L’impuissance de l’ONU face aux rapports de force mondiaux

La présidence russe au Conseil de sécurité de l’ONU remet en cause l’autorité de l’organisation.

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L’impuissance de l’ONU face aux rapports de force mondiaux

Publié le 10 avril 2023
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Visée en moins d’un an par deux résolutions aux Nations-Unies, La Russie s’apprête pourtant à présider le conseil de sécurité de l’ONU pour un mois. Une situation délicate qui relance le débat sur le mode de gouvernance de l’instance onusienne. L’instance internationale aura-t-elle les moyens de s’opposer à la Russie ?

Les pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU se relayent tous les 15 mois à la tête de l’organe international pour le maintien de la paix. La rotation de la Russie à la présidence était donc attendue et inévitable, et tout à fait légale du point de vue du droit international. Mais certains acteurs internationaux, l’Ukraine en tête, dénoncent une incohérence. Car outre les deux résolutions votées contre le Kremlin en un an, le chef d’État russe, Vladimir Poutine, est aussi poursuivi pour crimes de guerre par la Cour Pénale Internationale (CPI).

Peut-on parler de neutralisation de l’ONU ? D’un point de vue technique, pas vraiment. Les prérogatives que confère la présidence du Conseil de sécurité sont limitées dans le temps et dans la pratique : gestion de l’agenda, etc. De ce fait, l’incidence sur le conflit en Ukraine sera nulle même si Moscou peut espérer certains fruits diplomatiques : la présidence peut être une occasion pour le Kremlin de redorer son blason.

Il n’en demeure pas moins que cet épisode relève symboliquement du déficit chronique d’autorité et d’influence de l’organisation sur la scène diplomatique mondiale. Hier comme aujourd’hui, l’ONU n’est pas en mesure de faire exécuter, en autonomie, ses résolutions et ses opérations de maintien de la paix (OMP).

 

Entre impuissance et contradictions

Le multilatéralisme prôné par l’ONU n’a jamais été capable de se substituer aux rapports de forces mondiaux. Durant la guerre froide, c’est la dynamique des blocs qui arbitre les conflits. Cas emblématique : la crise de Suez en 1956. Ce sont les États-Unis et dans une moindre mesure l’URSS qui font plier Paris et Londres, et non pas le déploiement des casques bleus.

En 1991, le morcellement de l’URSS permet aux États-Unis de régir de facto l’ordre international. Les grands conflits de la décennie 1990, comme la guerre du golfe ou les guerres d’ex-Yougoslavie, sont résolus par l’action de Washington. Face à cela, divisée sur le plan géopolitique l’Europe joue un rôle secondaire ; et l’ONU n’est qu’un outil dans le cadre du maintien de la paix.

En 2003 la deuxième guerre du golfe est menée par Washington et Londres sans mandat de l’ONU. Cet évènement démontre que l’institution est démunie quand elle ne bénéficie pas du soutien de sa garante historique et seule superpuissance militaire du monde. La déclaration en 2004 du secrétaire général de l’organisation internationale, Koffi Annan, qui rappelle que cette guerre est illégale selon l’ONU, n’y change rien.

En 2011, l’intervention en Lybie, mandatée par l’ONU, n’est pas le résultat d’un consensus réel mais d’une prééminence encore forte des pays occidentaux en son sein. De facto, l’opération Unified Protector rencontre l’opposition de principe, non dénuée de démagogie, de la Chine, de l’Inde, de la Russie et de l’Union africaine. Sans qu’ils aient les moyens de s’y opposer réellement.

 

Moyens limités

Les moyens d’actions, au sens coercitif, de l’ONU sont limités. Non seulement parce que ses ressources sont faibles mais aussi parce que les dons sont subordonnés aux capacités, voire au consentement des pays donateurs. Parmi ces derniers, les pays membres permanents du Conseil de sécurité totalisaient en 2021 plus de 50 % des financements, dont 27 % par les États-Unis. Or ces principaux donateurs rassemblent aussi l’essentiel des capacités militaires de la planète, États-Unis largement en tête.

Les opérations de maintien de la paix dans cette optique n’ont in fine qu’un rôle d’outil, qui plus est subordonné à des consensus diplomatiques fluctuants. De plus, la capacité d’action de ces opérations de maintien de la paix est souvent largement subordonnée à la présence d’armées en support. Ainsi, au Mali, la capacité à agir déjà limité de la Minusma était en grande partie due à la présence de l’armée française.

 

Fin du multilatéralisme ?

