisamment attrayant pour être utilisé régulièrement, et qu’il était plutôt relégué aux occasions spéciales.
Si l’introduction du Quest Pro en 2022 a permis d’améliorer les performances, les graphismes et l’ergonomie, les critiques ont rapidement remarqué qu’il était en fait plus lourd que le Quest 2 ou encore qu’il avait une durée de vie de batterie plus courte.
Des casques à 3500 dollars
En juin 2023, Apple est entré dans l’arène avec un nouveau casque, bien qu’au prix ahurissant de 3500 dollars.
La marque à la pomme va-t-elle ouvrir ainsi les portes du métavers ?
En effet, l’iPhone reste le plus grand succès de l’histoire des produits de consommation, l’AppStore est l’un des modèles économiques les plus rentables et les AirPods sont probablement le dispositif portable le plus populaire avec 90 millions d’exemplaires vendus au cours du trimestre des fêtes en 2021 (les utilisateurs les portent même lorsqu’ils ne les utilisent pas), offrant ainsi un portail vers au moins un métavers audio.
Apple réussira-t-il là où Meta a échoué jusqu’à présent ?
Bien qu’il soit trop tôt pour le dire, il est clair qu’en donnant la priorité à l’expérience de l’utilisateur, Apple pourrait surmonter les nombreuses frictions liées à l’entrée et à la sortie du virtuel. Les premiers retours d’expérience suggèrent que le suivi précis des yeux et le contrôle des gestes de la main fonctionnent de façon harmonieuse. Il est évident qu’Apple devra investir dans le contenu et baisser le prix, mais ce casque pourrait bien être celui que l’utilisateur voudra utiliser.
En outre, le géant californien évite dans sa communication toute mention au métavers pour contourner l’échec perçu de son principal concurrent dans ce domaine : les investisseurs ont en effet demandé à Meta de réduire ses dépenses dans le métavers, car cela avait réduit ses bénéfices. En résumé, la magie de la conception conviviale d’Apple présente un potentiel important à long terme. Cependant, il reste aux développeurs à trouver quels pourraient être les cas d’utilisations idéaux.
Chloe Preece, Associate Professor in Marketing, ESCP Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
question pour un investisseur, à titre personnel..ça m’est assez indifferent.. je dirais même que je ne le souhaite pas nécessairement dun point de vue civilisationnel..
surtout en ce qui concern le divertissement!! autant je vois des applications intéressantes..