La Russie : une « puissance pauvre »

L’Europe n’aura fait que jeter la Russie dans les bras de la Chine. On se demandera un jour si c’était vraiment à son avantage.

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Gazprom Credit Thawt Hawthje (Creative Commons)

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La Russie : une « puissance pauvre »

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 14 août 2022
- A +

Sous l’influence de l’Otan, c’est-à-dire des États-Unis, les pays occidentaux ont riposté à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, avec des sanctions économiques devenues de plus en plus sévères.

Ils comptaient ainsi arrêter Vladimir Poutine dans ses entreprises belliqueuses. Mais pour l’instant, le dictateur russe ne met pas fin à son entreprise d’annexion de ce territoire qu’il considère comme ayant toujours fait partie de la Grande Russie, et la guerre se poursuit, les Ukrainiens manifestant une capacité de tenir tête à l’armée russe bien supérieure à ce que Poutine avait imaginé.

On ne voit pas de signes évidents d’affaiblissement de l’économie russe, d’autant que les cours des hydrocarbures ont considérablement progressé depuis le 24 févier. Par contre, les sanctions économiques sont en passe d’affecter fortement les économies des pays européens, certaines d’entre elles étant extrêmement dépendantes du gaz russe, et tout particulièrement l’Allemagne, la première puissance économique de l’Union européenne. Pour ce champion économique de l’Europe, le gaz russe représente 67 % de ses approvisionnements.

Avec le déclenchement de ce conflit en Ukraine l’inflation est de nouveau là.

Dans un éditorial du 25 juillet dernier, Pascal Boniface directeur de l’IRIS écrit :

« On peut se demander si les Occidentaux ne subiraient pas eux-mêmes, par contrecoup, les sanctions qu’ils ont décrétées ».

Qu’en est-il de l’économie de cette grande puissance que les observateurs qualifient volontiers de puissance pauvre ?

Le PIB du pays :

Au plan mondial la Russie est classée en seconde position par le Global Fire Power dans le domaine militaire. Au plan économique elle vient seulement au onzième rang, comme l’indique le tableau ci-dessous :

Source : Nations-Unies 2020

En chiffrant les PIB en Parités de Pouvoir d’Achat (PPA) tels que les calcule la Banque mondiale, le classement de la Russie est plus honorable : 4367 milliards de dollars, contre 22 996 milliards pour  les États-Unis. Le rapport n’est plus que de 1 à 5 avec le numéro un mondial.

On peut s’interroger sur les chiffres fournis par les statisticiens nationaux russes, car le PIB indiqué ne correspond pas à celui qui ressort de la corrélation entre la production industrielle des pays calculée par habitant et le PIB/capita russe. Selon cette corrélation qui a un degré de confiance exceptionnellement élevé (supérieur à 0,9), le PIB de la Russie serait bien plus important : il se situerait à 2324 milliards de dollars, un chiffre bien supérieur au chiffre officiel, ce qui placerait la Russie au huitième rang au plan mondial, juste après la France.

 

La puissance industrielle de la Russie

La Banque mondiale donne les taux d’industrialisation des pays, en pourcentage de leur PIB, ce qui conduit aux chiffres suivants, la définition de l’industrie dans le cas de la BIRD incluant la construction.

 

Source : Banque Mondiale 2020

La Russie aurait donc une puissance industrielle équivalente à celle de la France. Mais si l’on se réfère au PIB rectifié que nous avons calculé plus haut, on en serait à 697 milliards de dollars, c’est-à-dire une industrie 50 % supérieure à celle de la France.

L’industrie russe est très orientée sur les secteurs de l’armement, de l’aéronautique, et du spatial.

Notons des réalisations comme :

  • Spoutnik : premier satellite mis en orbite en octobre 1957
  • Gagarine, premier homme envoyé dans l’espace (1961)
  • ISS (station spatiale internationale), construite avec les Américains par l’agence Roscomos
  • La fusée Soyouz qui a transporté les astronautes dans la station ISS, le relai étant pris maintenant par le lanceur Falcon9 de Space X
  • Les missiles hypersoniques de croisière quasiment indétectables : Avangard, Zircon, etc.
  • Le drone sous-marin Poseidon
  • La centrale nucléaire flottante Mikhail Lomonosov
  • Le réacteur nucléaire de nouvelle génération VVER 1200
  • En stock : 6257 ogives nucléaires (dont 1600 sur des missiles intercontinentaux)

 

La structure  de l’économie

Ce pays immense possède de fabuleuses ressources naturelles. Il est le second producteur mondial de gaz naturel, le troisième de pétrole, et l’un des principaux exportateurs de diamants, de nickel et de platine. Il est aussi un très grand exportateur de céréales, et l’un des principaux producteurs d’oxydes de terres rares dans le monde.

