Les salaires en France, une mauvaise situation dont l’État est responsable

Pour augmenter les incitations salariales, la seule issue est de diminuer la pression fiscale réelle.

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Les salaires en France, une mauvaise situation dont l’État est responsable

Publié le 15 octobre 2022
- A +

Longtemps niée ou édulcorée par les organismes officiels, l’inflation s’est installée durablement à un niveau élevé dans le paysage économique. Irrésistiblement, elle rogne le pouvoir d’achat du plus grand nombre.

De ce fait la situation est de plus en plus tendue sur le front des salaires, ce dont témoigne de manière éclatante l’offensive lancée par la CGT dans le secteur de l’énergie. Les commentaires qu’elle suscite en boucle dans tous les média risquent toutefois de fausser l’analyse des tenants et des aboutissants de cette question devenue brûlante.

 

La fausse piste des superprofits

En polarisant l’attention sur ce qui se passe depuis trois semaines chez Total et Exxon, on oriente en effet l’analyse sur la fausse piste des superprofits et des injustices supposées de la répartition de la valeur ajoutée. L’envolée du cours des énergies fossiles est effectivement une aubaine pour les pétroliers. En 2021, les profits de TotalEnergies se sont élevés à 16 milliards de dollars dont six ont été affectés à l’intéressement du personnel (sous forme de prime s’ajoutant aux salaires), huit aux actionnaires sous forme de dividendes et deux à des rachats d’action pour en soutenir le cours.

Trouver que c’est beaucoup pour les actionnaires, c’est oublier qu’une évolution favorable de la valeur de ses titres est indispensable pour que l’énergéticien trouve à des conditions favorables les énormes capitaux dont il a besoin pour financer sa stratégie de redéploiement vers des sources d’énergie décarbonée. En émettant de nouvelles actions qu’elle n’aura jamais à rembourser à leurs propriétaires, l’entreprise émet en effet sa propre monnaie et doit faire en sorte que son cours soit le plus élevé possible.

On comprend bien qu’en 2022 les comptes devraient être encore plus florissants. C’est une très bonne nouvelle pour le futur de la transition énergétique à condition que les profits ne soient pas confisqués par la puissance publique ou ne servent à augmenter les rémunérations déjà élevées de son personnel.

 

La fausse piste de la pingrerie des patrons

Or pour une partie de ses membres, le groupe doit non seulement maintenir leur pouvoir d’achat mais aussi l’augmenter sensiblement en surindexant leurs rémunérations sur les prix.

Dans ce combat, ils se positionnent comme la force qui ouvre la voie à une augmentation générale des salaires dans tous les secteurs quelle que soit leur situation financière et fera rendre gorge au patronat. C’est le meilleur moyen pour enclencher une spirale infernale prix/salaires dont on sait qu’un pays ne sort jamais gagnant.

C’est aussi suivre une voie qui fait peser un fardeau injustifié sur le dos des entreprises. On les accuse d’entretenir le niveau relativement faible des salaires dans notre pays, et en particulier de ceux qui se situent en bas de la pyramide alors que leurs marges de manœuvre sont fortement contraintes par la surtaxation que leur impose l’État.

Outre la pingrerie dont elles feraient preuve dans le dialogue social, elles auraient aussi collectivement initié un processus de déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur des profits et au détriment des revenus du capital, ce qui est grossièrement faux.

Depuis 40 ans la clé de répartition entre ces deux grandeurs est restée remarquablement stable, comme le montrent très clairement les études de l’INSEE.

 

La responsabilité des politiques publiques

Pour expliquer le bas niveau des salaires nets en France si on le compare à ce qu’on observe dans les pays de niveau de développement comparable, c’est vers l’État qu’il faut se tourner.

Omniprésent, il étouffe l’économie sous le poids de prélèvements obligatoires depuis longtemps anormalement élevés et qui de surcroit ont encore augmenté ces dernières années (41 % du PIB en 2009 – 44 % aujourd’hui). Autre chiffre encore plus significatif, le rapport des dépenses publiques à la richesse créée a bondi de 55,4 % en 2019 à 59 % en 2021. Entre ces deux agrégats le fossé est comblé par l’endettement des administrations publiques dont le montant vertigineux hypothèque le pouvoir d’achat futur en raison de l’énormité des charges d’intérêt et des remboursements à venir. En contrepartie, nos concitoyens ne bénéficient que de services publics médiocres et dont la qualité ne cesse de se dégrader qu’il s’agisse de l’éducation ou de la santé.

