Légalisons le cannabis en France – pourquoi pas ?

La légalisation du cannabis obtient chaque année un soutien plus fort dans le monde entier. Où en est la France ?

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Légalisons le cannabis en France – pourquoi pas ?

Publié le 8 novembre 2022
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Bientôt la moitié des États américains auront légalisé le cannabis tandis qu’en Europe, l’Allemagne brise la glace avec ses projets de légalisation de la production et de la vente de produits à base de cannabis. La France doit-elle intensifier ces efforts ?

 

Vague de la légalisation outre-Atlantique

La semaine prochaine, cinq États américains organiseront un référendum sur la légalisation du cannabis : le Missouri, l’Arkansas, le Dakota du Sud, le Dakota du Nord et le Maryland. En cas de succès, ils rejoindront les 19 États qui ont déjà légalisé l’usage récréatif de la marijuana. Parallèlement à la récente poussée fédérale dans laquelle le président Biden, par le biais de son décret exécutif, a gracié toutes les personnes condamnées pour des infractions fédérales liées à la marijuana, cela créera une nouvelle réalité puisque près de la moitié des États ont rendu la marijuana légale. La production de cannabis pour usage personnel est autorisée dans tous les cas mais tous les États n’ont pas légalisé la production de cannabis et de produits connexes pour les achats sur le marché.

De l’autre côté de l’Atlantique, l’Uruguay et le Canada ont fait les premiers efforts de légalisation à l’échelle nationale intégrant la production commerciale à des fins récréatives. En Uruguay, le cannabis est un monopole d’État avec une entreprise publique qui produit et vend ces produits. Au Canada, chaque province a sa réglementation dont certaines sont plus ou moins libérales. Certaines s’appuient sur le monopole de l’État tandis que d’autres reposent sur des producteurs et des vendeurs privés agréés.

 

L’Europe se contente de demi-mesures

Plus proche de la France, l’Europe a pris du retard dans ses efforts de légalisation.

Dans la plupart des pays de l’UE, le cannabis à usage personnel est soit dépénalisé, soit la police ferme les yeux sur son usage récréatif et sa possession en petites quantités.

En France, vous risquez une amende pouvant aller jusqu’à 200 euros pour la possession de jusqu’à 100 grammes de marijuana, comme en Italie et en République tchèque (dans ce cas, jusqu’à 10 grammes).

Le Portugal a légalisé la possession de 25 grammes, tandis que l’Espagne a même légalisé la production jusqu’à cinq plants par personne pour un usage personnel uniquement.

Les Pays-Bas sont un cas unique puisque la vente de cannabis est toujours interdite mais tout le monde ferme les yeux sur les fameux coffee shops. Légalement, ceux-ci peuvent vendre jusqu’à 5 grammes de produit par client et ne peuvent pas en détenir plus de 500 grammes dans leurs établissements, mais comme il est illégal de produire plus de 5 plants, il est clair que la majorité de leur cannabis provient du marché noir toléré.

Mais dans tous ces pays, la production, la vente de cannabis et de produits connexes sont toujours interdites.

L’Allemagne pourrait bien être le premier pays d’Europe à légaliser non seulement la production pour usage personnel mais aussi pour le marché. Cette solution est inscrite dans l’accord de coalition entre les socialistes, les libéraux et les verts du gouvernement. Les recherches publiées par le gouvernement montrent que les avantages potentiels de cette décision sont de l’ordre de 4,7 milliards d’euros par an (2 milliards provenant des ressources gouvernementales qui pourraient être utilisées à différentes fins ; et 2,7 milliards provenant de la TVA et accises sur les produits). Elle générerait également 27 000 emplois supplémentaires.

Les détails de cette réforme ne sont pas encore connus mais il semble qu’elle suivra l’exemple du Colorado : le cannabis ne sera produit que par des producteurs agréés et vendu dans des magasins dédiés. La semaine dernière, le ministre allemand de la Santé Karl Lauterbach a annoncé que la prise de position sur la légalisation du cannabis serait d’abord adressée à la Commission européenne pour approbation et que le projet de loi ne serait rédigé qu’après cela.

 

Et en France ?

