Une hausse des salaires signifierait une augmentation des coûts de production que les entreprises répercuteraient sur les prix. D’où l’exigence, en termes de politique économique, de limiter la croissance des salaires lorsqu’elle dépasse la croissance de la productivité du travail.
D’un point de vue théorique, on peut toutefois se demander si les entreprises sont réellement en mesure de répercuter la hausse des coûts salariaux sur les prix dans des conditions de concurrence ou si la baisse des taux de profit n’est pas plutôt la conséquence de la hausse des salaires.
En outre, on peut se demander si les entreprises ne réagissent pas à la hausse des salaires en remplaçant la main-d’œuvre par des machines, réduisant ainsi la masse salariale qu’elles doivent payer. Les investissements de rationalisation pourraient entraîner une hausse du chômage, affaiblir le pouvoir de négociation des syndicats et limiter ainsi la hausse des salaires. La question est donc de savoir si une spirale prix-salaires se met en place.
En tout état de cause, seules des augmentations de salaires supérieures à la croissance de la productivité pourraient entraîner une hausse des taux d’inflation. Le fait qu’elles entraînent plutôt une baisse des taux de profit ou une hausse de l’inflation devrait dépendre des conditions de concurrence. En outre, la question de la causalité se pose également ici : des augmentations salariales nominales élevées pourraient être une conséquence plutôt qu’une cause de taux d’inflation élevés.
Par ailleurs, l’augmentation des coûts pour les entreprises ne résulte pas uniquement de la hausse des salaires mais également de l’augmentation des coûts des moyens de production. Ce point de vue est probablement le plus pertinent pour les hausses de prix actuelles, si l’on pense par exemple à l’augmentation des prix des énergies fossiles.
En 2022, les salaires nominaux ont augmenté de 3,7 % 1, mais l’indice des prix à la consommation a augmenté de 5,9 % 2. Les salariés ont donc subi en moyenne une baisse de salaire réel de 2,2 %.
En revanche, dans la phase actuelle d’inflation accélérée, les augmentations nominales de salaires ne pourront plus compenser la hausse des prix – les salariés vont perdre une grande partie de leur pouvoir d’achat.
Une autre explication de l’inflation met certes aussi l’accent sur les salaires en tant que moteur supposé de l’inflation. Elle ne part pas de la pression sur les coûts du côté de l’offre mais de l’attraction de la demande déclenchée par la hausse des salaires. La hausse des salaires entraînerait une augmentation de la demande qui pousserait les prix à la hausse. Ce faisant, on occulte le fait que la hausse des profits est également une source de demande. Si la part des salaires dans le produit de valeur augmente, la part des profits diminue – et inversement : si la part des profits augmente, la part des salaires diminue.
Les prix ne peuvent être poussés à la hausse que si le pouvoir d’achat combiné des salaires et des profits augmente – et si la production ne peut pas suivre cette augmentation du pouvoir d’achat. C’est ce dernier point qui semble être le plus important pour expliquer la récente vague d’inflation.
La situation internationale : cause de l’inflation
La théorie monétariste de l’inflation basée sur la théorie quantitative de l’argent, et la théorie des pressions salariales, ne peuvent pas expliquer la récente hausse des taux d’inflation. L’inflation ne peut être attribuée ni à une trop forte expansion de la masse monétaire ni à une trop forte augmentation des salaires. Il est plus plausible que les perturbations des chaînes d’approvisionnement internationales dues à la pandémie aient contribué à l’inflation et que la production fortement limitée en 2020 par la pandémie n’ait pas pu suivre la reprise de la demande en 2021.
La baisse des investissements dans ce secteur et la limitation des livraisons de gaz par la Russie à l’été 2021, suite au conflit autour du gazoduc Nord Stream 2, ont probablement également contribué à la hausse des prix des énergies fossiles.
Les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, en particulier, ont ensuite encore été poussés à la hausse par l’escalade de la guerre en Ukraine ainsi que par les sanctions de l’Occident contre la Russie.
Les théories inflationnistes du courant dominant de la science économique ne sont manifestement pas plausibles.
Le débat critique sur la nouvelle vague d’inflation n’en est en fait qu’à ses débuts. Il faudrait également discuter plus en détail de l’importance de la formation spéculative des prix sur les marchés à terme des marchandises. Le problème au fond n’est-il pas là ?
- Banque de France : Fin 2022, le salaire mensuel de base (SMB) (c’est-à-dire le salaire effectivement versé, hors primes et heures supplémentaires) et le salaire moyen par tête (SMPT, qui prend aussi en compte les primes, les heures supplémentaires et les effets de composition de la main-d’œuvre) ont tous les deux augmenté de 3,7 % sur un an alors qu’au dernier trimestre 2021, leur croissance sur un an était de 1,7 %. ↩
- INSEE : En décembre 2022, les prix à la consommation augmentent de 5,9 % sur un an Indice des prix à la consommation – résultats provisoires (IPC) – décembre 2022 ↩
Il est très déroutant de lire 2 articles du même auteur, publiés au même endroit, avec à peine plus d’un mois d’intervalle, et qui lancent sans aucune explication complémentaire des affirmations exactement opposées.
C’est cela qui est navrant en économie ! On peut dire ou écrire à peu près n’importe quoi, on trouve toujours des éléments pour l’étayer…
Effectivement, je trouve personnellement cet article, faible, mal construit, incohérent et bâti à partir de peu de réflexion, de peu d’arguments (en outre non sourcés, non validés, etc…).
En France, depuis Mitterrand, seuls le SMIC et les prestations sociales sont indexés sur l’inflation. C’est une loi. Or, comme la France devient un pays pauvre et se tiers mondise, plus de 30% des salaires sont au SMIC et il y a 4,5 millions de personnes au RSA soit 15% de la population active (hé oui, ils ont tout compris). Sans compter les 3 millions de fonctionnaires (10% de la population active) qui menacent de faire grève, et les autres prestations sociales (APL,…). Tout ce beau monde doit avoir ses revenus indexés sur l’inflation. Et qui dit à cette échelle augmentation des revenus, dit spirale inflationniste.
La France n’est pas prête à voir son inflation redescendre. Et lorsqu’elle redescendra, ce sera parce que ses coûts seront encore moins compétitifs qu’aujourd’hui et une énorme casse sociale s’ensuivra par la fermeture d’entreprises. Mais d’ici là, Bruno de Bercy et Macron seront loin et nous expliqueront qu’ils ont fait le maximum.
Enfin tout le monde aura droit à la paresse mais, compte tenu de la dette, il n’y aura plus de prêteur et plus d’argent pour raser gratis.
La planche à billets de toutes les banques centrales tournent jour et nuit
depuis près de 20 ans.
Je suppose qu’il n’y a aucun lien avec l’inflation.
Les impôts aussi créent de l’inflation en diminuant le pouvoir d’achat des Français.
Pour maintenir le pouvoir d’achat contre les impôts, les prélèvements sociaux, la TVA etc. il faut augmenter les salaires…
Ça coûte de plus en plus cher aux entreprises qui sont obligées d’augmenter leur prix. Et ainsi de suite…