« Passeport pour la liberté » : comment rendre nos sociétés plus libres

Certaines alternatives à l’Etat existent déjà, même si elles restent modestes et souvent utopistes.

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« Passeport pour la liberté » : comment rendre nos sociétés plus libres

Publié le 18 octobre 2022
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Passeport pour la liberté s’intéresse aux alternatives aux États modernes (micronations, villes flottantes sur l’océan, villes privées, etc). Contrepoints s’est entretenu avec Nicolas Jutzet, auteur de cet ouvrage.

 

Contrepoints : Pourquoi défendre les micro-États aujourd’hui ? Les démocraties libérales seraient-elles en état de mort cérébrale ?

Nicolas Jutzet : La suprématie du modèle démocratique occidental est remise en cause par des modèles autoritaires, avec en tête de file une sorte de capitalisme d’État irrespectueux des libertés individuelles, développé par la Chine. Moins connue, il existe également une remise en question du statu quo, basée sur un souhait de liberté accrue. Elle se fonde sur le constat suivant : les démocraties occidentales sont devenues des mastodontes lents et intrusifs, qui semblent régulièrement inaptes à faire face à un monde moderne dans lequel la technologie rend plus facile la gestion décentralisée de différents défis. Couplé à un désir de personnalisation, ce mouvement contestataire ne se contente plus du modèle de t-shirt à taille unique qu’est la démocratie occidentale.

Cette volonté de développer des alternatives rappelle que le simple fait que des institutions soient en place depuis des décennies ne veut pas dire qu’elles représentent la meilleure façon de régler la vie en commun et de faire face aux problèmes que peut rencontrer un groupe d’individus. Passeport pour la liberté souhaite présenter pourquoi la concurrence institutionnelle et les essais d’institutions nouvelles sont vitaux pour continuellement améliorer un modèle de gouvernance. Or les démocraties occidentales embourbées dans leur complexité administrative et les excès de régulation peinent généralement à tolérer la concurrence interne et freinent trop souvent les tentatives de faire différemment en leur sein.

Pourtant, une institution qui n’existe plus que par habitude et non plus par conviction, a toutes les chances de se transformer en machine complexe inadaptée aux défis de la société qu’elle devrait encadrer. Les démocraties occidentales sont contestées par des populations qui peinent à envisager l’avenir avec sérénité, au vu du poids toujours plus pesant de l’État dans leur vie, notamment via les prélèvements obligatoires. Ajoutons à ce constat le fait que le vieillissement accéléré de la population va entrainer l’augmentation mécanique des deux principales dépenses des États-providences (la santé et le système de retraite). Ce modèle n’a pas d’avenir, il faut désormais préparer le prochain.

 

L’idéal de la sécession, c’est une manière de militer pour la liberté autrement ? Est-ce que c’est le seul horizon politique pour les libertariens qui veulent s’engager aujourd’hui ?

NJ : Pour remédier aux failles d’un État, la voie traditionnelle serait de le réformer de l’intérieur.

Or, en réalité, un individu n’a bien souvent qu’une influence anecdotique sur les institutions qui le gouvernent. Même le plus optimiste des libéraux n’oserait parier son épargne sur l’arrivée d’un candidat libéral à la présidence de la France ou des USA par exemple. Tout simplement car c’est hautement improbable et que les règles du jeu politique encouragent l’expansion de l’État. Pour toute personne insatisfaite de son sort, l’alternative la plus prometteuse à cette inertie consiste donc à « voter avec ses pieds », en rejoignant un territoire qui correspond mieux à ses aspirations, ou en le créant de toutes pièces.

À première vue, la sécession contient un aspect révolutionnaire. Or en réalité, c’est une demande profondément libérale : celle de pouvoir exercer son droit de retrait. Au même titre que nous souhaitons laisser les individus choisir librement leur métier ou les personnes avec qui ils souhaitent collaborer, la sécession permet à un groupe d’individus de s’affranchir de l’État dans lequel ils vivent, pour créer leur modèle de gouvernance. En assumant toutes les conséquences de ce choix.

Les institutions en place ne changeront pas sans pression extérieure forte. Il est illusoire de croire que les défenseurs de la liberté pourront faire évoluer le rapport de force de l’intérieur. Avec la mise en place d’alternatives, la stratégie est la même que celle qu’a suivie Bitcoin : au lieu de combattre le système bancaire étatique par l’intérieur, créons une alternative qui change le statu quo et qui convainc les gens par l’exemple.

Seules ces alternatives crédibles changeront les mentalités, puis par ricochet les institutions des États en place et finalement quasiment automatiquement les politiques publiques.

 

On reproche beaucoup aux libertariens, y compris chez les libéraux, leur utopisme. Seulement, à la lecture de Passeport pour la liberté, on s’aperçoit rapidement que les alternatives aux États modernes existent déjà concrètement. Comment dissiper le malentendu et réinjecter un peu d’optimisme pour l’avenir dans le domaine ?

NJ : Certaines alternatives existent en effet déjà, même si elles restent modestes et souvent utopistes.

Mais c’est bien normal, changer de modèle de gouvernance est sans doute le défi le plus complexe, il demandera nécessairement du temps – et de nombreuses erreurs en cours de route – avant d’arriver à maturité. Le livre cite aussi des exemples de projets qui sont des échecs.

De ces aventures, il faut retenir qu’elles sont une promesse, une autorisation de faire quelque chose, pas une assurance que ça réussira. Le but d’un laboratoire institutionnel n’est pas de trouver la solution définitive, mais d’y arriver par tâtonnement, au fil du temps. Que ce soit la ville privée Próspera au Honduras, le Liberland entre la Croatie et la Serbie, le Free State Project au New Hampshire ou encore simplement l’envie plus pragmatique d’exporter des modèles de nations qui s’approchent d’institutions libérales comme la Suisse ou le Liechtenstein, il existe diverses approches. Chacun à son échelle peut contribuer à rendre nos sociétés plus libres. La route qui nous y mène est devant nous.

Voir les commentaires (3)

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  • Oui, mais qui construira la route ? 😉
    Excellente initiative, merci.

  • Et ben, certains croient encore au père Noël le mot liberté sera bientôt supprimé du dictionnaire.
    Le monde moderne c’est construit sur l’esclavage, sans chaînes maintenant mais à crédit, c’est pire, c’est comme ça et pas autrement que le monde evolue. Un homme libre est un homme qui se bat… Ou sont ils ?

  • Les chasseurs de paradis, un jour, ils ont découvert Bounty… C’est l’idée ?
    Les plus pessimistes verront ces regroupements comme des assemblées de copropriétaires un peu radins.
    Alors bien sûr, il peut en sortir Le Manifeste du Parti Libéral, comme aussi le fil à couper l’eau tiède.
    Car l’Etat n’est pas seulement cette grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre au dépens de tout le monde. C’est aussi la seule organisation viable à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre avec tout le monde.
    A 10, ça s’appelle une famille. A 1000, un réseau social. A 1000000, un Etat.
    Il y a des alternatives à un Etat socialiste, ou démocratique ou libéral ou… Il n’y a pas d’alternative à l’Etat.

  • Les commentaires sont fermés.

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