Selon l’étude nationale de 2018, 86 % des 117 000 interpellations en France pour stupéfiants étaient liées au cannabis. Dans le même temps, le nombre de personnes interpellées pour simple usage de cannabis a décuplé, passant de 14 501 en 2000 à 139 683 en 2015. L’amende de 200 euros pour usage de cannabis a finalement été introduite en 2018.

Le processus de consultation publique concernant la dépénalisation du cannabis s’est révélé être une bonne occasion de rater une opportunité. Selon mon humble point de vue de l’étranger, cela semble être quelque chose dans lequel les Francais excellent. L’opinion populaire est presque nettement divisée en deux au sujet de la légalisation du cannabis mais la classe politique en France semble beaucoup plus stricte dans son approche des drogues récréatives puisque les Français restent les plus gros consommateurs de cannabis récréatif en Europe.

Par conséquent, il ne faut pas s’étonner que le président Macron n’ait pas voulu soutenir la dépénalisation juste avant sa réélection, même si je peux difficilement considérer cela comme une décision qui le ferait perdre face à madame Le Pen. Cependant, monsieur Macron peut désormais introduire des réformes impopulaires sans trop se soucier de l’opinion publique puisqu’il ne peut plus se présenter à l’élection présidentielle.

D’autant plus que les bénéfices de ce changement éclipseraient largement les coûts. Des données provenant des États-Unis, du Canada ou de l’Uruguay montrent qu’il n’y a pas eu d’augmentation du nombre d’usagers de cannabis une fois ces réformes mises en œuvre.

Pour le gouvernement, cela signifierait des coûts administratifs inférieurs et des recettes publiques plus élevées grâce à la TVA et aux droits d’accises sur les produits vendus et de nouvelles opportunités d’emplois dans la production et la vente du produit. Le secteur du tourisme pourrait aussi y gagner beaucoup ainsi que le secteur de l’agriculture. À long terme, avec une réglementation moins stricte en Europe et en Amérique du Nord, il y aurait un marché important pour les produits à base de cannabis. Mais si la France ne progresse pas maintenant alors que ce marché en est encore à ses balbutiements, les entreprises francaises perdront la course face à leurs homologues des États-Unis et de l’Allemagne.

 

The winds of change

La légalisation du cannabis est tout à fait compréhensible, populaire auprès des plus jeunes tandis que les personnes âgées ont tendance à avoir des opinions plus conservatrices.

Le passage du temps changera inévitablement l’opinion publique sur cette question d’ici une ou deux décennies, comme avec le mariage homosexuel institué en 2013 inenvisageable auparavant alors que le taux de son approbation a augmenté de manière significative dans la décennie qui a suivi son introduction.

À long terme, la bataille pour l’accès au cannabis est presque certainement gagnée. Mais la question est de savoir si nous devons vraiment attendre une autre décennie pour cela.

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  • Oui à la dépénalisation, mais à condition que l’emprise des drogues ou de l’alcool soit automatiquement une circonstance aggravante dans les décisions judiciaires. Le « c’est pas de sa faute, il était dans un état second » est effrayant dans notre contexte de délinquance omniprésente.

    • C’est exactement ça. Drogue, Alcool, médicaments etc… = circonstance aggravante. C’était déjà l’idée de Pittacos de Mythilène en -600 et c’était déjà une bonne idée.

    • Et si le canabis est dépénalisé, les gens y auront plus facilement accès. Il y aura plus d’accident de voiture. Et l’État, dans sa grande incompétence baissera les limites de vitesse pour « diminuer le nombre d’accident » : 80km/h sur autoroute, 50km/h sur route et 20km/h en ville paraissent super pour faire marcher la pompe à amendes de l’État (faudra bien compenser la TIPP) .

      • Au Canada, la légalisation n’a eu absolument aucun impact sur les accidents de la route. Par contre il y a eu diminution des agressions avec violence. Et pénurie de cannabis aussi parce que le gouvernement n’avait pas bien estimé le nombre de fumeurs 😀
        Sanitairement, sécuritairement ou financièrement, c’est un pari gagnant, surtout par rapport à une prohibition devenue encore plus ridicule depuis que quasiment tous nos voisins d’Europe de l’Ouest laissent faire.

