L’Europe centrale face à la Russie : plus divisée qu’on ne le croit

Les divisions au sein de l’opinion publique des pays d’Europe centrale vis-à-vis de la Russie ne doivent pas être sous-estimées.

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L’Europe centrale face à la Russie : plus divisée qu’on ne le croit

Publié le 4 août 2022
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Les pays d’Europe centrale ont la réputation d’être plus atlantistes et plus critiques envers la Russie que l’Ouest. Mais est-ce vraiment le cas pour tous ces pays ?

En 2020, GLOBSEC, un think tank basé en Slovaquie, a sondé les opinions publiques de la plupart des pays d’Europe centrale1sur leur perception de la Russie. Précisons que cette publication a été soutenue par le Département d’État américain et le National Endowment for Democracy.

Si ces résultats ont pu évoluer avec le conflit en Ukraine, ils démontrent une tendance : l’Europe centrale est divisée.

Trois groupes se détachent : le premier est globalement favorable à la Russie (Serbie, Bulgarie et Slovaquie), le second est sur une position médiane (Hongrie et République tchèque) et le dernier est farouchement opposé à Moscou (Pologne et Roumanie).

Ces divisions au sein de l’opinion publique ne doivent pas être sous-estimées car elles peuvent mettre à mal l’unité politique affichée face à la Russie. Certaines conséquences sont déjà visibles.

 

Une perception du danger russe différent selon les pays

En 2020, seule une majorité de la population polonaise considérait la Russie comme une menace (68%), contre 30 % en Roumanie, et 34 % comme non dangereuse.

Dans tous les autres pays sondés, une proportion plus grande de la population estimait la Russie comme une non-menace que comme un danger. 43 % des Tchèques la voyaient comme une menace, mais 57 % la considéraient comme n’étant pas un danger. Pour la Slovaquie et la Hongrie, 60 % de la population ne considérait pas Moscou comme un adversaire.

Quant à la Serbie, 91 % de ses habitants jugeaient la Russie non hostile.

 

Qui est responsable des tensions : l’OTAN ou la Russie ?

Sur la question de la responsabilité des tensions, l’opinion publique est là aussi bien divisée.

En moyenne sur l’ensemble des pays étudiés, 40 % considéraient que la Russie provoquait l’OTAN et 45 % considéraient que l’OTAN provoquait la Russie.

Les Slovaques et les Serbes jugeaient en majorité (ou quasi-majorité pour les Bulgares) que c’était l’OTAN qui provoquait la Russie, là où les Polonais considéraient à 67 % que c’est la Russie qui était à l’origine des tensions.

Pour les autres pays étudiés, l’opinion est polarisée : en Hongrie, en République tchèque et en Roumanie, ceux qui considéraient l’OTAN comme fautive et ceux qui condamnaient la Russie étaient en proportion assez proches.

Certes, ces chiffres ont pu évoluer avec le début du conflit ouvert en février 2022. Mais il semble peu probable que l’image de victime de la Russie ait disparu dans ces pays.

 

Des conséquences déjà visibles

Cette étude montre des tendances qui ont déjà eu des effets dans les pays étudiés depuis le début de la guerre.

En Bulgarie, le gouvernement pro-Union européenne et pro-OTAN a été renversé par un vote de censure initié par les conservateurs plus favorables au maintien des relations avec la Russie.

La Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque ont toutes les trois obtenu de l’UE une exemption exceptionnelle des sanctions touchant l’importation de pétrole provenant de Russie. Si cela n’est pas surprenant pour la Hongrie, ça l’est davantage pour la République tchèque, qui est dirigée par une coalition de droite atlantiste. Néanmoins, le contexte politique tchèque a fait que le pays reste dépendant de la Russie et a obligé le gouvernement à limiter certaines sanctions.

Il ne faut pas conclure de ces divisions que ses pays se considèrent plus proches de la Russie que de l’Occident. Plus de personnes préfèrent rejoindre l’Occident que la Russie. Néanmoins, comme le précise l’étude :

En moyenne, 49 % d’entre eux préféreraient ne rejoindre ni l’Ouest ni l’Est, ce qui n’est pas surprenant compte tenu de l’histoire, de la géographie et de l’auto-identification de la région. 

Déception vis-à-vis du modèle occidental, mais peu d’attirance pour un « modèle russe » : telle est la posture de ces pays qui servent de zone tampon malgré eux.

  1. Les pays étudiés sont la Bulgarie, la Hongrie, la République tchèque, le Monténégro, la Macédoine du Nord, la Pologne, la Roumanie, la Serbie et la Slovaquie
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  • Les serbes se sont fait bombardés par l’OTAN, pour sûr ils n’en ont pas une opinion positive. Le pays est dans une situation médiane tout à fait intéressante d’ailleurs, c’est l’un des seuls pays d’Europe où à la fois les gens de l’UE et de la Russie peuvent aller sans visa.

  • L’empire Russe, il y a encore 32 ans s’appelait URSS, ces pays ont été libéré des Allemands en 1945, il faut rappeler que la Russie reste un gros client économique de ces pays ou une partie importante de la population parle encore le Russe, ces pays sont entrés un peut vite dans l’OTAN. Ils ont quitté la domination Russe pour se faire commander par les Etats Unis

    • Tous ces pays y compris la Serbie ont rejoint ou desirent faire partie de l’Union Européenne, je n’en connais aucun qui veuille rejoindre la « Communauté des etats independants » autour de la Russie en compagnie de la Biélorussie ou du Kazakhstan..

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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