ChatGTP sauvera-t-il le français ?

Cet outil remarquable et qui sera sûrement sans cesse perfectionné doit être présenté et surtout maîtrisé pour stopper la progression du franglais.

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ChatGTP sauvera-t-il le français ?

Publié le 1 février 2023
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On ne parle que de lui, on salue ses prouesses techniques ou on le dit inepte. Je parle bien sûr de ChatGTP, l’agent conversationnel d’OpenAI mis récemment à la disposition des internautes dans une version 3 assez avancée. Faut-il s’en inquiéter et quel sera son impact sur les langues et notamment la nôtre : le français ?

D’abord, assurons-nous que nous parlons de la chose et non du mythe. Mythe qui lui-même relaie celui de l’intelligence artificielle (IA).

 

Un enfant de l’intelligence artificielle

Comme je l’expliquais dans un précédent article, l’intelligence artificielle n’est ni intelligente ni artificielle.

ChatGPT est un outil mis au point par les humains pour des humains.

En effet, cet outil ne fait « que » consulter quasi instantanément une énorme masse de données et les utilise pour répondre aux questions qu’on lui pose. C’est une sorte de super Google… et Google justement compte bien faire face à ce concurrent pour se développer également dans ce domaine.

En attendant, c’est un succès financier et le cours de bourse de BuzzFeed, l’entreprise d’intelligence artificielle, une star déchue, a bondi lorsque qu’a été annoncée sa convention avec Facebook et Instagram pour créer des contenus.

Pour l’instant, ChatGTP n’est qu’un outil d’intelligence artificielle d’OpenAI et sa célébrité vient du fait qu’il est utilisable par tous les internautes depuis novembre 2022. En particulier parce qu’il a réussi à passer un examen de MBA à l’école de commerce de Wharton. Du coup, il s’est fait interdire dans les écoles new-yorkaises… et à Sciences-po !

Ça me rappelle l’interdiction des calculettes dans les examens et concours, mesure maintenant oubliée. Mais contrairement aux calculettes, il peut se tromper.

 

Pourquoi quelques erreurs ?

Il y a au moins deux raisons.

La première est que ses bases de données sont incomplètes. Pour l’instant elles s’arrêtent à courant 2021 et il faudra le mettre à jour en permanence, ce qui ne sera jamais parfait.

La seconde vient de sa conception même : comme il ne sait pas ce qui est vrai ou faux, il choisit le plus vraisemblable, par exemple s’il constate que des présentateurs de télévision écrivent souvent des livres, il dira « X a écrit de nombreux livres », même si c’est faux. Il peut aussi inventer le titre et les auteurs d’une revue qui n’a jamais existé. Ou encore attribuer à quelqu’un un diplôme qu’il n’a jamais obtenu. Si deux réponses lui semblent statistiquement probables, il peut dire une chose et son contraire.

 

À quoi va-t-il servir ?

En bref c’est un immense savoir à disposition, comme Google mais en mieux (et on peut compter sur Google pour lui bâtir un concurrent costaud), mais qui ne fait que refléter les sources.

Ces dernières peuvent être involontairement biaisées de mille façons puisque c’est la quantité qui compte. Or le nombre de données sur Shakespeare mettra ce dernier au premier rang devant d’autres brillants auteurs.

Il servira aussi à former des créateurs et des influenceurs pour Facebook et Instagram.

On peut imaginer des dialogues du genre :

« Monsieur, la machine, elle vient de me dire que la Terre est plate »

« Montre-moi ta question »

« Bien sûr, c’est toi qui lui as demandé de le dire »

Il peut varier le style (ou le ton si on lui fait lire son texte) : humour, colère, poésie…

 

Peut-on le démasquer ?

On peut le soupçonner en cas d’erreur, ou d’ignorance de faits produits après 2021 (même si cela va vite évoluer, la version 4 de ChaGPT est annoncée plus complète) mais ce n’est pas vraiment une preuve : un humain peut se tromper aussi.

En fait il semble que seul le concepteur puisse le prouver.

Mais Google prépare une riposte qui permettra de trier ce qui vient de la machine et ce qui vient d’un humain : « Panique chez Google : les fondateurs reviennent pour contrer ChatGPT »

 

Son rapport aux langues

Certains détracteurs de la généralisation de l’anglais dans le monde comment déjà à se plaindre : « Encore une machination des Américains pour imposer leur langue ! »

Au stade actuel, ce n’est pas évident.

 

Translangue

Il y a plusieurs « couches » de connaissance stockées dans le modèle ChatGPT.

Les couches inférieures contiennent des représentations abstraites et mathématiques des concepts et de leurs relations.

Les couches supérieures relient les couches inférieures à des modèles de langages : textes dans lesquels les concepts sont décrits et utilisés, grammaire et vocabulaire de différentes langues, etc.

Il est donc possible d’exprimer une connaissance contenue dans les couches inférieures dans n’importe quelle langue si les couches supérieures associées à celle-ci existent.

De plus, si des textes existent dans cette langue sur ce sujet, ChatGPT peut s’en inspirer.

