L’Occident n’a pas inventé l’esclavage, il l’a aboli

La prospérité occidentale n’est pas due à l’esclavage et au colonialisme.

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Slavery refief by Carsten ten Brink (CC BY-NC-ND 2.0)

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L’Occident n’a pas inventé l’esclavage, il l’a aboli

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 27 juin 2022
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Les pays occidentaux ont atteint une prospérité sans précédent. Nombreux sont ceux qui pensent que cette richesse est fondée sur l’esclavage et l’exploitation des pays non occidentaux. Ils partent du principe que « nous » nous sommes enrichis en pillant les pays pauvres et qu’il est donc de notre devoir de fournir une aide au développement et de verser une compensation pour les souffrances infligées.

 

Tromperie

Cependant, cette version de l’histoire est plutôt trompeuse. Il est vrai que les pays occidentaux ont exploré et partiellement conquis le monde depuis le XVe siècle. Et il est également vrai que, ce faisant, ils se sont rendus coupables de traite esclavagiste et d’esclavage à grande échelle. Mais l’Occident n’avait pas le monopole du mal tandis que le reste du monde était pacifique et noble.

Il n’est pas non plus vrai que l’Occident s’est enrichi grâce au colonialisme et à l’esclavage. On peut aussi voir les choses dans l’autre sens : parce que les pays occidentaux étaient plus riches et plus avancés, ils pouvaient dominer les autres pays. Toutefois, cette domination n’est pas à l’origine de la prospérité occidentale. Elle a peut-être même coûté à l’Occident plus qu’elle ne lui a rapporté.

Nous souhaitons corriger l’image de l’exploitation occidentale sur la base de cinq arguments.

 

L’esclavage n’est pas une invention occidentale

L’esclavage est un phénomène horrible et dégradant. Il n’y a aucun doute là-dessus. Mais la douloureuse vérité est qu’il a été présent partout et en tout lieu tout au long de l’histoire de l’humanité.

L’historien James C. Scott, dans son livre Against the Grain – A Deep History of the Earliest States, écrit sur les origines des premiers États :

« Pour les premiers États, l’esclavage était un moyen essentiel de maximiser la production et d’écrémer la production excédentaire. Il est presque impossible d’exagérer le rôle central du servage dans le développement de l’État […] Vers 1800, les trois quarts de la population mondiale vivaient dans le servage. En Asie du Sud-Est, tous les premiers États étaient des États esclavagistes et des États qui pratiquaient le commerce d’esclaves : la cargaison la plus précieuse des commerçants malais en Asie du Sud-Est était, jusqu’à la fin du XIXe siècle, des esclaves. »

L’esclavage était également très répandu en Afrique. « Le nombre d’esclaves en Afrique était supérieur au nombre d’esclaves exportés », écrit l’historien américain Thomas Sowell dans son livre Conquests and Cultures. L’histoire les a oubliés. Sowell décrit en détail les horreurs qui ont accompagné la traite des esclaves dans le monde arabe. La raison pour laquelle il n’y a pas de grande minorité noire qui y vit aujourd’hui, contrairement à l’Amérique, est que les esclaves ne pouvaient pas s’y reproduire, c’est dire à quel point ils étaient maltraités.

 

L’Occident a aboli l’esclavage

L’Occident a peut-être été coupable d’esclavage et de traite esclavagiste comme le reste du monde, mais c’est l’Occident capitaliste qui a aboli l’esclavage. On entend rarement les critiques anti-occidentaux parler de cela.

L’abolition de la traite des esclaves est en grande partie le résultat d’une bataille d’idées délibérée, menée pendant des décennies par une combinaison de penseurs classiques-libéraux et de militants d’inspiration religieuse, les Quakers, en Angleterre. Les célèbres partisans du libre-échange des XVIIIe et XIXe siècles, tels qu’Adam Smith, Ricardo, Bentham, Cobden et Bright, étaient des opposants de principe à l’esclavage, ainsi qu’au colonialisme, qu’ils considéraient comme une forme de protectionnisme (monopoles commerciaux) et d’intervention indésirable de l’État.

