Il s’ennuyait ferme, notre François Bayrou national, dans son grand bureau de l’hôtel Beistegui. La vue imprenable sur la place des Invalides et la Tour Eiffel avait beau être l’une des plus belles du Paris gouvernemental, la proximité avec l’Assemblée nationale avait beau être sinon stratégique du moins fort appréciable, sa table de travail restait désespérément vide de tout dossier important malgré sa double fonction de Haut-commissaire au Plan depuis septembre 2020 et de président du Conseil national de la Refondation depuis trois mois.
Il est vrai que plusieurs « notes d’ouverture » censées éclairer les choix collectifs de la France face aux défis sociaux, technologiques et environnementaux du futur lui avaient permis de se rappeler à intervalle régulier au bon souvenir de l’exécutif et du législatif, mais dans l’ensemble, il s’était montré d’une si grande discrétion dans l’exécution de ses missions que plus personne ne savait au juste ce qu’il faisait et que les rares qui le savaient encore avaient toujours trouvé ses travaux plutôt minces. Même la « planification écologique » introduite par Emmanuel Macron dans l’entre-deux tours de la dernière élection présidentielle pour damer le pion à la Nupes avait fini par lui échapper au profit de la Première ministre.
Bref, il s’ennuyait ferme, notre Bayrou. Quand soudain, la remise en selle récente de la réforme des retraites dans des termes très simplifiés pour ne pas dire simplistes lui a fourni l’occasion de monter au créneau pour alerter la France entière sur l’extrême fragilité financière de notre système. Quitte à s’opposer bruyamment aux méthodes de son partenaire politique, celui-là même qui, en le nommant à ces postes plus ou moins fantomatiques, lui permet de grenouiller encore longtemps dans les hautes sphères du pouvoir.
Que se passe-t-il avec les retraites ?
Pour résumer le fil des événements sur le sujet, disons que la retraite universelle à points voulue par Emmanuel Macron lors de son premier mandat s’est heurtée à une multitude d’oppositions très différentes et très déterminées qui ont culminé dans les grèves et les manifestations de la fin de l’année 2019. Sur ce, pandémie de covid ; tout le monde passe à autre chose. Mais pendant ce temps, nos comptes publics se dégradent encore plus, rendant une réforme significative sur le plan de la baisse des dépenses publiques absolument incontournable.
Lors de la campagne électorale de 2022, Emmanuel Macron annonce donc que s’il est réélu, il proposera une réforme essentiellement centrée sur le recul de l’âge légal de départ en retraite de 62 à 65 ans. Une mesure qu’il édulcore considérablement dans l’entre-deux tours de l’élection, face aux propositions de retour à 60 ans portées autant par la Nupes que par le Rassemblement national. Il est alors question de s’en tenir à 63 ou 64 ans et de jouer aussi sur la durée de cotisation.
Sur ces entrefaites, le Conseil d’orientation des retraites (COR) indique dans son rapport annuel publié en septembre dernier que notre système a généré respectivement 900 millions et 3 milliards d’euros d’excédents en 2021 et 2022 mais qu’il renouerait avec les déficits dès 2023 et pour longtemps si rien n’est entrepris pour contrecarrer cette tendance.
De quoi faire plaisir à tout le monde. Les syndicats, ne voyant que le retour aux excédents, considèrent que la réforme voulue par le gouvernement est inutile car uniquement marquée au sceau de l’idéologique libérale et de l’austérité (sic) tandis que le gouvernement, ne voyant que les déficits, confirme que son plan est bien de remonter l’âge légal à 65 ans. La Première ministre Élisabeth Borne devrait en faire l’annonce officielle ce jeudi 15 décembre.
Ou du moins, de quoi faire plaisir à presque tout le monde car de son côté, François Bayrou n’achète ni les excédents annoncés par le COR ni la réforme gouvernementale, trop brutale, trop 49.3 et pas assez expliquée aux Français à son goût. Dans une note publiée le jeudi 8 décembre dernier, il s’est justement donné pour objectif de clarifier les chiffres, histoire de donner à chacun des éléments de réflexion précis sur la situation réelle des retraites.
À noter qu’il confirme parfaitement les conclusions auxquelles étaient arrivés l’iFRAP et l’Institut Molinari quelque temps auparavant, à savoir que le système global, loin de dégager un excédent de 3 milliards d’euros cette année, est en fait en déficit structurel de 30 milliards d’euros par an au minimum. Un déficit essentiellement concentré sur les régimes du secteur public et qui risque en outre de s’aggraver considérablement dans les années à venir du fait des évolutions démographiques prévisibles.
D’où vient l’écart avec le COR ?
D’une petite imprécision essentielle sur le triple rôle de l’État dans le financement des retraites :
En tant qu’employeur, il verse chaque année de l’ordre de 25 milliards de cotisations patronales. Rien de plus normal.
