Entre la France et l’Ukraine, l’incompréhensible « modération » de Macron

Macron attaque ses adversaires sur leur positionnement pro-russe, mais il est objectivement plus favorable au maintien des relations avec le dirigeant russe que les dirigeants des pays anglo-saxons ou ceux d’Europe centrale.

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Marcon- Poutine by Trong Khiem Nguyen - https://www.flickr.com/photos/trongkhiem/34989429566/in/photolist-ViTYp1-UZhSLG-2hcWmg7-P7nurc-P7n3nD-QJKcis-2cN8j1u-2d3tnp8-2d3ttZT-QUK3dy-2hrZicM-269ypBP-V1ZgKb 34989429566_3be8063e91_o

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Entre la France et l’Ukraine, l’incompréhensible « modération » de Macron

Publié le 9 juin 2022
- A +

Le comportement et le discours d’Emmanuel Macron vis-à-vis de Vladimir Poutine ne sont pas au goût des Ukrainiens et des pays les plus amicaux envers eux (comme la Pologne). Les nombreuses conversations téléphoniques entre le président français et son homologue russe et la volonté de Macron de ne pas humilier Poutine surprennent à l’étranger.

Macron est considéré comme un atlantiste par les Français, et pro-Poutine par les Ukrainiens. Des tensions ont d’ailleurs parfois éclaté comme le montrent les propos du Premier ministre polonais qui, début avril, taclait Macron en disant : « Personne n’a négocié avec Hitler. » Le 4 juin, les tensions ont été relancées par cette phrase de Macron : « Il ne faut pas humilier la Russie pour que le jour où les combats cesseront, nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques. » Un discours qui a provoqué des critiques de la part de l’Ukraine.

 

Une scène politique française favorable à une relation cordiale avec Poutine et la Russie

Mais, fait intéressant, Macron a reçu le soutien de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen sur ce sujet. C’est au final un consensus des principaux dirigeants de la classe politique française qui se dégage, et ce à la veille des élections législatives, dans une période où toutes les attaques sont utilisées contre l’adversaire.

Si pendant la présidentielle, et même encore actuellement, Macron attaque ses adversaires sur leur positionnement pro-russe, il est objectivement plus favorable au maintien des relations avec le dirigeant russe que les dirigeants des pays anglo-saxons (comme les États-Unis ou le Royaume-Uni) ou ceux d’Europe centrale (à l’exception du Hongrois Viktor Orban).

Cette posture française ne s’explique pas tant par l’attrait du modèle de Poutine que par une vision des relations internationales particulière.

 

La tradition gaulliste reste forte en France

Cette division entre les pays européens n’est en soi pas nouvelle. Le secrétaire à la Défense américaine Donald Rumsfeld parlait de « nouvelle Europe » pour désigner les pays d’Europe centrale beaucoup plus atlantistes que la vieille Europe composée principalement de l’Allemagne et la France. Une division qui a pris tout son sens avec la guerre en Irak et l’opposition à celle-ci menée par les dirigeants français, allemand et russe.

Cette division reste toujours présente comme le montrent les récents propos de l’ex-chancelière allemande Angela Merkel qui précise qu’il était dans l’intérêt de l’Allemagne de « trouver un modus vivendi avec la Russie afin de ne pas nous retrouver dans un état de guerre » mais « de pouvoir coexister malgré toutes nos différences ». Une approche qui n’est pas si différente de celle entendue en France.

Des facteurs historiques mais aussi économiques et géographiques expliquent les positionnements différents de ces deux groupes. La France n’a pas connu l’occupation de la Russie à travers les siècles et celle-ci était même une partenaire dans le grand jeu des puissances européennes. Un jeu qui a été souvent subi par l’Europe centrale.

Mais pour la France, c’est la doctrine d’inspiration gaulliste qui motive les dirigeants français. L’idée d’une Europe puissance qui soit indépendante des États-Unis reste prégnante. Certes, elle fait débat à Paris et un courant atlantiste a acquis de la force, surtout au niveau médiatique. Ce qui explique les hésitations d’Emmanuel Macron.

 

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Créer un compte Tous les commentaires (17)
  • « Bienheureux les pacifiques qui, évitant la malveillance, l’orgueil et l’hypocrisie, pratiquent la compassion, l’humilité, et l’amour. » ~ Bouddha
    « Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés fils de Dieu. » Jésus
    « Il ne faut pas humilier la Russie pour que le jour où les combats cesseront, nous puissions bâtir un chemin de sortie par les voies diplomatiques ». Macron
    Faites passer les messages de paix.

  • J’avais cru comprendre simplement qu’il ne faut pas humilier Poutine parce qu’il ne faut pas trop contrarier les psychotiques surtout s’ils ont un gros bâton.

    • Oui, c’est également ce que j »avais compris!
      « Les cons ça ose tout, c’est à ça qu’on les reconnait » disait Audiard!
      Quand en plus ils sont fous et possèdent l’arme nucléaire, il faut être prudent et leur parler gentiment!

      -5
      • Poutine n’est pas « con » du tout, c’est un violent (KGB) rationnel en fin de vie qui n’a plus rien à perdre et souffre des effets secondaires psychiatriques de son traitement anticancéreux. Tant que sa chaîne de commandement (nucléaire ?) lui obéit il est contreproductif de l’énerver.

        -3
        • Non, tout le monde a toujours quelque chose à perdre, Y compris Poutine. Mais je maintiens qu’il est fou quelles qu’en soient les causes ou les raisons, ce qui l’arrange bien pour nous faire croire qu’il osera le pire! Pas con peut-être, mais il faudrait peut-être actuellement étendre la plage de mesure de l’instrument pour en être certain!

