Partage de la valeur et intéressement des salariés des entreprises

La nouvelle loi adoptée par les députés le 27 juin 2023 redéfinit le paysage de la participation des salariés aux bénéfices en France. Les PME de 11 à 49 salariés vont désormais devoir adopter un dispositif de partage de la valeur, potentiellement bénéficiant à 1,5 million de travailleurs français.

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Partage de la valeur et intéressement des salariés des entreprises

Publié le 6 juillet 2023
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Le 27 juin 2023 les députés ont voté l’obligation pour les entreprises de 11 à 49 salariés de mettre en place un dispositif de « partage de la valeur ». Jusqu’à présent, les entreprises de moins de 50 salariés n’étaient pas concernées par la participation des salariés aux bénéfices des entreprises.

Avec ce projet de loi il s’agit d’étendre l’idée de l’association capital-travail, chère au Général de Gaulle, aux petites et moyennes entreprises qui emploient de nombreux salariés.

En effet, selon l’INSEE, en 2018, la France compte 148 000 PME (hors micro-entreprises) qui emploient 3,9 millions de salariés en équivalents temps plein et réalisent 23 % de la valeur ajoutée. C’est dire l’enjeu de ce projet de loi qui pourrait concerner directement 1,5 million de salariés selon le ministre du Travail Olivier Dussopt, et qui aujourd’hui ne disposent pas d’outils de participation et d’intéressement, ou à verser des primes de partage de la valeur, anciennement appelées primes Macron.

À noter que le projet de loi est issu d’un accord national entre le patronat et les syndicats (sauf CGT) entériné en février après quatre mois de négociations.

Précision importante : le texte prévoit que l’obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur n’incombera qu’aux sociétés rentables générant un bénéfice net au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives.

La mesure sera expérimentée pendant cinq ans, à partir du 1er janvier 2024.

Par ailleurs, pour les entreprises de plus de 50 salariés, les députés ont approuvé dans la foulée une nouvelle obligation : elles devront négocier une redistribution si elles réalisent des bénéfices exceptionnels. À noter que la définition des bénéfices exceptionnels ne sera pas laissée au seul employeur, comme prévu initialement, mais devra résulter du dialogue social.

On souhaite bonne chance aux négociateurs pour trouver un terrain d’entente.

 

La participation des salariés en France

La participation des salariés aux bénéfices des entreprises – une idée chère au Général de Gaulle – a été instaurée en 1967 par ordonnances sous le gouvernement Pompidou, malgré les résistances à l’époque du patronat qui y voyait une atteinte au droit des actionnaires, et des syndicats ouvriers qui s’inquiétaient de cette collaboration de classes en devenir.

La réforme visait initialement les entreprises de plus de 100 salariés et prévoyait le blocage des sommes distribuées dans une réserve spéciale durant cinq ans. Cette règle a été étendue en 1990 aux entreprises de plus de 50 salariés. En 2015, la loi Macron a renforcé les avantages fiscaux dont la participation est assortie. En 2019, la loi Pacte en a assoupli certains dispositifs.

Dans son exposé des motifs, le projet de loi1 note que :

« Par rapport à ses voisins européens, la France se caractérise par un recours élevé aux dispositifs de partage de la valeur. En effet, d’après les données issues de l’enquête sur les entreprises en Europe de 2019, la France se situe au second rang par rapport à ses voisins européens, après la Slovénie, quant au développement des dispositifs de partage de la valeur. En 2020, le complément de rémunération dégagé par l’ensemble des dispositifs s’est établi en moyenne à 2440 euros par salarié bénéficiaire dans les entreprises de 10 salariés et plus, pour un montant total versé s’élevant à 18,6 milliards d’euros. »

Ce rappel est d’autant bienvenu que certaines organisations, par exemple, l’ONG Oxfam dénonce dans une étude publiée le 26 juin 2023 un partage de la valeur de plus en plus inéquitable entre employés et actionnaires dans les grandes entreprises françaises. Ainsi selon cette ONG, « les dividendes ont explosé de 57 % entre 2011 et 2021 alors que la dépense par salarié connaît une hausse plus modeste de 22 %. »

Outre qu’on ne peut comparer les dividendes des actionnaires aux rémunérations des salariés, ce rapport, comme d’autres, ne fait pas état de la situation spécifique de la France en matière de participation et d’intéressement des salariés.

À noter qu’avec l’actionnariat salarié, les employés des grandes entreprises sont directement associés aux versements de dividendes.

 

Un projet de loi novateur qui vise les PME

Le projet de loi qui a été adopté par les députés s’adresse aux PME de 11 à 49 salariés.

Comme ces entreprises ne sont généralement pas cotées en bourse, leur capital n’est pas négociable et il est impossible d’intéresser leurs employés via l’actionnariat salarié (attribution d’actions dans le cadre d’un PEE, distribution d’actions gratuites, etc.) comme dans les grandes entreprises. Aussi, le partage de la valeur pour les PME éligibles se fera via des primes en numéraire et va dépendre du montant du salaire et des bénéfices de l’entreprise.

Par exemple, selon les simulations réalisées par le ministère du Travail, un salarié qui perçoit 1750 euros net par mois dans une PME de 30 personne ayant dégagé un bénéfice net de 2,28 % du chiffre d’affaires sur les trois dernières années pourra percevoir 1386 euros de participation. Comme on peut le constater, il s’agit d’un montant significatif.

