Par P. Aurain, M. Blanchet, C. Ponton.
La reprise de l’activité économique post-crise de la Covid-19 et le conflit ukrainien ont entraîné une vive augmentation de l’inflation principalement associée à l’augmentation des prix de l’énergie. Les salaires commencent à présent à s’ajuster et font craindre l’émergence d’une spirale inflationniste où le surplus d’inflation serait progressivement entretenu par la dynamique salariale.
Le rôle des déterminants de l’inflation dans la crise actuelle
Pour comprendre le rôle des déterminants de l’inflation dans la crise actuelle, il convient de décomposer celle-ci ou plutôt un proxy de celle-ci que nous appellerons l’inflation des « prix intérieurs » ajoutant l’évolution des termes de l’échange au déflateur du PIB, (cf. Rebond « Faut-il craindre une spirale prix-salaire en France » des Études économiques de la Banque Postale). Cette analyse qui se base sur l’évolution de la rémunération des facteurs de production fait apparaître les résultats suivants au deuxième trimestre 2022, sur un an : 30 % de l’inflation des prix intérieurs (en brut, c’est-à -dire hors comportement de marges des entreprises) provient des « termes de l’échange » c’est-à -dire ici de la dégradation des prix des importations. Il s’agit ici de la prise en compte des prix énergétiques importés dont la hausse a été supérieure à celle des prix des produits exportés.
48 % proviennent de la hausse des coûts salariaux (CSU). Si le chiffre est important, il ne suggère pas une spirale prix-salaires, dans le sens où la progression seule des salaires ne serait pas susceptible d’entretenir une hausse de l’inflation sur les niveaux actuels. Contrairement aux mécanismes observés lors des chocs pétroliers de 1973 et 1979, la mise en place des politiques de 1982 dites de « désindexation salariale » a depuis limité les risques d’une indexation des salaires sur les prix et par rétroaction d’augmentation de ces derniers. Les impôts de production accélèreraient l’inflation de 22 % (effet inflationniste de l’assiette de l’impôt). Enfin, point important, l’évolution des marges des entreprises baisserait l’inflation brute de 37 %. Autrement dit, l’inflation aurait été significativement plus élevée sans la baisse des marges. Mais l’analyse ne s’arrête pas là .
En séparant les marges des entreprises de deux secteurs (services de transport et énergie) de celles des autres secteurs, on observe que les premières ont élevé l’inflation brute de 29 % alors que les secondes l’ont baissé de 66 %. Autrement dit, deux secteurs ont vu leurs marges augmenter très significativement, ce qui a gonflé l’inflation, alors que tous les autres ont en moyenne connu une forte baisse des leurs et pour un montant plus important ce qui a globalement fait baisser l’inflation.
Il est donc important de distinguer les entreprises pour lesquelles le contexte a été porteur de celles qui en ont souffert fortement (hausse des prix de l’énergie, des salaires) et qui ont vu leur profitabilité s’éroder.
Pour ces dernières, le niveau de marges est proche du point bas des années 1980, post choc pétrolier. Le risque de voir leur viabilité économique remise en cause et leurs investissements être fortement réduits est dorénavant considérable. Pour le futur proche, il faut donc reconstituer ces marges. Ce mécanisme nécessaire sera inflationniste. Par ailleurs, les effets de latence des renégociations salariales entraîneront également un soutien de l’inflation en 2023. Ainsi, même si les prix de l’énergie venaient à refluer, il faut probablement s’attendre à la persistance d’une inflation plus élevée que celle des années pré-crises.
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