        • Comment la justice canadienne se compare-t-elle à la française ? La fin de la prohibition serait une occasion de ramener la justice française aux standards internationaux.
          Mettre fin à la prohibition, c’est reconnaître que chacun est responsable de ses actes et de ses choix (et c’est pour ça que c’est souhaitable). Mais si en même temps la justice encourage l’irresponsabilité, c’est incohérent et ça ne peut qu’être un pari perdant.

        • Oui mais nous sommes en France : aujourd’hui c’est bien connu que seule la vitesse cause des accidents. Et pas le mauvais état de nos infrastructures dont seul l’État est responsable.

    • Circonstance aggravante ? Déjà le cas. Si vous êtes un automobiliste, par exemple. Une seule exception à ce jour : si vous êtes musulman.

    • Évidemment. Il n’y a pas de liberté sans responsabilité.
      Si j’altère mon état de conscience volontairement avec des drogues ou avec médicaments dont je ne respecte pas les recommandations ou avec de l’alcool et que je provoque un accident ou que je commet un crime cela ne me dédouane pas, au contraire cela aggrave mon cas.
      Après c’est certain que lorsqu’on croit que tout est de la faute de la société, on ne voit pas les choses comme moi. Malheureusement.

  • Le problème qui se poserait, c’est qu’en cas de légalisation il faudra commencer à produire du stock.
    Pour ça il faut de l’éclairage horticole, donc de l’énergie. Et en ce moment, c’est une denrée rare…

    • C’est vrai, mais si on supprimait le bouclier tarifaire et que le consommateur payait le shit comme les fraises au juste prix, ce serait un pas vers l’extension de ce juste prix aux hydrocarbures et autres énergies…

      • On va plutôt vers l’inverse, de la weed et du shit taxés comme les hydrocarbures, le tabac, l’alcool, le travail, la mort.

  • Les articles sont intéressants quand l’auteur est compétent et concerné. Autrement comme ici c’est irresponsable. Droguez vous au cannabis Monsieur, pendant une dizaine d’années si vous y parvenez, et réécrivez un article qui inclura un bilan économique et médical. En priorité à destination de la Serbie, qu’elle profite de vos lumières.

    • Mais puisque le monsieur vous dit que la (dé)pénalisation ne change rien à la consommation !

    • Je ne comprends pas le propos. C’est pareil pour l’alcool voire encore pire pour la dépendance. Si on est libéral, sur le principe on doit légaliser. Avec bien sûr la notion de responsabilité et de limitation dans certaines activité.
      La prohibition s’accompagne de trafique et de délinquance.

      • Si on est libéral…

      • Si on est libéral on ne prône pas des mesures qui contribuent à aliéner autrui et à le déresponsabiliser. Les drogues abîment toutes la capacité du drogué à être libre. Faciliter l’accès par la légalisation n’est pas œuvrer pour la liberté mais pour l’asservissement. Quelles que soient les alibis financiers C’est tout sauf libéral car les drogues sont plus fortes que le libre-artbitre . Il faudrait déjà que le droit soit appliqué à la situation actuelle, alors qu’il ne l’est pas.

  • Le problème de la légalisation en France est qu’il y a une économie parallèle tellement importante que la suppression brutale de ce business provoquerait certainement de gros remous. Je suis persuadé que les politiques y pensent.

  • On peut faire remarquer plusieurs faiblesses à cette argumentation :

    1. Légaliser ne supprimera pas les trafics.
    Un cannabis officiel devra supporter les coûts de la TVA, des charges sociales et des impôts sur les sociétés (quand bien même on baissera tout ça dans une improbable bouffée libérale).
    Un cannabis illégal n’aura pas ces coûts et sera toujours bien plus compétitif.
    Il existe un produit de comparaison : le tabac. Les douanes estiment à 1/3 minimum, le tabac illégal consommé en France.
    Imaginez ce que ça va donner avec le cannabis alors que les circuits illégaux alimentent déjà le marché et ce, à une grande échelle : il ne disparaîtront pas et la plupart des consommateurs français, cherchant le moins cher, surtout par les temps qui courent, continueront à les utiliser très largement.

    2. Les effets à long terme sur les trafics.
    Le seul pays en Europe qui a légaliser le cannabis depuis une longue période, est la Hollande. Et résultat, depuis, le pays est devenu, la grande plaque tournante du trafic des drogue dur pour toute l’Europe : héroïne, cocaïne, extasie, tout vient des Pays Bas.
    Les trafiquants ont élargie leur gamme (ce qu’ils font déjà en France en inondant le marché de cocaïne et de crack).

