Alea jacta fere est. Après une trop longue attente, la composition de la Chambre des représentants est enfin connue : les Républicains ont obtenu de peu une majorité (218 sièges) et six sièges sont encore discutés. Le parti de Donald Trump a effectivement « perdu » le Sénat car même s’il obtient le siège en Géorgie, la vice-présidente Kamala Harris votera en cas de parité des voix.
Que s’est-il donc passé avec le raz-de-marée rouge prédit par plusieurs (moi y compris) ?
Les hypothèses fusent de toute part. Pour certains, Trump a eu un effet indéniable. Il a publiquement soutenu 254 candidats à tous les niveaux et a obtenu un taux de succès de 82 %. Toutefois, six de ces soutiens concernaient le Sénat fédéral, ce qui a peut-être eu un effet négatif pour son parti. D’ailleurs, plusieurs de ces candidats ont été endossés indirectement par les Démocrates qui croyaient que leur extrémisme supposé allait faciliter leur propre élection.
Mais nonobstant tout extrémisme réel ou perçu, la qualité de plusieurs candidats laissait à désirer. En Géorgie, même s’il gagne, Herschel Walker n’était même pas un résident de l’État (bien qu’il y soit né) lorsqu’il a manifesté son intérêt pour le poste. C’est grâce à une résidence de son épouse qu’il a pu se présenter.
En Pennsylvanie, le candidat était un médecin bien connu du public avec son émission. Plusieurs disent qu’Oprah Winfrey l’a grandement aidé à acquérir sa notoriété. Ce fut donc une surprise quand cette dernière a plutôt soutenu le candidat démocrate. Mais ce qui a sans doute joué contre lui est qu’il est résident de l’État depuis moins de deux années, même s’il y a déjà voté.
Comme les élections de mi-mandat sont plus locales, un sentiment d’appartenance semble donc important pour les électeurs. À ce sujet, on spécule que l’avortement a eu davantage d’importance que celle envisagée par les Républicains.
Au Michigan, la Constitution de l’État a été amendée pour y consacrer la procédure. Près de 45 % des électeurs sondés à la sortie des bureaux de scrutin affirmaient que le sujet était prioritaire. Cela a sans doute joué contre la candidate républicaine qui s’oppose à l’avortement en toute circonstance. Le sujet a également joué contre les Républicains en Pennsylvanie où l’avortement était aussi au sommet des priorités – ils y étaient strictement opposés aussi.
Une lente progression ?
Mais au travers de toutes ces défaites, certains conservateurs y voient un progrès, surtout dans des États solidement démocrates.
À New York, le candidat républicain Lee Zeldin a perdu par « à peine » 5,6 %. C’est une nette progression comparé à 2018, où le Démocrate avait gagné par plus de 23 % d’écart. Zeldin a gagné 200 000 voix dans la ville de New York alors que son opposante démocrate Kathy Hochul a perdu 500 000 voix au même endroit par rapport à son prédécesseur. Son indifférence au crime et son hoplophobie n’ont sans doute pas aidé sa cause.
En Floride, le gouverneur Ron DeSantis a gagné de façon retentissante avec un écart de près de 20 points sur les Démocrates – sa victoire quatre ans plus tôt fut par à peine 0,4 %. Ce qui l’a propulsé à de tels sommets fut un changement radical des intentions de votes du comté de Miami-Dade (le plus populeux). D’une majorité écrasante de 63 % pour Hillary Clinton en 2016, la dominance démocrate a fondu à 53 % pour Biden en 2020. Ce sont maintenant les Républicains qui dominent avec 55 % des votes pour DeSantis gouverneur et 54 % pour le candidat républicain au Sénat.
Un blogueur de Miami croit que Trump a assuré la montée républicaine. À mesure que le méchant homme orange augmentait en popularité, l’establishment démocrate n’en avait que pour son discours woke habituel, particulièrement illustré par le néologisme Latinx (au lieu du mot genré Latino/Latina). Les « Latinx » qui utilisent régulièrement le terme se comptent sur les doigts de la main. De plus, la montée d’une défense absolue des personnes trans a de quoi heurter les sensibilités de ceux qui sont plutôt conservateurs d’un point de vue social.
Fait à mentionner : DeSantis n’a reçu aucun endossement de Trump. Ce dernier commence même à montrer les dents contre celui qui semble favori pour la présidentielle de 2024. Le Républicain qui a gagné en Géorgie n’a également pas reçu de soutien de Trump, qui avait plutôt appuyé son opposant durant la primaire. Il faut dire que la Démocrate contre qui il avait également gagné en 2018 n’avait toujours pas admis sa précédente défaite et blâmait tout et tout le monde sauf elle-même.
Midterms : que faire ?
Alors, que devraient faire les Républicains s’ils espèrent reprendre le pouvoir en 2024 ?
Ils doivent commencer par présenter un plan concret pour l’économie. Bien qu’ils militaient (avec raison) contre l’explosion de l’inflation, ils n’ont présenté aucun projet de contrôle des dépenses. C’est particulièrement vital pour le Social Security (système public de retraite) dont les fonds seront épuisés au plus tard en 2034 – probablement avant si l’inflation se maintient au rythme actuel. De toute façon, au Congrès les Républicains ne sont pas connus pour leur retenue dans les dépenses.
Mais surtout, cette commentatrice suggère de « jouer le jeu des Démocrates. » D’une aide aux électeurs au dépôt de leur vote par correspondance au vote par anticipation, en passant par une stratégie incluant tous les États, le GOP a du pain sur la planche s’il veut avoir davantage de succès dans deux ans. Elle renchérit également sur des sujets que les Républicains doivent défendre pour montrer qu’ils ont à cœur la classe moyenne.
Se débarrasser des vieux leaders apathiques pourrait également aider.
Bref, les Républicains peuvent eux-mêmes se blâmer pour cette victoire amère aux élections. Même si du financement douteux a sans doute aidé les Démocrates, le manque d’un message solide et concret leur a nui.
Le GOP devra également composer avec Donald Trump qui a déjà commencé sa campagne présidentielle. Reste à voir si le désenchantement de certains à son égard sera assez fort pour calmer ses ambitions et alléger le fardeau républicain.