Est-ce que la baisse des taxes en Ukraine va réduire la corruption ?

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a récemment annoncé une réduction drastique des impôts.

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Volodymyr Zelensky by U.S. Embassy Kyiv Ukraine (Creative Commons CC BY-ND 2.0)

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Est-ce que la baisse des taxes en Ukraine va réduire la corruption ?

Publié le 16 octobre 2022
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Par Karol Mazur.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a récemment annoncé une réduction drastique des impôts. Le programme, intitulé 10-10-10, vise à réduire les impôts et à encourager les résidents à les payer dans l’espoir de réduire l’économie souterraine.

En Ukraine, le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est uniforme et s’élève à 20 % et le taux de l’impôt sur le revenu des personnes physiques à 18 %. Zelensky propose une réduction de l’impôt sur le revenu (des entreprises et des particuliers) de 18 % à 10 %, et une réduction spectaculaire du taux de TVA de 20 % à 10 %.

Il convient de noter qu’il s’agit de la première réduction aussi radicale dans l’histoire de l’Ukraine indépendante. Les nouveaux taux ne sont pour l’instant qu’une proposition, mais certains pourraient même parler de révolution dans le système fiscal. Du point de vue d’une stratégie libertarienne, il faut bien sûr féliciter l’administration Zelensky pour avoir pris de telles initiatives.

 

Corruption et pillage par l’oligarchie d’État

Le problème, cependant, est l’état actuel de l’économie ukrainienne. Bien qu’affaiblie par le fardeau de la guerre et le passage à une économie de guerre, l’objectif de ces réductions d’impôts ne doit plus être centré sur le seul financement de la guerre, mais sur une portée beaucoup plus large pour que ces réductions soient efficaces.

Nous devons nous rappeler que l’Ukraine est confrontée à d’énormes problèmes, et pas seulement à la guerre en cours avec la Russie. L’un des plus expressifs est l’omniprésence de la corruption et le pillage des fruits du travail par l’oligarchie d’État qui s’est émancipée à l’époque de la chute du communisme (que l’on peut qualifier aujourd’hui de capitalisme de connivence).

La corruption y est similaire au niveau connu, par exemple, en Russie. La corruption est répandue parce que les principales industries en Ukraine sont des secteurs clés tels que l’énergie, l’agriculture et l’industrie. L’intérêt des politiciens pour ces industries est évident partout.

La proposition de réduire les impôts semble surprenante car les modèles que l’Ukraine tire des autres pays n’utilisent pas cette méthode. Il semble que tout le concept de réduction des impôts date de 2016-18, lorsque le ministre des Finances de l’Ukraine était, au moins dans ses déclarations, un partisan des réformes du marché libre, Ołeksandr Danyluk. Il est clair ici que l’administration de Zelensky semble croire au mécanisme classique de l’économie de Reagan et à la soi-disant courbe de Laffer.

 

Une annonce de circonstance aux résultats incertains

Bien sûr, se référer au concept de Laffer est une pure expérience dans le cas de l’Ukraine, car il est difficile d’estimer les résultats en regardant l’échelle de tous les problèmes.

Si, en tant que libertariens, nous sommes de tout cœur en faveur de cette réduction, voire de l’abolition totale des impôts, il convient de se demander si cette tendance se poursuivra si la guerre prend fin. En outre, il est important de savoir dans quelle mesure les citoyens ordinaires bénéficieront de cette initiative, et de réfléchir à la mesure dans laquelle cette réforme fiscale pourrait être dictée par les politiques d’une oligarchie prédatrice, qui fixe toujours les normes du système fiscal en Ukraine.

Nous devons nous rappeler que l’objectif immédiat de l’administration de Zelensky est, après tout, de renforcer le système de l’appareil d’État pour repousser l’agression russe. Les revenus de Zelensky pourraient augmenter grâce à l’élimination de l’économie souterraine, qui, à l’heure où nous écrivons ces lignes, représente près de 44 % du produit intérieur brut national en Ukraine.

Cette initiative est donc sans aucun doute motivée par la situation de guerre actuelle. Pour poursuivre la guerre, comme le disait Gian Giancomo Trivulzio, il faut trois choses : de l’argent, de l’argent et encore de l’argent. Les dirigeants ukrainiens actuels pensent que seul un État fort et efficace est capable de résister efficacement à l’agresseur.

Toutefois, les Ukrainiens eux-mêmes sont-ils prêts à soutenir ces activités ? Le problème de ces réformes, cependant, est que même avec de bonnes intentions, elles augmentent encore le contrôle de l’État sur ses citoyens. En effet, la réforme fiscale permet également aux contrôles du bureau des impôts d’avoir un accès total aux comptes personnels et aux finances des citoyens.

Bien qu’il soit difficile de l’affirmer avec une certitude totale en raison de l’influence de l’économie souterraine, on estime que l’économie ukrainienne a continué à se développer et à croître régulièrement au cours des dernières décennies. Cela montre non seulement l’étouffement économique désastreux du passé socialiste, mais surtout que l’Ukraine a un énorme potentiel pour déployer ses ailes s’il n’y avait pas de solutions étatiques oppressives.

Peut-être l’Ukraine peut-elle évoluer vers une entité libertarienne même dans une situation aussi drastique. Elle peut servir d’exemple à l’Europe pour montrer à quel point les solutions du marché libre peuvent être efficaces.

Des solutions qui non seulement agissent dans l’intérêt de l’administration publique en augmentant les recettes de l’État, mais surtout, qui agissent dans l’intérêt des habitants et en augmentant leur niveau de vie. Un homme libre et entreprenant se débrouillera certainement, il est seulement important de lui donner la liberté d’agir.

Ce sont les citoyens qui sont les bénéficiaires des réformes fiscales, et non les politiciens et les fonctionnaires. Le temps nous dira quelle direction l’Ukraine prendra.

Traduction Contrepoints

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  • Laffer est un concept économique de report des recettes fiscales d’un mode de perception sur un autre. Il est injuste de le mentionner ici, où il s’agit simplement d’améliorer le fonctionnement de l’inquisition fiscale et sans doute de paraître « faire quelque chose » contre une corruption exacerbée.

  • Dieu sait que je suis un fan absolu de la flat tax. Mais la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a. L’IRPP russe est une flat tax de 13 %. Et la corruption de ce pays n’a rien à envier à celle de l’Ukraine.
    La corruption, les marchés noirs et parallèles, c’est un état d’esprit. Le mode de vie dans nos quartiers n’est pas devenu plus « sain » quand on en a fait des zones franches.
    Je ne vois pas de corrélation entre la « moralité » et la fiscalité. Parmi les pays où celle-ci est la plus basse, on trouve – outre les paradis fiscaux – le Kazakhstan, la Bulgarie, la Russie, l’Angola, l’Egypte… mais aussi Singapour ou la Suisse.

  • L’objectif n’est pas de diminuer la corruption, qui n’a rien avoir avec l’économie souterraine puisque c’est la prédation de l’argent public par l’oligarchie ce qui n’entre dans aucun programme politique, mais bien de diminuer la fraude fiscale! Toutefois le bilan ne peut être au mieux que neutre: admettons que l’ensemble de l’économie souterraine devienne officielle, cela double la base taxable mais avec une taxation de moitié. Comme il est très peu probable d’y arriver, la baisse des taxes ne sera pas entièrement compensée par l’augmentation de la base taxable

  • Mais alors, on aiderait un pays pourri en guerre civile depuis 2014 !
    Est ce bien raisonnable ?

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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