La guerre en Ukraine, la fin de l’Histoire et le Dernier homme

L’agression russe nous conduit à clarifier notre position philosophique.

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war in ukraine source https://unsplash.com/photos/jd2v3qH-w7U

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La guerre en Ukraine, la fin de l’Histoire et le Dernier homme

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 11 novembre 2022
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L’agression russe contre l’Ukraine ne nous apprend rien du point de vue géopolitique mais nous conduit à clarifier notre position philosophique. La violence des autocraties à l’égard de leurs voisins est en effet une constante de l’histoire récente : la France napoléonienne et l’Allemagne nazie en sont des exemples caractéristiques. Poutine ne fait donc que suivre ses illustres prédécesseurs.

Le goût pathologique de la puissance explique ces comportements de conquête territoriale. Mais la liberté et la démocratie représentent désormais l’horizon à atteindre pour l’humanité.

 

Plus des trois-quarts des États condamnent l’agression russe

Les pays ne condamnant pas l’agression russe sont très peu nombreux.

Le 12 octobre 2022, l’Assemblée générale de l’ONU a voté une résolution condamnant la « tentative d’annexion illégale » de quatre régions ukrainiennes par la Russie. Seuls cinq États ont voté contre : Russie, Biélorussie, Syrie, Corée du Nord, Nicaragua. 35 États se sont abstenus, principalement en Asie et en Afrique. 143 États ont voté pour la résolution.

Le vote relayant la position des gouvernants, il apparaît donc clairement que la plupart d’entre eux condamnent la guerre de conquête territoriale russe. Seuls Vladimir Poutine, Alexandre Loukachenko, Bachar al-Assad, Kim Jong-un et Daniel Ortega l’approuvent, mais ce sont tous des criminels notoires. Il n’est pas excessif de conclure qu’ils représentent le camp du mal.

 

Des gouvernants attentistes par intérêt

Les 35 pays abstentionnistes ont évidemment pris en considération leur intérêt.

Leurs relations politiques et économiques avec la Russie expliquent leur vote. Mais là encore, ce sont les gouvernants de ces pays qui se sont prononcés et absolument pas la population. Dans certains de ces pays, par exemple la Chine, la liberté de l’information n’existe pas. La population ne dispose d’aucun élément pour se former une opinion. Dans d’autres, par exemple l’Inde, la pauvreté est telle que seules les couches supérieures et cultivées peuvent accéder à l’information.

À un moment donné de l’histoire, les dirigeants, quels qu’ils soient, sont toujours les bénéficiaires du statu quo. C’est l’évidence puisqu’ils appartiennent à la classe dirigeante. L’attentisme des gouvernants de certains États n’est donc pas une surprise. Défendent-ils ainsi leur pays et les hommes qui l’habitent ou leur position de gouvernants ? La réponse particulièrement complexe ne peut être donnée ici mais la question mérite d’être posée.

 

La folie nationaliste de quelques dirigeants

Si l’on dépasse l’optique géopolitique, il convient donc de ne pas se limiter à la position des gouvernants des États-nations.

À l’exception de quelques cas pathologiques, il est clair que l’écrasante majorité de la population mondiale est favorable à la paix et condamne la guerre comme moyen d’accroître sa puissance. La structure politique dominante du monde actuel, l’État-nation, est responsable de quasiment toutes les guerres. Les guerres civiles elles-mêmes ne font pas exception, puisqu’il s’agit en général d’une révolte contre le pouvoir en place. Il en résulte qu’un tout petit nombre de dirigeants, vouant souvent un véritable culte à la nation, est responsable des guerres et de leurs atrocités.

D’une manière générale, le nationalisme est à la racine des conflits armés et il sombre parfois dans la démence. La guerre en Ukraine le démontre une nouvelle fois puisque seule la propagande officielle russe permet de maintenir la fiction d’une guerre de libération du peuple ukrainien. Il s’agissait au départ de « dénazifier » l’Ukraine et désormais de la « désataniser », l’influence occidentale ayant fait tomber le pays sous la domination de Satan.

