Pour SpaceX le lancement du Starship du 20 avril est un demi-succès

Elon Musk poursuit son objectif de coloniser Mars avec Starship, malgré des échecs, et affirme avoir appris des leçons importantes lors du dernier lancement.

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Pour SpaceX le lancement du Starship du 20 avril est un demi-succès

Publié le 28 avril 2023
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Les spectateurs retenaient leur souffle et quand, au décompte T+0, la fusée s’est élancée, on y a cru. L’espoir a duré 02:40 minutes, car juste avant la séparation du lanceur SuperHeavy du vaisseau spatial Starship qui devait intervenir à T+3 m, on a vu que quelque chose n’allait pas. L’ensemble a commencé à vaciller, puis, déstabilisé, il a perdu sa direction, de l’altitude et a explosé. On était à T+4 m.

Voir en fin d’article, une mise à jour du 22 avril.

C’est évidemment une déception, mais Elon Musk nous avait prévenu, il n’y avait que 50 % de chances que le lancement réussisse. Par ailleurs, SpaceX avait également déclaré que le but était de recueillir autant de données que possible avec ce premier lancement d’un Starship pleinement intégré (vaisseau ET lanceur).

Il est vrai que le lanceur SuperHeavy n’avait jamais volé. Une seule mise à feu statique avait été accomplie avec succès (31 moteurs sur 33) le 11 février de cette année. On peut dire que non seulement la seconde mise à feu (celle de ce jour) a été satisfaisante pour l’allumage, mais qu’elle a bien réussi à conduire le vaisseau presque à l’altitude de la séparation (34 km d’altitude, 1950 km/h). À ce moment-là, 28 moteurs Raptors sur 33 fonctionnaient, ce qui n’est pas mal du tout. D’autant qu’on peut constater que les cinq qui n’ont pas fonctionné n’ont ni explosé ni empêché les autres de fonctionner (deux seulement étaient contigus).

C’est donc quand même un succès, d’autant que ce test correspond à la manière de progresser d’Elon Musk : ne pas attendre que tout soit théoriquement parfait, mais tenter tout ce qu’il est possible de faire dès qu’il est possible de le faire afin d’apprendre de son échec et corriger les défauts ou les faiblesses si l’on constate que l’on s’est engagé dans une mauvaise voie. C’est exactement ce qui s’est passé avec le vaisseau Starship seul puisque ce n’est qu’avec le SN 15 (Serial Number 15) que le vol a été concluant (il n’a pas explosé en revenant se poser au sol).

Il ne faut donc pas désespérer du vol S24/B7 (S pour le vaisseau, B pour le lanceur, booster). D’autant qu’une autre grosse étape a été franchie avec succès, l’autorisation de voler donnée par la FAA (Federal Aviation Administration). Les complications administratives générées par cette administration ont été en effet à l’origine de plusieurs mois d’attente et de 75 mesures préventives à satisfaire avant la mise à feu. Elles sont un catalogue de contraintes écologiques plus ou moins justifiées (sauf si l’on se place au niveau d’un écologisme ambiant absolument délirant). On peut en déduire que puisque le vol S24/B27 s’est terminé sans dommage pour l’environnement, la FAA ne va pas durcir sa position et que le prochain test orbital aura lieu plus rapidement. On a pu en effet constater par le passé qu’Elon Musk a réagi très vite. Je ne serais pas étonné que dès ce soir, réunis à Starbase (Boca Chica, Texas) on analyse les données et on commence à en discuter. Elon Musk dort très peu et ceux qui travaillent avec lui n’ont pas beaucoup le choix de faire autrement ; d’ailleurs ils s’intéressent à ce qu’ils font et ils sont bien payés pour cela.

On peut douter qu’un jour les vols de Starship deviennent une routine, mais on aurait tort. Souvenez-vous des premiers vols d’aéroplane, des premiers kilomètres des trains et des balbutiements de l’automobile. Rien n’était certain et on considérait les pratiquants comme de dangereux aventuriers. Certes, l’explosion d’une fusée est plus spectaculaire que l’éclatement au sol de la carcasse d’un avion ou le déraillement d’un train de la Belle époque. Cela s’explique aisément par l’énergie déchainée pour faire voler une fusée, qui plus est une fusée de la masse d’un Starship (4500 tonnes avec une poussée qui doit être de quelques 5500 tonnes et 1200 tonnes d’ergols). Il faut penser qu’avec beaucoup d’essais, d’échecs, et donc de progrès, l’époque des pionniers paraîtra bientôt comme une époque fantastique, dangereuse, mais révolue, un peu comme le vol de Gagarine quand on le considère aujourd’hui.