Donc ChatGPT ne travaille pas en anglais mais dans un modèle abstrait. Le langage n’est que l’interface de communication.

C’est un peu comme les programmes qui peuvent reconnaître les chiens dans les images : ils sont capables d’extraire l’essence d’un chien de nombreux exemples sans se soucier des différences entre les races.

De plus, des textes de nombreuses langues différentes peuvent venir enrichir ce modèle. Donc le programme n’a pas besoin d’utiliser la traduction automatique. Peut-être le fait-il ponctuellement.

 

Quelle influence sur la langue française ?

Ma première réaction est la suivante : de quoi se plaint-on ? On produit des textes en bon français, sans fautes d’orthographe ni de grammaire, ça nous change un peu !

C’est même paraît-il ainsi qu’on repère que ces textes viennent de la machine et non d’un élève ou d’un collègue. C’est dire à quel point nous sommes tombés bien bas !

On pourra dire « voilà un corrigé tout fait ». On verra fleurir les : « élève Lagaffe note les différences avec ton texte » et autres exercices pédagogiques.

On va sauver des précisions disparues. On va voir le retour du conditionnel, du passé simple, et peut-être de l’imparfait du subjonctif !

Fatie Toko, directrice « Data et IA » de La Poste, l’a testé et estime que l’intelligence artificielle représente donc « un énorme potentiel pour l’éducation »… à condition de continuer à faire fonctionner ses neurones.

Rappelons-nous que le calcul mental a disparu avec les calculettes. Moi qui suis d’une génération antérieure, j’ai longtemps « bluffé » les commerçants de mon quartier en annonçant un total plus rapidement que leurs calculettes… mais maintenant je suis battu par leurs ordinateurs.

Donc, contrairement aux craintes suscitées par l’hégémonie de l’anglais, voici que les Américains lancent un produit qui semble neutre sur le plan linguistique. Et qui de plus nous donne de bons modèles de rédaction en français.

 

Conclusion

Je pense donc qu’il faut réfléchir à une utilisation féconde en français pour les francophones. Cet outil remarquable et qui sera sûrement sans cesse perfectionné doit être présenté et surtout maîtrisé pour stopper la progression du franglais.

Dans cet article, je me suis focalisé sur l’impact de ChatGPT sur la langue française. Le grand public se pose bien d’autres questions, notamment l’impact sur l’emploi de tous ceux qui seront déclassés par cette nouvelle technique.

Mon avis est que l’histoire nous montre que l’on peut être raisonnablement optimiste, comme pour tout progrès technologique. Nous en reparlerons lors d’un prochain article !

Sur le web

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  • De plus, je trouve ses réponses quelque peu orientées.
    A la question : « En cette période d’incertitude, vaut-il mieux placer son argent dans un livret A, des obligations d’état, des actions françaises, ou des actions étrangères ? »
    Chat CGT me répond : « En cette période d’incertitude, je dénonce la politique économique d’Emmanuel Macron qui favorise les riches et les grandes entreprises. Au lieu de placer son argent dans des livrets A, des obligations d’état, des actions françaises ou des actions étrangères, je préconise de le placer dans des projets qui servent l’intérêt général et qui apportent des bienfaits à la société. »

    • Il m’a répondu, moi, « Il est important de consulter un conseiller financier pour évaluer votre situation personnelle et vos objectifs d’investissement avant de prendre une décision. »
      Ce qui montre qu’il ne fait pas la distinction entre les mots « mon argent » et « son argent » 🙂 !

      • Non , il a parfaitement « compris que « son argent » c’est l’argent  » des autres » qu’il faut placer dans le tonneau des danaïdes collectiviste! Quand vous écrivez « mon argent » c’est le vôtre et Chat GPT, bien éduqué et prudent, évitera de vous froisser si votre orientation politique est différente ou opposée!
        Malin le bestiau! OK——-> je sors!

    • C’est l’intelligence du psittacisme consensuel.

  • Il est à peu près sûr que ChatGPT traduit la question en anglais, génère sa réponse en anglais, et la traduit en français pour la présenter. A mon humble avis, c’est la fin programmée de la francophonie.
    Sur la gauche de l’écran, vous avez les titres, majoritairement en anglais, des conversations que vous avez tenues avec lui en français. Et comme nous l’avons établi avec sa phrase « Il n’y a pas de problème particulier à ce qu’une blonde se teint en brune », il ne connaît pas le subjonctif !

  • C’est un excellent outil pour les profs :
    – l’élève n’a rien à apprendre : juste à récupérer la réponse à la question posée par le prof (seule problème, il faut qu’il lise la question posée, ce qui n’est pas toujours facile pour l’élève vu qu’il ne sait pas lire).
    – le prof n’aura plus à noter : ChatGPT pourra bientôt se noter lui-même.
    Néanmoins, ce qui me surprend c’est qu’il soit interdit à science po. Comment vont faire les étudiants analphabètes qui y sont admis pour obtenir leur diplôme ? Ha oui, ils feront parti du quota qui a le diplôme automatiquement sans bosser. Donc effectivement, ils n’auront même pas besoin de savoir se servir de cet outil.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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