Vladimir Poutine a bien redressé la situation économique de la Russie après l’effondrement de l’URSS en 1991.

Tous les indicateurs de l’économie sont au vert :

  • Balance commerciale constamment excédentaire (82  milliards de dollars en 2020 et 160 milliards en 2021)
  • Budget de l’État en équilibre
  • Endettement extérieur très faible : 17,9 % du PIB en 2021
  • Réserves de change très importantes : 643 milliards de dollars, fonds souverain de 185 milliards de dollars, quatrième réserve d’or et de devises du monde
  • Taux de chômage faible : 4,6 % en 2022
  • Croissance : 4,5 % en 2021

 

Et en matière d’inégalité, l‘indice de Gini de la Russie est de 37,5 ; sachant que les pays les plus inégalitaires ont un indice de 60 et les pays les plus égalitaires un indice de Gini entre 26 et 27  (Norvège et Suède). Effectivement, il est bien connu que la Russie a fait la fortune d’un certain nombre d’oligarques.

 

Les perspectives d’avenir

Pour l’heure, l’économie de la Russie parait mieux résister que prévu aux sanctions infligées par les pays occidentaux. Cette capacité de résistance tient à la structure de son économie, le secteur primaire étant particulièrement important.

Les opinions des experts divergent.

Une étude récente de l’Université de Yale énonce que l’économie russe est bien plus touchée par les sanctions qu’il n’y parait.

Un article de L’Opinion en date du 17 juin dernier, a un avis plus modéré :

« Pour l’instant, la lenteur de la mise en place des sanctions, les initiatives couronnées de succès de la Russie pour stabiliser son économie et sa capacité à maintenir ses exportations de pétrole et de gaz ont permis à Moscou d’amortir le choc ».

Le FMI prévoit une baisse de seulement 6 % du PIB en 2022, et de 3,5 % en 2023.

Le cours du rouble s’est amélioré : 74,1 roubles pour un dollar avant le 24 fevrier 2022, aujourd’hui 52,5 roubles par dollar ; avec un affolement dû au déclenchement de l’opération russe puisque l’on était monté à jusqu’à 135 roubles par dollar. Mais la devise russe s’est très vite ressaisie.

L’économie de la Russie se révèle donc très résiliente : elle est soutenue très fortement par ses exportations et en valeur celles-ci sont loin de fléchir. Son point faible est sa forte sensibilité à l’égard des cours du baril de pétrole : si les cours baissent, le rouble chute et le coût des importations augmente, ce qui a pour conséquence de créer de l’inflation. La banque centrale relève alors ses taux directeurs, ce qui ralentit l’activité économique du pays. Le moteur de la croissance est indéniablement constitué par les exportations de produits issus du sous-sol, tout particulièrement le gaz naturel. En juillet 2022 le Mwh (mégawattheure) valait 192 euros alors qu’avant l’invasion de l’Ukraine il se situait entre 70 et 80 euros. Le pays est immense et recèle des ressources naturelles tout à fait considérables.

L’avenir de ces diverses exportations n’est pas vraiment menacé étant donné les besoins énormes de la planète du fait de l’évolution démographique des pays émergents combinée aux besoins d’amélioration de leur niveau de vie. L’EIA (Energy information agency), aux États-Unis, indique donc que la consommation mondiale d’énergie va doubler d‘ici à 2050. Selon cet organisme, le gaz naturel représentera le quart de l’approvisionnement énergétique mondial en 2030, notamment du fait de l’accroissement des besoins en électricité. De l’avis de bon nombre d’experts les cours ne vont donc pas cesser d’augmenter.

Par conséquent, il semblerait bien que les mesures punitives prises à l’encontre de la Russie pour la dissuader de poursuive ses opérations en Ukraine ne soient pas de nature à affecter très profondément l’économie de ce pays. Poutine a commencé à convertir ses réserves de change en devise chinoise, et la Russie transfere ses systèmes de paiement aux banques chinoises avec l’équivalent chinois de Swift.