À cet égard, il est impossible de ne pas remarquer la conversion médiatique de Vladimir Poutine à la religion orthodoxe. Il fait ostensiblement le signe de croix devant les caméras, en présence de Vladimir Mikhaïlovitch Goundiaïev, dit Cyrille, patriarche de Moscou et soutien déclaré à l’intervention militaire en Ukraine. Le fils d’ouvrier Poutine, fervent adepte du marxisme-léninisme, religion laïque, est devenu chrétien orthodoxe par opportunisme politique. Voilà un exemple contemporain particulièrement caricatural du lien historique de la religion et du pouvoir politique avec instrumentalisation réciproque afin de conforter le pouvoir exercé sur les individus par quelques dirigeants et leurs serviteurs. La religion, opium du peuple selon Karl Marx, continue à jouer ce rôle dans les autocraties, qu’il s’agisse de la Russie ou des pays de culture islamique.

Le récit national allié à une idéologie ou une religion a tendance à devenir psychotique, comme on le voit avec « l’opération spéciale » en Ukraine ou comme on a pu l’observer auparavant avec le Troisième Reich allemand. Mais comment la population pourrait-elle en être consciente puisqu’elle est entièrement lobotomisée par la propagande. Seule la démocratie et sa panoplie de libertés permettent une résistance.

 

Le Dernier homme et le camp du bien

Tout individu libéré du culte de l’État-nation est nécessairement opposé à la guerre.

La thèse que Francis Fukuyama développait dans La Fin de l’histoire et le Dernier Homme doit être prise en considération. L’horizon politique indépassable d’Homo sapiens est bel et bien aujourd’hui la démocratie libérale. Elle permet en effet de cantonner le nationalisme exacerbé à quelques partis politiques et de limiter considérablement le risque de guerre. La liberté d’expression interdit une dérive du narratif officiel vers la folie guerrière.

L’anti-occidentalisme asiatique ou africain constitue l’apanage exclusif des dirigeants des pays concernés, car les populations voient dans l’Occident un espoir de vie meilleure. Les migrations vers l’Europe ou l’Amérique du Nord le démontrent. Les manifestations de rue anti-occidentales, fréquentes en Afrique ou au Moyen-Orient, ne sont qu’une instrumentalisation par les pouvoirs en place de réseaux implantés dans la population. L’islamisme radical lui-même n’est que le fruit d’une manipulation politico-religieuse au profit des gouvernants des pays de culture islamique. La classe dirigeante veut conserver ses privilèges, que l’occidentalisation ferait tomber immédiatement, en particulier le statut inférieur des femmes et la transmission héréditaire du pouvoir (Maroc, Arabie Saoudite et même Syrie). Attaquer indirectement l’Occident par le terrorisme afin de le déstabiliser est effectivement une stratégie habile.

Il existe donc un camp du bien (tout relatif), celui de la démocratie libérale et de tous les hommes de bonne volonté, et un camp du mal (plus ou moins affirmé), celui des autocrates et de leurs affidés, mais pas de la population qu’ils oppriment. Le Dernier homme n’aspire qu’à la liberté et à la paix. Voilà une forte raison d’espérer.

 

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  • Le moins que l’on puisse dire, c’est que vous ne vous embarrassez pas de nuances mais vous avez au moins l’honnêteté de le reconnaitre. Les bons d’un côté, l’occident et la démocratie libérale comme horizon indépassable de l’Homme, et les autres, les méchants. Votre monde est simple mais il est glaçant et porte en lui les pires excès. Cela donne des Madeleine Albright, qui était certainement une gentille Mamie qui voulait le bien, mais qui trouvait finalement que d’avoir tué entre 500 000 et 1 million de personnes en Irak valait la peine…

  • Une position philosophique n’explique rien et ne traduit comme les idéologies, religions ou les récits que des illusions. Les véritables ressorts qui structurent le monde sont psychologiques. Le dernier homme n’aspire qu’à une position sociale valable relativement aux autres personnes, qu’on soit à petite échelle ou à l’échelle planétaire. C’est la frustration qui engendre les maux.

