L’externalisation des activités publiques : un processus inabouti

Concrètement, l’externalisation demeure un pis-aller, en l’absence de concurrence au sein de l’administration, entravée notamment par un rigide statut de la fonction publique.

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L’externalisation des activités publiques : un processus inabouti

Publié le 23 janvier 2023
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Par Romain Delisle.
Un article de l’IREF France

Au mois de mars dernier, un rapport d’une commission d’enquête diligentée par le Sénat avait jeté un pavé dans la mare. Il s’agissait d’examiner les prestations à caractère intellectuel fournies par les grands cabinets de conseil à l’État, pour une somme annuelle avoisinant le milliard d’euros. Par nature, elles sont subjectives et sujettes à caution. Toutefois, ce coup de projecteur plutôt négatif sur les activités externalisées de l’État a fait un peu vite oublier l’intérêt que pouvait présenter la sous-traitance pour les différentes branches de l’administration.

Ce mode de gestion public fait d’ailleurs fréquemment l’objet de l’ire dogmatique des forces politiques de gauche. En juin 2021, le groupe GDR (Gauche démocrate et républicaine, essentiellement composé des communistes) à l’Assemblée nationale avait même inscrit une proposition de résolution, par la suite rejetée, visant à évaluer et encadrer son utilisation.

 

Poids et avantages de l’externalisation

Externaliser c’est demander à un prestataire extérieur d’effectuer une tâche que les salariés ne peuvent réaliser en interne ou que le prestataire extérieur pourrait faire mieux et moins cher. Cette  tendance, originaire du secteur privé, a été adoptée par les entreprises au sortir de la crise du fordisme. Elle favorisait une organisation plus flexible, permettait de faire jouer à plein la concurrence, donc de réduire les coûts de production et de maximiser la performance.

L’intérêt de l’externalisation pour les pouvoirs publics est le même sur ces trois points :

  1. Faire appel à des compétences spécifiques qu’ils ne possèdent pas.
  2. Introduire de la concurrence là où il n’y en a pas.
  3. Réduire les coûts de production et améliorer la performance globale du service rendu aux citoyens.

 

Un inconvénient majeur doit être surmonté : le taux de marge du prestataire augmentera toujours le coût de la prestation. Aussi est-il nécessaire que ce dernier soit suffisamment performant pour couvrir son propre profit. Externaliser sur un marché peu concurrentiel, oligopolistique par exemple, fera donc perdre les deux derniers avantages soulignés plus haut. C’est donc bien la concurrence qui doit demeurer le fil rouge de l’externalisation.

Confier une commande publique et son exploitation à une société privée n’est pas un phénomène récent, notamment dans le domaine de la construction de grandes infrastructures comme les autoroutes.

Pour l’année 2020, par exemple, l’Observatoire économique de la commande publique recense 169 000 marchés publics pour une valeur de 111 milliards d’euros, partagée en trois parts égales entre l’État et les hôpitaux, les collectivités territoriales et les organismes publics de tous types (dont les entreprises publiques). La fourniture de biens concentre 37 % des marchés publics, suivie des prestations de services (typiquement, l’informatique ou la restauration collective) pour 34 % et des travaux publics pour 29 %.

Notons que deux modes juridiques principaux encadrent le processus d’externalisation : la délégation de service publics (DSP) et les partenariats publics privés (PPP), plus récents.

Schématiquement, une personne morale de droit public conclut un contrat avec une personne morale de droit privée délégataire (ou une autre personne morale de droit public) pour lui confier la gestion d’un service public et, élément important, lie sa rémunération à la performance du service rendu. Dans le cas des PPP, introduits en 2004, le délégataire peut se voir confier à la fois la construction d’une infrastructure et sa gestion : il versera un loyer au délégant mais ne prendra pas lui-même les risques commerciaux inhérents au projet.

 

Une pratique moins développée que dans d’autres pays européens et moins bien maîtrisée

Selon les calculs de François Ecalle, le taux d’externalisation de la France, qui se définit comme le rapport entre le total des dépenses de consommation intermédiaire et des investissements publics externalisés, divisé par la somme des dépenses de fonctionnement et des investissements publics globaux, est très bas, comparé à celui de ses voisins européens. Les Pays-Bas, notamment, arrivent à un taux de 50 %, suivis par la Pologne (49 %), la Suède (46 %) et l’Italie (45 %). En queue de peloton, notre pays ne récolte qu’un maigre 38 %.

L’État, particulièrement, externalise très peu (25 %), il est derrière les administrations de sécurité sociale (33 %) et surtout les collectivités (55 %).

Notre pays externalise donc moins et qui plus est le fait mal. Le Conseil d’analyse économique avait ainsi recommandé de renforcer la concurrence des appels d’offres, recommandation non-suivie d’effets puisque la réforme du droit de la commande publique, adopté l’année suivante, en a fait un moyen pour atteindre des objectifs sociaux, environnementaux ou visant à développer l’innovation, en dépit de la recherche d’efficience et de performance.

Concrètement, l’externalisation demeure un pis-aller, en l’absence de concurrence au sein de l’administration, entravée notamment par un rigide statut de la fonction publique. Elle requiert un certain nombre de conditions ainsi qu’un contexte poussé de transparence et de probité d’un pays qui souhaiterait la mettre en œuvre de manière intensive. Toutefois, ces conditions remplies, elle peut constituer un moyen d’instiller à bas bruit la concurrence au sein de l’État et permettre de diffuser de bonnes pratiques, qui seront utiles par la suite.

Pour y parvenir, il faudrait notamment recommander une meilleure évaluation du processus d’externalisation et une véritable, une large, mise en concurrence des prestataires. Il faudrait également éviter que cette sous-traitance soit le fruit d’une sorte d’endogamie entre les anciens agents de ministères qui ont pantouflé dans des cabinets de conseil et les nouveaux responsables ministériels.
Une autre forme d’externalisation serait bienvenue, tendant à laisser au secteur privé le soin de développer les services que le secteur public ne parvient plus à gérer correctement. Ainsi, le chèque éducation favoriserait la multiplication des écoles et universités privées pour le plus grand bénéfice de l’éducation dans notre pays. De la même façon, la concession de la construction, voire de la gestion des prisons permettrait de répondre à la demande insatisfaite de nouvelles places…

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  • L’inefficience et le gaspillage des services publics a montré que, dans la grande majorité des, cas le recours au privé, plus efficace, reste moins cher malgré sa marge… Le problème est que l’administration garde ses effectifs en recourant de surcroît au privé : forcément, ce doublon coûte cher !

  • L’État français n’étant pas un modèle de non corruption des pays de l’OCDE, il ne faut pas s’étonner de cette gabegie au pays du capitalisme de connivence. Et n’oublions pas que plus un pays tend vers la gauche, plus il devient corrompu car ses élites veulent éviter confiscation et paupérisation. L’assymptote étant atteinte lorsque le Nirvana soviétique est atteint (se sera bientôt notre cas) ; tels les pays comme Cuba, Vénézuela, URSS, Corée du nord, etc.

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