Sur le fond, j’ai réentendu de la bouche de la présentatrice de SpaceX que le but du Starship était plus que jamais de faire de l’humanité une espèce multiplanétaire. Quoi qu’on puisse dire par ailleurs, c’est cela l’objet du Starship. Elon Musk veut aller sur Mars pour y établir une présence humaine durable, une « colonie ». Les autres vols seront faits pour rendre accessible le coût du voyage vers Mars. C’est pour cela qu’il y aura Starlink (hélas ! pour la pollution que cela va occasionner) et les vols sur la Lune dans le cadre du programme Artemis. Seul un vaisseau offrant un volume viabilisable et utilisable capable de transporter des dizaines de passagers ou 100 tonnes d’équipements sur Mars, permettra la réalisation de ce rêve et aussi de revenir sur Terre si l’on en a envie. Et pour sûr, la plupart des passagers voudront revenir sur Terre, surtout au début de l’aventure.

Nous venons de faire un premier pas. On to Mars !

PS : mise à jour du 22 avril

On dit de plus en plus que le non-fonctionnement de quelques moteurs s’explique par la destruction de la table de lancement lors de l’impulsion de départ. Des blocs de béton et de métal auraient été projetés dans toutes les directions et certains auraient heurté des moteurs, les rendant inutilisables. Ensuite, le lanceur SuperHeavy a manqué de puissance pour monter jusqu’à l’altitude prévue pour la séparation d’avec le Starship-vaisseau.

Elon Musk ajoute qu’une plaque en acier très épaisse était prévue pour recevoir la flamme au fond de la table de lancement, mais que cette plaque n’avait pu être livrée à temps. Il a quand même voulu faire le test le 20 avril car il y avait d’autres observations à faire sur le comportement de la fusée. Lors du prochain lancement, dans deux ou trois mois, il y aura bien cette plaque de métal (et peut-être quelques ajustements de l’architecture de la plateforme de lancement).

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  • Je suis très heureux de vivre une époque où le dynamisme extraordinaire d’ une seule personne me fait oublier la morosité ambiante. au même titre que l’ exploration océanique, moins spectaculaire et médiatisé, la recherche biologique et médicale qui n’ est qu’ un autre infini à explorer, nous sommes loin d’ avoir terminé le processus des progrès humains, n’ en déplaise à tous les grincheux.

    • Je crains d’être devenu un grincheux. Ces prétendues explorations n’ont plus rien à voir avec celles du siècle dernier. On a remplacé le « découvrir pour améliorer la vie de chacun » par le « connaître pour protéger de toute intervention humaine ». Pour les océans ou la biologie, c’est sans ambiguïté. Pour l’espace, je ne sais pas, mais il y a des signes qui ne sont guère encourageants, en particulier du côté de la médiatisation « spectacle ». En tant qu’ingénieur, je suis troublé qu’on se dépêche de conduire une expérience en sachant qu’un élément essentiel n’est pas prêt, mais juste pour « apprendre de l’échec prévu ». Les seuls échecs instructifs à mon époque étaient ceux qu’on n’avait pas prévus.

      • Vous écrivez : « Ces prétendues explorations n’ont plus rien à voir avec celles du siècle dernier. On a remplacé le « découvrir pour améliorer la vie de chacun » par le « connaître pour protéger de toute intervention humaine ».
        Je ne crois pas que les « Grandes explorations » aient eu pour but de découvrir pour améliorer la vie de chacun. Elles étaient extrêmement nationalistes et individualistes.
        .
        Vouloir aujourd’hui protéger la « pureté » de l’espace n’aurait aucun sens compte tenu de ses dimensions.
        Par contre, oui, il vaut la peine de mettre au point de puissantes fusées ayant de grandes capacités d’emport pour transporter des équipements et des hommes à des distances où il est possible d’aller aujourd’hui.
        .
        Pour le « trial and error », il fallait bien voir comment se comporterait dans l’espace l’ensemble intégré du Starship (les simulations ont des limites) et il aurait peut-être fonctionné si le décollage n’avait pas été aussi calamiteux et dommageable pour les moteurs de la fusée et l’environnement immédiat. Elon Musk n’aurait jamais dû ordonner ce décollage avec une base de lancement aussi peu adaptée. L’erreur est là et, oui, elle est grave et regrettable.

  • S01 Ep 27 | Archive INA : La fusée Shadok n’a qu’une chance sur un million de marcher alors ils se dépêchent de rater les 999 999 premiers essais.

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