En tant qu’artisan de politiques publiques redistributives, il verse également aux caisses de retraite la compensation exacte des exonérations de cotisations qu’il autorise par ailleurs pour favoriser l’emploi, la compétitivité, etc., soit 90 milliards d’euros annuels de plus. Là encore, contribution justifiée (à partir du moment où l’on avalise les politiques précitées).
Et puis, mélangé à tout le reste comme si c’était parfaitement naturel, comme s’il s’agissait de cotisations retraite normales, il verse aussi de quoi équilibrer les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux tels ceux de la SNCF et de la RATP, soit encore 30 milliards d’euros par an. Et nous voilà à l’équilibre pour les retraites mais via la grande illusion des déficits et de la dette publique qui pèsent sur les contribuables d’aujourd’hui et de demain.
On peut rendre grâce à François Bayrou d’avoir effectué ce travail de remise à plat. N’étant pas spécialement étiqueté libéral comme l’iFRAP ou l’institut Molinari, peut-être parviendra-t-il à obtenir une certaine écoute chez les commentateurs économiques et dans l’opinion publique.
Le problème, comme souvent, c’est qu’à la justesse du constat, au discours de vérité sur la dramatique réalité de la situation, succèdent des propositions de remède soit inexistantes soit nettement insuffisantes. François Bayrou se retranche derrière l’idée de dire que les Français doivent disposer de toutes les données pour aborder le débat sur les retraites mais jamais il n’évoque le fait que le système par répartition dans lequel nous nous enfermons par fausse appréciation de ce que signifie vraiment justice sociale porte en lui-même tous les germes des déficits et des injustices qu’il en est venu à occasionner.
Comme la plupart des politiciens, comme la Cour des comptes, comme Emmanuel Macron, comme le gouvernement et comme les oppositions, il ne songe qu’à sauver notre modèle social, lequel est sous perfusion aux frais des contribuables depuis plusieurs décennies. Voilà typiquement un domaine où quelques vigoureuses mesures de fin de vie seraient pourtant les bienvenues…
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Payé certainement plus de 200 000 euros par an avec appartement de fonction (100m2 dans le 7ème arrondissement de préférence), voiture de fonction, repas dans les beaux hôtels parisiens (ah les desserts de Cédric Grolet !), et allers-retours Paris-Pau pris en charge (avec accès au salon Air France). Ça vaut bien une fois par an une petite note rédigée par des petites mains. La belle vie ! Et mon François, n’hésite pas à t’insurger de temps en temps contre le train de vie de ces saletés de patrons ou autres financiers !
Oui, mais il planifie à longueur de journée. C’est un job très très dur physiquement et moralement. On voit que vous n’êtes pas à sa place, sinon vous auriez déjà démissionné. 😂😂😂😂
Notre Fanfan national a enfin trouvé sa voie : la comptabilité.
Pepere à justifie sa fonction et pour 30 milliards y a pas besoin de reformer les retraites, on n’est pas à quelques smilliards près de déficit et de dettes… Retour de service, macron va être content.
Enfin, voilà un rapport juste de la bonne épaisseur pour caler cette table branlante!
En choisissant judicieusement l’auteur, on parvient ainsi à discréditer même les vérités utiles.
En effet, ce rapport devrait être vigoureusement brandi et défendu partout. Mais Macron a su acheter les voix qui portent et a effectivement choisi le bon cheval. Désespérant…
Macron ne cherche pas à sauver notre modèle social. Il fait comme ses prédécesseurs ; il cherche à sauver le modèle social des fonctionnaires au détriment du privé. Récupérer la cagnotte AGIRC ARRCO servira à payer la retraite des fonctionnaires.
Principe socialo : piquer le fric chez les fourmis (il n’en reste bientôt plus) pour le distribuer aux cigales.
Mais que se passera-t-il quand les fourmis seront à sec ? Ca me rappelle quand Staline a piqué tout le blé aux ukrainiens pour alimenter Moscou : famine et mort s’en est suivi en Ukraine.
Décidément, nos politiciens sont tous en admiration devant le “petit père des peuples”.
L’exemple le plus récent est celui de la Grèce, dont nous nous rapprochons tous les jours un peu plus. Le FMI n’a t il pas fait savoir récemment que cela pourrait aboutir à la mise sous tutelle des finances françaises ?
Macron s’en fout totalement des fonctionnaires aussi. La seule chose qu’il veut, c’est faire tenir le système jusqu’à son départ. Et s’en mettre plein les poches si possible.
Comme on ne peut pas réduire les dépenses (risque de gilet jaunes), ni augmenter les recettes (plus d’argent), ni trop augmenter la dette (la BCE devient réticente), il faut racler les fonds de tiroir.
Quelques piécettes à prendre à des caisses de retraites? Mais bien sûr, et “cela n’aura aucun impact sur les retraites des concernés, car cet argent est superflu”. C’est l’unique objectif de la réforme.