Adam Smith, le patriarche du libre marché, écrivait déjà au XVIIIe siècle dans sa Théorie des sentiments moraux (traduction libre) : « Chaque nègre de la côte africaine possède plus de générosité que son méchant maître ne peut même l’imaginer. » Il qualifiait les esclaves de « héros » et les propriétaires d’esclaves « d’ordures » et de « misérables ».

Le rôle des Quakers ne doit pas non plus être négligé. En 1783, ils mettent en place le premier comité de lutte contre l’esclavage. Sous leur influence, des sociétés anti-esclavagistes se sont formées dans toute l’Angleterre. Cela a finalement conduit le Parlement britannique à adopter une loi en 1807 interdisant le commerce d’esclaves sur les navires britanniques.

Dans les décennies qui suivirent, le gouvernement britannique prit l’initiative de mettre fin à la traite internationale des esclaves. La Royal Navy était à l’avant-garde de cette bataille. En 1833, le Parlement britannique a interdit l’esclavage dans les colonies – mais pas encore en Inde, où l’esclavage s’était tellement ancré dans la société au fil des siècles que l’abolition s’est révélée impossible pendant longtemps. (Voir Jim Powell, Greatest Emancipations : How the West Abolished Slavery).

Il ne fait aucun doute que des facteurs économiques ont également joué un rôle dans l’abolition de l’esclavage. La société industrielle complexe qui a émergé en Occident n’avait pas besoin d’esclaves, mais de travailleurs indépendants et réfléchis.

 

La prospérité occidentale n’est pas due à l’esclavage et au colonialisme

Il semble évident que les pays s’enrichissent grâce à l’esclavage et au colonialisme. À la fin du XIXe siècle, les pays européens se sont affrontés dans leur quête de puissance coloniale. Mais ont-ils gagné sur le plan économique ? Ou s’agissait-il d’une lutte politique ?

Thomas Sowell, dans Conquest and Cultures, conclut que l’esclavage n’a pas apporté la prospérité économique. Le nord des États-Unis, où l’esclavage n’existait pas, était plus riche que le sud. Le Brésil est le pays qui a probablement absorbé le plus grand nombre d’esclaves de l’histoire, mais lorsque le Brésil abolit l’esclavage en 1888, il demeura un pays reculé. Le monde arabe, criblé d’esclaves, n’est devenu riche que lorsque le pétrole a été découvert… par des entreprises occidentales.

La prospérité occidentale n’était pas non plus fondée sur le pillage des matières premières des pays pauvres. Tout au long des siècles, la majeure partie du commerce occidental s’est faite, et de loin, entre pays occidentaux.

Thomas Sowell écrit :

« L’Afrique n’était pas une destination majeure pour les investissements ou les exportations européennes […] L’Afrique était un peu plus importante en tant que source d’importations, mais celles-ci provenaient d’un nombre limité d’endroits, tels que les mines d’or et de diamants d’Afrique du Sud et les régions productrices de cacao et d’huile de palme. Au total, 7 % des importations de la Grande-Bretagne provenaient d’Afrique. »

L’historien Paul Bairoch écrit dans Economics and World History : Myths and Paradoxes (1995) qu’au cours de la période 1800-1938, seulement 17 % des exportations occidentales étaient destinées au tiers monde et seulement la moitié aux colonies. Et les exportations ne représentaient que 8 à 9 % du produit national brut des pays occidentaux. Bairoch note également que des pays comme la Suède, la Suisse, la Belgique et l’Allemagne avaient des taux de croissance économique plus élevés que les puissances coloniales comme la France, l’Angleterre, le Portugal, l’Espagne et les Pays-Bas, même s’ils n’avaient pas de colonies, ou seulement tardivement, comme dans le cas de la Belgique et de l’Allemagne.

L’Europe n’était pas non plus dépendante des matières premières d’autres régions du monde, comme on le pense souvent.