Si le niveau de rémunération stagne dans notre pays on le doit avant tout à l’État qui ponctionne les entreprises à travers une myriade de taxes et d’impôts (en particulier ceux qui frappent la production).  En outre, dans la fonction publique comme dans le secteur privé, les 35 heures voulues par le gouvernement Jospin ont cassé la dynamique d’augmentation des salaires et démotivé les agents économiques.

Pas de meilleurs salaires sans moins d’État

C’est dans ce contexte que se profile aujourd’hui l’ombre de la « grande démission » qui déjà s’étend à bas bruit dans notre pays.

Par rapport à l’avant-covid, les offres d’emploi non pourvues ont été multipliées par plus de deux, les démissions ont augmenté de 20 % et les ruptures conventionnelles de 15 %. À leur niveau le plus élevé depuis 20 ans les tensions à l’embauche contribuent à leur tour à l’inflation et entretiennent la course sans issue des salaires et des prix. Manifestement, les nouvelles générations aspirent moins au travail que leurs ainés et la capacité collective de travail régresse, ce qui est de très mauvais augure au regard de l’immensité des efforts à accomplir pour adapter notre économie aux défis qui l’attendent.

Pour insuffler à nouveau le goût de l’effort et restaurer l’envie de travailler, un des principaux leviers est d’augmenter les incitations salariales. Pour y parvenir, la seule issue est de diminuer la pression fiscale réelle, c’est-à-dire réduire la place des administrations publiques. Seul le dégonflement de l’État nounou, envahissant et inefficace, permettrait de retrouver des marges de liberté au prix d’un peu plus de responsabilité.

Le moins qu’on puisse dire est qu’on n’en prend pas le chemin. Il est probable que cela est dû bien davantage au poids de l’inertie qu’à un véritable choix de société.

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  • la dénonciation du riche finit par être celle de tout enrichissement…
    forcement ça démotive…

    les salaires ne sont simplement pas l’affaire d’un l’état libéral !!!!

    Mais Il ya un débat sur la monnaie papier obligatoire, , c’est le lieu d vice, car le lieu de redistribution et de taxe.. le pouvoir d’achat qui est individuel et lié aux choix…un bon choix preserve le pouvoir d’achat..
    Pour les choix du quotidien chauffage ,voiture, donc pour le pékin de base, , ça ne sert à rien de faire un choix intelligent.. De toutes façons, égalitarisme oblige, tout mauvais choix sera indemnisé…

    Mais permettez moi…
    « c’est oublier qu’une évolution favorable de la valeur de ses titres est indispensable pour que l’énergéticien trouve à des conditions favorables les énormes capitaux dont il a besoin pour financer sa stratégie de redéploiement vers des sources d’énergie décarbonée. »

    pas besoin de cela…sans connivence massive qui ferait ce choix???
    excusez moi mais j’ai du mal à penser que faire simplement de la prospection de fossiles est TOUJOURS un bon choix et ,si j’ose dire, comme le prouve les « superprofits » faits en vendant un machin que ,si je crois ce que j’entends, personne ne dit vouloir acheter!!!!

    c’est histoire du gars qui est contre le gaz de schiste mais qui en achète..
    total finira par se scinder entre total inde ou chine et total france… avec total france qui fera des profits par pure connivence sur le dos du contribuable français en li vendant, de force, du solaire? et total inde rouvrira desmines de charbon?

    faut arrêter les conneries et l’hypocrisie avec les fossiles!!!!

    Je refuse de spéculer avec l’epée de Damoclès de la promesse politique.. On est même plus fout de choisir quel type de voiture acheter!!!!

    pays étouffant..