Évidemment, un certain nombre de secteurs, dont l’automobile, sont fortement perturbés par la rupture des approvisionnements à partir des pays européens, de nouveaux réseaux doivent s’organiser à partir des pays asiatiques.

La Russie va nécessairement renforcer considérablement ses liens avec la Chine et l’Inde.

Elle exporte d’ailleurs maintenant du gaz vers la Chine par le gazoduc Power of Siberia qui a été inauguré en décembre 2019, et New Delhi a fortement accru depuis février ses importations de pétrole russe. La Chine étant devenue la première puissance industrielle dans le monde ne manquera pas d’être en mesure de fournir à la Russie tous les produits manufacturés que ce pays importait précédemment d’Europe ou des États-Unis. Il y aura bien sûr une période transitoire, le temps que de nouveaux courants se mettent en place.

Lors de sa conférence de presse annuelle du 7 mars dernier, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a déclaré :

« L’amitié entre les deux peuples est solide comme un roc, et les perspectives de coopération futures immenses ».

 

Conclusion

Finalement, l’Europe n’aura fait que jeter la Russie dans les bras de la Chine. On se demandera un jour si c’était vraiment à son avantage.

Dans une note en date de mars 2022, Barthelemy Courmont chercheur à l’IRIS confie :

« La composition du partenariat entre la Chine et la Russie va être de plus en plus forte, et va d’ailleurs s’étendre à d’autres  acteurs. Par conséquent, le risque est de voir l’Occident s’isoler à son tour ».

Voir les commentaires (27)

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Créer un compte Tous les commentaires (27)
  • Il serait intéressant d’avoir le même genre d’analyse sur l’europe elle-même, ou plutôt tous ceux qui se nomment « communauté internationale ».
    On pourrait remarquer que ces pays ont détruit leurs économies lors de la (fausse) épidémie de covid, et continuent maintenant de plus belle avec la (fausse) guerre d’Ukraine.
    Nos dirigeants sont-ils vraiment neuneus ou le font-ils exprès ? La questions elle est vite répondue .
    (Même si je conçois que les deux réponses peuvent être valables)

    15
    • Tout à fait d’accord.
      Quant à votre question, la réponse est évidente avec Von der Leyen à la barre et je pense comme vous que les 2 sont valables !

      15
  • Prudence ! C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses.
    Et cela vaut aussi pour ces articles semi-admiratifs de la Russie poutinienne.

    -10
    • « ces articles semi-admiratifs de la Russie poutinienne »
      Cet article n’est que factuel: il rapporte des éléments économiques simples. Évidemment, ceux-ci ne collent pas trop avec le narratif de nos médias sur le conflit russo-ukrainien et sur la méchante Russie.
      Même le dénigrement ne pourra effacer ces faits gênants. 🙂

      « Si les faits ne s’accordent pas avec la théorie, alors tant pis pour les faits » (Hegel)

    • (AFP)–Les agences de notation S&P et Fitch ont dégradé vendredi l’Ukraine, désormais à un cran seulement du défaut de paiement…
      La fin de la foire est proche.

  • La seule erreur est de s’être rendus dépendants de la Russie: on ne fait que se défendre en diversifiant

    -1
    • C’était et c’est toujours de la saine gestion que d’acheter son énergie au plus près et au moins cher. Le problème est venu des USA qui ne pouvaient supporter une Europe forte, (un peu) indépendante et surtout le rapprochement avec la Russie. Les US ont tout fait pour nous diviser. La toute première phrase de cet article devrait être: « La Russie a riposté à l’avancée agressive de l’OTAN ».

      • Exactement ! j’ai toujours pensé qu’il nous serait impossible d’avoir une Europe forte et les USA nous mettrait des bâtons dans les roues .

  • Démographiquement la Russie est une puissance pauvre. Tous les feux ne sont pas au vert !
    Tout est mieux ailleurs qu’en Occident et en Europe, ou tout va de mal en pis, n’est ce pas ?
    Sans doute c’est plus compliqué depuis quelques temps et peut être pas vraiment anormal à mon sens, rien n’est figé et éternel sauf les mythes. Et puis c’est oublier le principe du processus de destruction créatrice.
    On verra bien je ne suis pas oracle et je n’ai pas de certitudes.