Selon l’historien David Landes :

« Les développements pionniers en matière d’énergie (charbon, machine à vapeur) et de métallurgie (hauts fourneaux alimentés au coke) étaient largement indépendants du commerce triangulaire atlantique. »

Pour Paul Bairoch « Jusqu’à la fin des années 1930, les pays occidentaux produisaient plus d’énergie qu’ils n’en consommaient. »

L’une des raisons possibles pour lesquelles une révolution industrielle a eu lieu en Europe est précisément l’absence d’esclavage et la formation d’une classe moyenne indépendante, qui a d’ailleurs commencé dès le Moyen Âge. En revanche, dans l’Empire romain, écrit l’historien Louis Rougier, « l’esclavage a empêché la croissance d’une classe moyenne productive. »

 

Les pays pauvres ne le sont pas à cause de l’esclavage ou du colonialisme, mais en raison de la dictature, la corruption et le socialisme

Autre sagesse apprise à l’école : en traçant arbitrairement des frontières, les puissances coloniales ont créé des États artificiels qui ont entraîné des guerres civiles et l’oppression des minorités dans le tiers monde. Bien qu’il y ait certainement une part de vérité dans cette affirmation, c’est loin d’être toute l’histoire.

Dans cet article, il ne sera pas question de la situation de ces pays avant leur colonisation par les États occidentaux, mais il n’y a aucune raison de supposer qu’ils étaient des paradis terrestres à l’époque. L’économiste du développement Peter Bauer souligne également que certains des pays les plus pauvres du monde n’ont jamais été des colonies, par exemple l’Afghanistan, le Tibet, le Népal, le Liberia et l’Éthiopie (qui n’a été une colonie italienne que pendant six ans au cours de sa très longue histoire).

Plus important encore, il est invraisemblable de continuer à attribuer les problèmes qui existent aujourd’hui dans les pays pauvres à l’époque coloniale, qui est révolue depuis longtemps. Si les pays et les peuples non occidentaux sont vraiment si pacifiques et honnêtes, pourquoi sont-ils incapables de mettre de l’ordre dans leur propre pays après 60 ans ?

Le grand problème des pays pauvres n’est pas l’exploitation du passé, mais la gouvernance remarquablement corrompue du présent. Une autre cause de la pauvreté en Afrique est qu’à l’époque postcoloniale, quelque 35 États africains se sont convertis au socialisme. Des pays comme le Mozambique, la Tanzanie, le Zimbabwe, le Ghana et la Guinée ont été économiquement détruits par les interventions socialistes et les nationalisations. Dans de nombreux autres pays, ce sont des dictateurs brutaux (Idi Amin, Kenneth Kaunda, Bokassa, Mobutu) qui ont rendu le progrès économique impossible. Tant que les pays africains ne sortiront pas de la spirale de la corruption et de la terreur d’État, ils resteront pauvres.

L’aide au développement n’aide pas. Au contraire, elle fournit aux élites corrompues les moyens de maintenir leur pouvoir. À la fin de la guerre froide, les pays occidentaux avaient déjà transféré 2000 milliards de dollars d’aide au développement, écrit Tom Bethell. Cet argent a disparu dans un puits sans fond. Tout récemment, The Plunder Route to Panama (2017) décrit comment les chefs d’État africains pillent leurs pays et siphonnent des dizaines de milliards vers des paradis fiscaux ailleurs dans le monde. Les pays africains, soit dit en passant, sont généralement riches en matières premières et en terres agricoles. La sécheresse, le « changement climatique » et d’autres facteurs climatiques ne sont pas les véritables raisons de la pauvreté en Afrique.

 

Le colonialisme ne fut pas que négatif

Bien sûr, les pays occidentaux se sont souvent rendus coupables d’atrocités et de massacres dans les pays en développement. Pensez au Congo belge, pour ne citer qu’un exemple notoire, mais les Néerlandais ont également de nombreux crimes sur la conscience en Indonésie et dans d’autres colonies.

Pourtant, l’héritage du colonialisme n’est pas que négatif. Les économistes américains William Easterly et Ross Levine, du National Bureau of Economic Research, ont conclu dans une étude de 2012 que la colonisation européenne eut un effet positif net sur le développement économique des pays. D’autres chercheurs affirment que la colonisation a eu dans de nombreux cas des effets positifs sur l’éducation, la gouvernance et les droits civils.