    • Total France ne fera jamais de profits et sera donc renationalisée.
      D’après ce que j’ai pu apprendre, Total paie en France 800 millions d’impôts de production, et rien sur ses profits lesquels sont exclusivement réalisés à l’étranger. Total est donc une pompe à fric par laquelle l’Etat Français s’approprie les richesses produites à l’étranger. Tout son art est de veiller à arroser suffisamment les pouvoirs étrangers pour que cela perdure. Mais aucun déséquilibre ne peut perdurer éternellement.

      • « réalisés à l’etranger » oui ou non… total est traité comme les autres entreprises..certes le pétrole ne vient pas de chez nous…

        si on doit discuter d’une chose c’est la finalité et le rationnel derriere la fiscalité( positive ou négative) de toute entreprise..

        les services de l’état sont supposés servir les citoyens..la taxations devraient porter sur les individus..
        la subvention ou taxations des entreprises est sans doute un idée aussi pertinente que le dirigisme économique;

        le capital et les investissements sont la source de la richesse future…il est assez marrant qu’on désigne notre système comme le « capitalisme »… puisque justement il semble pencher vers une incitation au consumérisme..

  • Le dirigisme, la pression, la coercition avancent à grands pas dans tous les domaines. Malgré les « Marches pour … ». et autres manifestations, l’Inertie gagne et se double d’un « Droit à la paresse ». La « Jeune génération » occidentale (sans ostracisme) ne souhaite plus « Travailler Plus » et même pour une partie d’entre elle s’oriente plutôt vers « Gagner (un peu) moins pour travailler moins ». C’est tout un ensemble de paradigmes économiques et sociaux qui sont remis en cause et dont « Nous » (et eux y compris d’ailleurs) n’avons pas encore pris la mesure.

    • qu’elle ne souhaite pas travailler plus ( que quoi) n’est pas un problème collectif donc politique..
      Et ça n’a rien de nouveau que reprocher à un mouflet qui n’a vu que des manifs où les salariés ont toujours demandé à l’etat de régler problème de salaire ?

      • Votre réponse m’étonne! A mon humble avis vous allez vite vous rendre compte que c’est aussi (ou va rapidement devenir) un « problème » collectif et politique. 2) Je ne leur reproche pas. Je constate. Et d’ailleurs peut-être ont-ils raison ?? sous réserve bien sûr etc, etc… Des mouflets qui ont 30,35 ans voire 40 ….. Je sais bien que désormais l’enfance dure longtemps mais …

        • Le raisonnement selon lequel ce qu’on gagne par son travail est de l’argent de poche, modulable à son gré, et que la collectivité doit pourvoir par ailleurs aux besoins vitaux, est bien un raisonnement de mouflet.

  • On a expliqué ici, dans toutes les dimensions (long, large, travers), que l’inflation, toute l’inflation, venait des rotatives des banques centrales.
    Aujourd’hui, ce serait la faute – spirale infernale, s’cusez du peu – aux salaires.
    Choisis ton camp camarade !

  • « C’est une très bonne nouvelle pour le futur de la transition énergétique à condition que les profits ne soient pas confisqués par la puissance publique ou ne servent à augmenter les rémunérations déjà élevées de son personnel. »
    Par contre, l’actionnariat, lui, il peut confisquer ?
    Raisonnement hémiplégique !

    • Je suis libéral et capitaliste. Mais à un moment, comme dirait Quatennens, il y a des baffes qui se perdent.
      Le bon patron, quand les vaches sont grasses, sait récompenser ses actionnaires, ses salariés et ses clients. Et garder des sous-sous pour les investissements à venir. N’en déplaise à la CGT, Total sait et fait tout ça.
      Au nom de quoi devrait-il s’arrêter au milieu du gué, et prendre un risque exagéré de conflit interne ?
      Les (mauvais) conseilleurs ne font pas les (bons) payeurs.

      • voui et de façon générale, on commencer ne par balayer devant sa porte, pille et pour etc etc…

        pour un libéral … le salaire est une affaire entre le patron et le salarié.
        sinon..on admet que le salarié ou le patron sont contraints par des forces tierces mystérieuses.. et quand on a admis cela;.. les bornes du rationnel sont déjà franchies..on ne doit plus s’etonner de rien..