Vu la complexité des calculs, le ministère du Travail mettra des simulateurs à la disposition des entreprises.

 

Que penser de ce nouveau dispositif ?

Pour le gouvernement, comme pour beaucoup d’économistes, « le partage de la valeur est un facteur essentiel de compétitivité des entreprises, de valorisation du travail, de justice sociale et de cohésion nationale. »

Certes, en théorie le bénéfice de l’entreprise revient à l’actionnaire, et la rémunération des employés passe essentiellement par les salaires. Mais l’idée d’associer les salariés de l’entreprise à sa réussite via une participation aux bénéfices n’est pas contraire à la libre entreprise. Contrairement aux grandes entreprises cotées en bourse, les salariés des PME sont directement en lien avec la réussite de leur entreprise, et un tel dispositif ne peut que renforcer leur motivation et leur engagement.

Certains observateurs pourront regretter que ce dispositif soit aussi contraignant, mais il nous semble que les avantages l’emportent largement, surtout dans la situation que connaît notre pays. Associer directement les salariés, notamment ceux des PME, à la réussite de leur entreprise nous paraît une belle idée susceptible de faire reculer la doxa marxiste dans un pays trop imprégné par la lutte des classes.

  1. Projet de loi portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, 24 mai 2023.
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  • Une entreprise non cotée peut très bien distribuer des actions ou des stock options à ses salariés. C’est un peu plus compliqué de négocier ces actions, mais c’est tout à fait faisable si les actionnaires l’autorisent en assemblée générale.

  • Encore une idée dirigiste, qui va dans le mauvais sens. J’ai fait une petite estimation mais si les bénéfices de 2.25% partent intégralement dans la prime salariale, les bénéfices disparaissent, donc l’intérêt pour les actionnaires aussi.

    • Oui c’est une idée dirigiste, mais non votre estimation est fausse.
      Quand il y a une augmentation de charges généralisée (et donc indépendante des mécanismes de concurrence), alors cette augmentation est rapidement répercutée intégralement dans les marges et donc les prix de vente. Seules les entreprises soumises à une concurrence étrangère seront affectées dans leur compétitivité.

      • Encore faut-il pouvoir répercuter les prix. Cela dépend du marché et du rapport de force des acteurs.

        • Le marché étant spontanément équilibré selon les mécanismes de la concurrence, rajoutez une charge identique en proportion pour tous les acteurs de ce marché, et vous retrouverez forcément à terme le même équilibre qu’avant, mais avec la nouvelle charge intégrée aux prix de vente.

          -1
          • Sauf que, dans le monde réel, les acteurs d’un marché n’étant pas tous soumis aux mêmes charges et contraintes s’ils sont domiciliés dans des pays différents, la concurrence avantagera ceux aux charges et contraintes moindres et ce ne sera donc pas les entreprises françaises.
            De plus, le pouvoir d’achat des français étant en berne et sur la voie du déclin, ce n’est pas le slogan « acheter français » qui permettra de compenser.

        • Il est vraiment désolant de constater qu’une notion aussi simple à comprendre pour n’importe quel entrepreneur opérant comme en France dans un marché très réglementé tout en restant concurrentiel, se retrouve incomprise par des théoriciens influencés par les discours interventionnistes de l’état et les dogmes socialistes.

  • Voilà une mesure encore démagogique , alors que la rentabilité des entreprises françaises ne cesse de baisser depuis une vingtaine d’années, ce qui fait que notamment pour les PME et ETI il n’y aura rien à partager avant la faillite.
    Quant aux autres , s’il en reste , elles iront voir ailleurs, et faire leurs bénéfices à l’Etranger. Encore bravo.

  • L’ »association capital-travail », est un slogan politique de quelqu’un qui ne connaissait rien à l’entreprise ni à l’économie.
    Formule erronée que « partage de la valeur » car il s’agit de partage des bénéfices éventuels et donc d’une partie seulement de la valeur totale produite. Or le bénéfice c’est l’investissement dans le développement et/ou la rémunération des investisseurs. Le partage de la partie principale de la valeur totale, est réalisé par la rémunération des salariés qui sont libres de la négocier et qui la percoivent quelque soit le bénéfice. En cas de perte demandera-t-on aux salariés de renflouer l’entreprise ?
    Encore une usine à gaz qui chargera de plus paperasse les entreprises et les fonctionnaires.
    Encore une idée « en même temps » de gens qui se croient si intelligents qu’ils trouveront une solution de « synthèse » à des exigences contradictoires ce qui leur évitera de prendre des mesures claires et courageuses. On voit ce que cette mentalité produit dans l’évolution relative de la France.

  • Le bénéfice résiduel après les salaires chargés et les impôts de production et sur les bénéfices appartiennent aux actionnaires, ils sont de plus volatils et lors des années meilleures ils viennent compenser. La loi n’a pas à partager l’argent qui ne lui appartient pas au contraire elle doit protéger la propriété. M & Mme les députés vous me copierez cent fois la définition du mot propriété.

  • Un dispositif de « partage de la valeur »? Le corolaire devrait donc être un dispositif de « partage des pertes »…

    Il n’y aurait plus bcp de candidats. 🙂

  • Les commentaires sont fermés.

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