Bien sûr, cela peut être remis en question de nombreuses façons et ne justifie certainement pas l’oppression et la colonisation de pays. Le fait est que les problèmes des pays en développement ne peuvent pas simplement être attribués à l’influence pernicieuse des pays occidentaux.

 

Les leçons

Le tiers monde n’est pas pauvre à cause de l’Occident et l’Occident n’est pas riche aux dépens du tiers monde. La prospérité n’est pas un jeu à somme nulle avec une taille fixe où certains doivent toujours céder aux dépens des autres.

La prospérité de l’Occident est principalement due à la progression des droits individuels, tels que le droit à la propriété privée, et à la formation d’une société civile qui l’accompagne. Cela a permis aux citoyens ordinaires de s’épanouir et d’échanger librement des idées et des biens pour leur bénéfice mutuel.

C’est aussi le seul moyen de parvenir à un meilleur avenir pour tous. Mais sommes-nous encore conscients de cela en Occident ? Tel sera le sujet de la quatrième et dernière partie de cette série.

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  • Merci pour cet article qui remet bien à leur place certaines idées reçues.

    10
  • Très bon article. Le colonialisme a apporté la santé et l’hygiène hélas sans l’éducation qui va avec!
    Quant à l’esclavagisme, ceux qui en font porter la responsabilité aux européens, ils sont sciemment malhonnêtes pour épargner les véritables coupables!

  • Heureusement, il reste encore des réflexions pertinentes. je paraphrase d’autres commentaires : merci pour cet article.

  • La Suisse, le Luxembourg et l’Irlande, par exemple, sont des pays occidentaux prospères, qui n’ont jamais colonisé personne (l’Irlande a même été colonisée elle-même). À l’inverse, le Portugal et l’Espagne, qui ont eu un empire colonial pendant une longue période, étaient considérés comme des pays pauvres lors de leur accession à la CEE. Conclusion: il n’y a pas de lien entre la prospérité et le colonialisme.

  • « Le monde arabe, criblé d’esclaves, n’est devenu riche que lorsque le pétrole a été découvert… par des entreprises occidentales » : c’est vrai mais c’est plus facile de s’en prendre aux ventres mous, culpabilisés et veules que sont devenus les pays du « monde chrétien ».

  • Merci et bravo.
    Dommage que vous n’ayez pas cité William Wilberforce, figure de proue chrétienne de l’abolitionisme, et donc Contrepoints a publié un article qui explique qu’il est un des « héros du progrès » :
    https://www.contrepoints.org/2020/03/15/366488-william-wilberforce-une-vie-contre-lesclavage-les-heros-du-progres-8

  • l’article dit à propos des esclaves en pays musulman : « c’est dire à quel point ils étaient maltraités …. »
    En fait, s’il n’existe pas de grande descendance des esclaves en pays arabo-musulmans c’est que les esclaves mâles étaient castrés à leur arrivée.

    • La castration à l’époque tuait 90% des adultes et 50% des enfants. Malgré tout, c’était rentable car les eunuques se vendaient bien plus cher. Quoi de plus atroce?
      Par comparaison, dans les bateaux négriers, « seulement » 30% environ mourraient.

    • @Lucchini tres juste et pareil pour les nombreux esclaves capturés en occident.

  • Faites lire les articles de Damien Theillier à vos enfants.
    Les miens n’ont pas le choix.

  • Le seul truc qui me pose question est le disclaimer avant l’article.

  • La Chine est en train de coloniser l’Afrique à bas bruit: achat de terres agricoles, infrastructures réalisées avec des ouvriers chinois, pillage des ressources minières, et nous on continue de s’excuser

  • Très bon article !
    La Fontaine avait raison : « Aide-toi, le ciel t’aidera ».

  • Le Monde trouverai infâme de déculpabiliser ainsi les occidentaux. Aussi cette question: à qui profite la culpabilisation massive de l’Occident ? Où est le siège de cette entreprise d’inhibition totalitaire?

  • Les commentaires sont fermés.

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