    • Il n’existe pas de destruction créatrice, seulement des créations destructrices.

    • En quoi la démographie en berne peut rendre une puissance pauvre?
      Souvent c’est même l’inverse, c’est les pays à forte démographie qui sont pauvres.
      La russie a de nombreux atouts:
      – Matières premières et énergie en abondance sur son sol
      – Gestion économique correcte, endettement faible
      – De brillants scientifiques
      – Je sais pas si on peut dire qu’ils ont des bon politiciens mais en tout cas ils sont bien moins pires que les nôtres (Hollande macron ursula, biden et autres pingouins)

      L’handicap principal de la Russie viens de son passé communiste qui la profondément affaiblie, associé a une paranoïai (peut être justifiée) qui l’a poussé à entretenir un complexe militaro industriel démesuré et pas bien optimisé (du moins à l’époque).

      On ne se remets pas de 70ans de lavage de cerveaux comme ça. D’ailleurs la France aura bientôt a suivre le même parcours, mais après une probable guerre civile due à sa politique démographique, justement…

      • D’abord j’ai écrit que sur le plan démographique la Russie était une puissance pauvre et non que la démographie en faisait une puissance pauvre enfin pas tout de suite.
        Car je vois un lien entre démographie et puissance économique. Le classement des plus grandes puissances donnent plutôt l’avantage aux pays avec une densité de population conséquente hormis le Canada et l’Australie qui sont d’anciennes colonies anglaises.
        Alors la démographie russe, quantitativement et surtout qualitativement (mortalité, natalité..) est un point faible. A moins d’avoir une armée de robots pour exploiter les gisements et alimenter les ambitions militaires.

  • Notons au passage qu’en terme de PIB, l’Inde vient de nous passer devant.
    Nous ne sommes plus que 7ème puissance mondiale.
    Encore un petit effort et nous ne ferons plus parti du G7.

  • Excellent tableau et de quoi réfléchir pour ceux qui ont l’envie ou le courage. Merci.

  • Pascal Boniface…

  • Et allez donc, encore un article pro-russe… La récente étude de l’université de Yale à fait litière de l’analyse erronée de l’auteur, mais on n’en trouvera probablement aucune recension ici, où on est bien trop occupé, hormis certains auteurs réellement libéraux perdus au milieu de la désinformation poutinolâtre, à répandre l’anti- américanisme et à débiner l’OTAN…

    -2
    • Si, il a cité l’étude de Yale, mais il y en a plein d’autres qui vont dans le même sens. Tout pays plus isolé des échanges internationaux subit des conséquences ravageuses pour son économie. Le commerce extérieur et la DIT sont l’oxygène indispensable au fonctionnement. Si les pays occidentaux ressentent des effets négatifs de la réduction des échanges avec la Russie, cela n’a rien à voir avec ce que la Russie elle-même subit. Il suffit de comparer les parts respectives dans la production mondiale et le CI. Un enfant de 11 ans le comprendrait, mais apparemment plus difficilement les lumières de ce site.
      Partagé semble-t-il entre les libertariens poutinistes et les libéraux à qui il reste une colonne vertébrale.
      Quant aux commentaires, n’en parlons même pas, envahis par les trolls des fermes russes et les simples idiots franchouilles.

      -1
      • Le commentaire ne paraît pas ? J’adore les gens qui se disent libéraux et pratiquent la censure, n’aiment pas trop qu’on les critique…

      •  » Tout pays plus isolé des échanges internationaux subit des conséquences ravageuses pour son économie. »
        Tout à fait. Quand l’isolement est complet (et encore).
        Dans le cas de la Russie, les sanctions économiques ne sont le fait que d’une petite 30aine de pays. Il reste tous les autres pays dont la Chine, l’Inde, le Moyen et l’Extrême Orient ainsi que l’Afrique et les Amériques Centrale et du Sud représentant au total les 3/4 de l’humanité. Donc question isolement économique… mieux vaut en rire.
        Qui plus est, la plupart des pays à l’origine des sanctions continue d’acheter aux Russes du pétrole (comme les USA), du gaz, des engrais (comme les USA). Ils ont même été obligés de lever les sanctions concernant les exportations de céréales russes.
        Les échanges bancaires russes qui devaient être stoppés via l’exclusion du système swift se poursuivent via le système russe MIR et l’équivalent chinois poussant les autres pays (comme la Turquie) a accélérer l’intégration de ces deux modes d’échanges interbancaires.
        Cerise sur le gâteau, bcp de pays commencent à remettre en cause de rôle du dollar en tant que devise de réserve au profit d’autres devises et de l’or dont la Chine et la Russie ont d’énormes réserves et dont la Russie est un gros producteur.
        Un véritable succès en effet.