  • Mais quel texte, je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer. Peu importe le bout par lequel on veut le prendre, il ne tiens pas une seconde, que ce soit le manichéisme façon Panzer Tigre II, les Démocraties Libérales qui sont le camp du bien (même si relatif selon l’auteur pour être honnête) et les autocraties celui du mal (là par contre forcément absolu même si pas dit dans le texte), la malhonnêteté (quand les pays votent mal à l’ONU ils ne représentent pas leur population, quand ils votent bien là par contre c’est en phase à 100%, si jamais l’ONU représentait quelque chose qu’il fallait prendre au sérieux, ce que les USA ne font pas quand ils déclenchent une guerre, ah ouais mais mince il ne faut pas en parler parce que c’est le camp du bien relatif), une vue de l’Histoire digne d’un enfant de 10 ans (les très méchants monsieur autocrates qui s’attaquent aux gentils et doux démocrates parce qu’ils sont en colère et veulent prendre tous les Playmobiles, bon on passera sur la démocratie américaine qui mise à part quelques années, a été, depuis sa constitution, quasiment toujours en guerre), une psychologisation/psychiatrisation de la politique digne de Marie Claire, ailleurs on nous dit que les manifestations d’anti-occidentalisme en Afrique ne sont que le fruit des manipulations gouvernementales (pas trop sympathique au passage pour les gentil africains qui seraient aussi facilement manipulables que des pantins donc), normal puisqu’on vous dit que la Religion c’est (punaise je pensais pas la revoir un jour celle-là) le fameux « opium du peuple » (visiblement pas pour les musulmans en France mais ils doivent être manipulés par de très méchants autocrates sournois)… j’en passe et des meilleurs, enfin bref ça ne tient pas trop la route tout ça !!!

  • 35 États se sont abstenus, principalement en Asie et en Afrique. Donc : Russie, Biélorussie, Syrie, Corée du Nord et Nicaragua contre, puis Chine, Inde, Pakistan plus l’Algérie, l’Angola, le Burundi, le Congo- Brazzaville, la Guinée équatoriale, Madagascar, le Mali, le Mozambique, la Namibie, le Soudan, le Soudan du Sud, l’Afrique du Sud, le Sénégal, la Tanzanie, l’Ouganda et le Zimbabwe abstenus. En gros 70% de la planète n’est pas positionné.

  • N’oubliez pas que le socialisme a toujours une composante et une direction nationaliste, meme si il essaie toujours de le nier.

  • L auteur est quand meme tres optimiste ou naif.
    Deja sur la declaration de l ONU. 143 pays ont voté pour. La belle affaire ! un vote al ONU n engage a rien
    Sur le souhait de vivre dans une democartie liberale, je crois que l auteur se trompe aussi. D une part si de nombreuses personnes veulent vivre en europe c est pas pour jouir de droits democratiques mais pour ameliorer leur situation materielle. autrement dit, il veulent avoir une voiture un iphone et une TV, mais ils se moquent de la liberté de conscience. Voire ils sont contre si on se base sur les reactions aux caricatures de mahomet

    J ai l occasion d aller en chine de temps en temps. je peux vous assurer que si les chinois envient (de moins en moins) notre aisance materielle, peu souhaitent nous imiter et avoir delinquance, emeutes … A la limite les plus aisés aimeraient avoir un etat de droit pour etre sur qu on ne puisse les depouiller. Mais comme une bonne partie ont fait fortune grace a la corruption et aux relations, l etat de droit sonnerait le glas de ce type de comportement

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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