  • L’auteur écrit « les rémunérations déjà élevées de son personnel » il a 100% raison et il n’écrit rien sur les fonctionnaires retraités, on peut citer un exemple récent la retraite de Mr Moscovici 26000 euro par mois free taxes, le pauvre petit salarié du secteur privé qui demande sa retraite, les employés de la CARSAT les font revenir, il manque un document, vous avez trop trimestres, c’est perdu etc. etc.

    • élévé : subjectif..

      -3
      • les médecins ont une rémunération élevée..mais sans doute trop basse si on imagine un marché libre..

        le libéral s’interesse à la contrainte et la violence pour définir la « justice économique »..du moins c’est ce que je crois…
        une augmentation de salaire collective obtenue par la grève me pose un problème. mais le salariat me pose aussi un problème..

        -3
      • élevé : par rapport aux salaires pour des qualifications équivalentes dans des entreprises françaises « normales ».

  • L’auteur écrit « les rémunérations déjà élevées de son personnel » il a 100% raison et il n’écrit rien sur les fonctionnaires retraités, on peut citer un exemple récent la retraite de Mr Moscovici 26000 euro par mois free taxes, le pauvre petit salarié du secteur privé qui demande sa retraite, les employés de la CARSAT les font revenir, il manque un document, vous avez trop trimestres, c’est perdu etc. etc.

  • En France, on a pas de pétrole mais on a des taxes.
    A mon avis le principal problème ( lié comme l’auteur l’explique ) est cet état obèse qui fait que une entreprise n’ayant encore rien vendu, à déjà payé un paquet de taxes.
    Le deuxième est l’énorme différence au niveau du salaire entre le coût total employeur et net salarié. C’est juste inadmissible au vu des prestations degueulasse que l’on a en retour. Vous donnez le coût total employeur au salarié et il se débrouille !!!
    1- Il cotise pour la santé au système soviet de la sécu ou assurance classique.
    2- au chômage si il estime cela nécessaire
    3- a une retraite ou en investissant
    Le problème des salaires serait à mon avis réglé et les personnes responsabilisées,
    chaque choix a ces conséquences.

  • « Le partage de la valeur ajoutée en faveur des profits et au détriment des revenus du capital, ce qui est grossièrement faux. » Il y a surement une coquille, ou je n’ai rien compris

  • Tout ceci est vrai mais tout le monde oublie le salaire caché, les prélèvements servent normalement à fournir aux salariés des prestations gratuites (vacances, nourriture, logement, santé, chômage, retraite) sauf que de plus en plus, ces prestations sont inversement proportionnelles aux cotisations, de « cotisations », on est passé à « taxes ». Le phénomène redistributif est passé par là, jadis réservé à l’impôt, il s’insinue désormais partout si bien qu’un jour, vous irez acheter votre baguette munie de votre certificat de non imposition. Et le pire, c’est que la redistribution ne vient pas simplement au secours des bas salaires mais au profit désormais des « no revenu ». In fine, le prélèvement marginal pour un salaire relativement aisé, c’est à dire en gros combien débourse une entreprise pour faire passer un salaire de 4000 € à 5000 €, soit se situer autour de 80%. On se rapproche du mélenchonisme qui fixait un taux de 100% pour un salaire supérieur à 30000 €. Petit à petit, l’hydre socialiste tisse sa toile.

  • L’augmentation des salaires est une satisfaction qui n’ a jamais réglé aucun problème économique.

  • Il y a effectivement un énorme problème de la surtaxation des entreprises qui sont les vaches à lait de l’état mais dans le cas des grandes entreprises il n’y a pas que ça de choquant.

    Ce qui marque beaucoup c’est la différence de traitement entre les managers qui reçoivent des primes importantes ou forte hausse de salaire pendant que les opérationnels ne touchent rien ou si peu. Non seulement il n’y a pas de redistribution des bénéfices aux employés mais en plus il y a accaparation de ceux ci au profit du top management qui se sert à chaque passage.

    C’est ca l’un des grands motifs de grogne. C’est que finalement les efforts consenties par le bas de l’échelle profite tout en haut alors même qu’il n’y a pas eu de croissance. L’augmentation du résultat final se fait par des réductions ou restrictions et non par croissance organique.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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