        • Non, les poids respectifs ne sont pas comparables et la maîtrise des technologies de pointe non plus. Si les économies occidentales pâtissent des sanctions, cela n’a rien à voir avec l’effet désastreux pour l’économie russe.

    • soyons clairs…débiner l’otan..ou critiquer les usa est necessaire… MAIS…

      On doit cependant dire que nous sommes dans une situation curieuse..
      ce qui nous distingue de la trannie de poutine c’est que nous avons encore les institutions qui nous permettent d’en sortir..

      Poutine a des lois antidésinformation.. ça devrait bous déciller les yeux sur le problème de confier l’etat comme juge de la vérité… même pas!!!!

      nous venons de passer des années à apprendre à nos gamins que la tyrannie « bien intentionnée  » n’est pas vraiment une.. que la vraie tyrannie ne tient pas à ce que fait le tyran mais dans le projet du tyran..

      et donc la loi sert à punir les méchants…
      supprime les libertés des méchants n’est pas tyrannique..

      le crime n’est plus défini par rapport à la violation des libertés fondamentale d’autrui mais par les mauvaises intentions…

  • L’image de la Russie que l’auteur nous donne me semble trop optimiste pour plusieurs raisons.
    D’abord, en ce qui concerne l’état de l’économie Russe en général:
    – Selon les statistiques les optimistes l’économie Russe peut être plus grande que la France, mais notons que la Russie compte aussi deux fois plus d’habitants, donc la richesse par habitant est beaucoup plus faible que dans l’Occident (et encore artificiellement éléve grace à la richesse en matières premières).
    – malgré la liste des accomplissements scientifiques et technologiques que l’auteur donne, la réalité est que la Russie n’exporte presque pas de produits industriels sauf des armements, et sa place dans l’économie du monde est celui d’un fournisseur de matières premières. Aussi, le nombre d’inventions et patents produits dans la Russie par année est plutot insignifiant comparé avec les pays industrialisés.
    – malgré une gestion économique intelligente sur plusieurs fronts (conservatisme fiscal, taux d’impôt faibles, …) le problème de la corruption et diverses formes d’interventionnisme persiste.

    Pour la crise actuelle, l’auteur fait mention de l’étude de Yale comme une des hypothèses, mais il y a bien des éléments dans cet étude qui peuvent difficilement être disputés:
    – la croissance dramatique de la base monétaire
    – l’épuisement graduel des réserves en dévises et or en financant la guerre
    – la nature artificielle du taux du rouble: le rouble n’est plus en échange libre et le taux est soutenu par des opérations monétaires de la banque centrale: l’hausse du rouble ne nous dit donc pas beaucoup sur la condition de l’économie Russe.
    – la cessation des importations de produits de l’Occident n’est pas simplement un petit détail: le résultat est une inflation de plus de 20% pour des produits comme les voitures et certains produits technoloqiques.
    – l’étude révèle aussi que ce n’est pas facile pour la Russie de rédiriger les exportations de gaz et pétrole vers la Chine et l’Inde, et une partie de l’infrastructure énergétique reste maintenant inutilisable. Aussi, les prix que la Russie peut demander de la China et autres pays ne sont pas toujours très avantageux.
    – remplacer les importations occidentales avec des produits Chinois reste pour maintenant une promesse et un espoir; aussi, si c’était si facile, pourquoi la Russie n’a-t’elle pas encore importé ces produits de la Chine dans le passé? Probablement parce que la Chine ne peut pas offrir tout ce dont la Russie a besoin, ou pas pour les prix acceptables. Donc ce remplacement ne sera probablement pas si avantageux pour la Russie.

    En bref, la puissance de l’économie Russe face aux sanctions Occidentales est plutôt la version officiële du Kremlin, tout comme l’idée d’une nouvelle ordre mondiale avec la Chine – une fantaisie géopolitique qui circule déjà depuis une décennie.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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