Si l’influence de l’ONU sur la préservation de la paix mondiale est faible, l’organisation garde une légitimité diplomatique. Mieux, elle en génère. De facto, elle a été et reste une plateforme, un forum important pour les pays pauvres et émergents, ce qui force des États belligérants comme la Russie à y rester actifs. Sans compter les avantages politiques que procure une place permanente au Conseil de sécurité.

Cette donne n’exclut pas une probable multipolarisation de l’ordre international dans un futur proche, à condition que le rattrapage technologique et militaire sur l’Occident se poursuive. Dans ce cas, un nombre croissant de pays seront en capacité d’agir par-devers le feu vert de l’ONU. C’est le cas de la Russie, de la Chine et de tous les pays qui, bien que conscients des avantages diplomatiques procurés par l’ONU, en refusent la doctrine multilatérale fondatrice. Ils n’hésitent pas à jouer des contradictions de son inspirateur historique, les États-Unis, pour irriguer leur discours.

La polémique actuelle autour de la présidence russe du Conseil de sécurité est un épiphénomène de cette situation. Et Moscou en joue. On peut l’interpréter comme le signal faible de la mutation des Nations-Unies. L’ADN originel de l’ONU est conçu pour en faire la garante de la paix mondiale et une source de droit international dans le cadre un ordre multilatéral. Une doctrine d’inspiration occidentale et surtout américaine. La survenue progressive d’un monde multipolaire et l’affaiblissement de l’hégémonie occidentale rebat les cartes. De garante du maintien de la paix mondiale, l’ONU se transforme en une simple instance diplomatique de prestige et d’influence qui se contente de faire écho aux rapports de forces internationaux.

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  • Donc l’ONU ne sert à rien et n’a jamais servi à rien.
    Si un membre du conseil de sécurité permanent peut envahir un autre pays à sa guise et poser son véto à toute intervention de ses pairs (et les menacer d’utiliser le dispositif nucléaire), alors le but de préserver la paix dans le monde est juste du flan. L’organisation, comme toute organisation politique, ne sert qu’à capter de l’argent (pour un service qu’elle ne rend pas, evidemment !).

  • L’ONU a fait la preuve de son incapacité à empêcher les conflits.
    Par ailleurs, les USA ne seraient-ils pas également disqualifiés pour assurer la présidence du Conseil de l’ONU, tant la liste de ses interventions armées, sanglantes et hors mandat est longue ?

    • Exact, d’ailleurs le siège devrait déménager et aller dans un pays strictement neutre, l’Andorre ou la Suisse par exemple, bon je sais fiscalement c’est pas le top mais pas possible de trouver autre chose, des idées ?? (il y a de quoi dire même en rigolant….)
      -îles Vanuatu…..bientôt coulées !
      -Islande…..fait trop froid !
      -Papouasie…..ça craint à l’heure du repas !
      Ah oui j’ai trouvé…..Groland !!

  • Il faudrait revoir complètement la composition des membres permanents du Conseil de Sécurité
    Il est en effet inadmissible que l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, le Pakistan, l’Iran, n’y figurent pas
    On comprend la montée des BRICS

    • Bof. L’ONU a fait la preuve de son incapacité à atteindre ses objectifs, il faudrait changer de méthode plutôt qu’essayer de corriger un machin qui ne marche pas.

  • « En 2011, l’intervention en Lybie »

    C’est où ?

    -1
    • Il me semble qu’on vous a déjà expliqué que c’était du côté de la dislexye et qu’il y avait un lien « Vous souhaitez nous signaler une erreur ? Contactez la rédaction » en bas de chaque article.

  • Plus de 60 ans après, De Gaulle a toujours raison : « le machin ».

  • L’onu est là pour permettre un dialogue entre les États, ce qui peux éviter des conflits. Elle n’a jamais été toute puissante. Et la presence de tous les acteurs, y compris la Russie, lui donne de la légitimité, quoi qu’on en dise.
    Dire qu’elle ne sert à rien parce qu’elle n’a pas réussi à arrêter le conflit en ukraine c’est lui donner des capacités qu’elle n’a pas et qu’elle ne peux pas avoir.
    La seule manière d’empêcher les conflits définitivement ce serait d’avoir effectivement un gouvernement mondial capable facilement d’écraser tous les autres. Est ce souhaitable ? Très certainement non. Puisque ce gouvernement mondial pourrait lui même faire des lois abusives, écraser des populations… Bref l’onu est la moins pire des solutions

    • Oui l’ONU a intégré depuis longtemps son impuissance à assurer réellement la paix des nations.
      C’est pourquoi elle se consacre depuis les années 80 à l’imposture climatique, ayant bien vu en elle l’opportunité de justifier son existence et de jouer un rôle important dans le concert des nations. Elle a d’ailleurs presque obtenu la gouvernance mondiale…

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