    3. Les effets sanitaires.
    On ne peut pas en appeler à la responsabilité individuelle quand le produit est foncièrement dangereux. Le taux de THC n’a plus rien à voir avec celui des joints des hippies. On est sur des taux 20 à 30 fois plus forts.
    On est plus dans une drogue dure, quant aux effets.
    L’INSERN a déjà démontré que la consommation, dans l’absolu (et non par jour) de 3-4 joints avant l’âge de 14 ans, multiplie par 2 le risque de schizophrénie et l’augmente de façon significative pour une consommation à un âge postérieur.
    On parle d’une maladie mentale, souvent incurable, qui fout en l’air la vie des gens. Un malade, dans la plupart des cas, ne pourra plus jamais avoir une vie normale, un travail et fonder une famille.

    Non, ce produit fait des dégâts, tant au niveau de la criminalité qu’il induit que des effets sanitaires terribles qu’il a, et le légaliser ne retireront ni les uns, ni les autres. Au contraire.

    • 1. Le trafic sur le tabac n’est pas un trafic. Vous achetez le MEME produit, avec moins de taxes. Je ne parierais pas un dinar sur la composition du cannabis provenant des « cités ».
      2. Aux PB, le cannabis n’est pas légalisé.
      3. A 70000 morts par an avec le tabac, 40000 avec l’alcool, l’argument sanitaire du cannabis ne tient pas 2 secondes.
      Koikilensoi, le mouvement inverse de la pénalisation – décidée alors pour des raisons géopolitiques nord-sud – est lancé. Plus personne de sensé ne peut, sans faire rire l’assistance, que la lutte contre la drogue a été un succès. Et elle coûte tellement, trop, cher.

      • 1. Non : il existe aussi beaucoup de tabac de contrefaçon, de qualité plus ou moins douteuse.
        2. Si, ça s’appelle les CoffeeShop, vous n’êtes pas au courant ?
        3. J’ai évoqué l’aspect psychiatrique, mais il y a aussi les effets directs sur la santé physique : en terme de produits nocifs (comme le goudron), on est sur quelque chose qui est plus bien chargé que le tabac.
        Sur les aspects de la lutte contre le trafic, actuellement, ça n’est pas fait sérieusement en rance. On essaye juste de juguler. Mais on ne condamne pas les trafiquants à des peines dissuasives. Pour quelqu’un sans moralité, ile st économiquement intéressant de faire du trafic, même en passant par la case prison. Pour lutter, d’une façon digne de ce nom, contre les trafics, il faudrait rendre cela inintéressant économiquement. Je vous conseille cet article qui explique en quoi, il est nécessaire d’avoir des peines de prison de ce type :
        https://www.contrepoints.org/2019/08/21/351882-la-criminologie-une-branche-de-leconomie
        Sinon, si on suit votre raisonnement, on pourrait dire que la lutte contre le vol coûte trop cher, c’est un vieux principe hérité du monde chrétien, on réprime le vol depuis des siècles et il est au plus haut aujourd’hui, ça ne fonctionne pas, il faut donc le légaliser.

  • L interdiction d un produit (alcool, drogues,et autres) à toujours eu des conséquences négatives. La prohibition profite aux mafias et entraîne une insécurité permanente. Au Pays Bas les mafieux se permettent de menacer l état,de supprimer des journalistes.
    Une légalisation du cannabis,peut être une bonne chose à condition que l état ne sent mêle pas laisse faire le marché privé.
    En Californie c’est l état qui gère c est une catastrophe le cannabis est surtaxé se qui entaine un prix prohibitif et bien sûr de facto le marché parallèle est moins cher
    L hypocrisie de l Allemagne à dire oui à la légalisation mais il faut demander à l Europe me fait sourire.
    Laissons à chacun de choisir en bonne connaissance des côtés néfastes du cannabis , personnes ne doit intervenir dans d nos choix personnels.

  • Combat d’arrière garde, le cannabis c’est pour les pauvres, et les. Finances publiques, n’ont rien à y gagner, sans intérêt pour détruire l’occident. Y a mieux et cela fait des ravages déjà aux usa…

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