          -5
  • La France n’a pas connu l’occupation de la Russie à travers les siècles et celle-ci était même une partenaire dans le grand jeu des puissances européennes. Contrairement aux USA, C’est la bonne route a suivre .

    10
    • Tout à fait, mais négocier n’est pas humilier.
      Poutine est-il ouvert à la négociation? On peut en douter!

      -2
      • Poutine peut-être pas, mais Zelensky certainement pas. Or bien que Macron soit dans la négociation la 5e roue du carrosse, il a choisi le « quoi qu’il en coûte » en soutien à Zelensky. Pour en sortir, il prend à son habitude le « en même temps » quand il aurait fallu le « ni-ni ». Espérons que d’autres seront meilleurs diplomates !

        • En 1954, Zelensky n’était pas né, Poutine avait 2 ans et Krushchev offrait la Crimée à l’Ukraine, une bombe à retardement que personne n’a eu la sagesse de désamorcer à l’amiable quand c’était possible. Ce qui doit arriver arrive, ça pète et tout le monde y perd, sauf les charognards.

        • Oui, situation bien embarrassante dont il aura bien du mal à s’extraire par ses habituelles pirouettes! Ça marche en France jusqu’à présent, mais à l’international qu’est-ce qu’ils rigolent les autres!

      • bravo, je crois que le directeur de votre officine à Moscou va vous donner 2 jours de congé, car de façon remarquable, vous avez évité le terme ukronazi , qui signale le troll de la boucherie Vlad

        -8
      • Copie de la réponse que j’ai postée ce matin mais qui semble avoir disparu.

        @C2MR : de toute façon, il faut négocier, sans être naïf bien entendu.
        On peut aussi se demander si M. Zelensky, créature lancée, parrainée et cornaquée par les États-Unis, est réellement disposer à négocier, c’est-à-dire à faire des concessions, chose que l’on attend de chaque partie à une négociation. N’oublions pas que tous les dirigeants ukrainiens depuis 2014 ont refusé d’appliquer les accords de Minsk qui visaient à régler le conflit dans le Donbass…
        Pour le reste, les bases d’une solution restent les mêmes :
        – reconnaissance de l’appartenance de la Crimée à la Russie : volée par Kroutchev à la Russie en 1954 sans respecter les procédures constitutionnelles alors applicables, la Crimée n’a JAMAIS été ukrainienne mais tatare il y a deux siècles et russe depuis ;
        – neutralisation de l’Ukraine, c’est-à-dire engagement « solide » de ne pas adhérer à l’OTAN, ce qui constituerait une agression intolérable pour la Russie (là-dessus, presque tous les Russes sont d’accord : ce n’est pas une « lubie » de M. Poutine mais du patriotisme de bon sens, tout comme celui des États-Unis qui étaient prêts à affronter militairement l’URSS en 1962 pour quelques fusées installées à Cuba) qui serait ainsi encerclée par les États-Unis : car l’OTAN est un des bras armés de l’impérialisme étasunien, le reste des membres de cette organisation étant des vassaux de l’empire étasunien ou des « cautions », comme, hélas, la France depuis 2008 lorsque M. Sarkozy l’a réintégré dans l’organisation militaire dont le Général nous avait sortis en 1966 ;
        – recherche d’une solution pérenne au conflit dans le Donbass : c’est évidemment le point le plus complexe au sujet duquel les notions de négociation et de compromis doivent prendre tout leur sens ; après le « sabotage » des accords de Minsk, faut-il repartir néanmoins de ces textes ou faut-il chercher une autre solution, comme une modification des frontières ?

        NB : contrairement à ce que certains pourraient croire, je ne donne pas dans l’antiétasunisme ; cette hyperpuissance joue son jeu qui est celui d’une expansion de sa puissance dans tous les pays où cela lui semble possible : la seule réserve que je formule sur cette politique, toujours en me plaçant du point de vue des intérêts étasuniens, est que les gains potentiels très intéressants à court terme (affaiblissement durable de la Russie encerclée par les vassaux des États-Unis) risque d’être contre-productive à moyen ou à long terme car faisant le jeu de la principale – probablement de la seule – puissance concurrente des États-Unis, à savoir la Chine ; en effet, l’affaiblissement de la Russie ferait disparaître un contrepoids à l’expansionnisme chinois en Asie centrale et pourrait même amener la Chine à satelliser de facto la Russie : mutatis mutandis, cela rappelle les conséquences de la disparition de l’empire austro-hongrois en 1918 qui bénéficia à l’Allemagne en Europe centrale… même si ce n’était pas l’intention des Alliés en 1919.

        Un point certain est que les pays européens ont intérêt à mettre un terme à cette guerre russo-ukrainienne, d’abord humainement meurtrière et, ensuite, contribuant à affaiblir la position des pays européens dans le monde : aussi, suivre la politique des États-Unis, contribuer à prolonger la guerre en déversant d’énormes quantités d’armes dont un nombre important risque, à terme, de tomber entre des mains peu recommandables, cette attitude des pays européens est stupide car contraire à leurs intérêts fondamentaux qui sont notamment, en dépit de toutes les péripéties et vicissitudes prévisibles, de créer un partenariat durable avec la Russie, quels que soient ses dirigeants. Pour le moment, les quelques tentatives de M. Macron et de nos amis italiens (qui m’ont agréablement surpris) constituent à peu près les seules tentatives de pays européens de prendre en main peur destin au lieu de donner dans le canichisme euro-otano-étasunolêtre …

        • « disposé », pardon !
          [Cf. « On peut aussi se demander si M. Zelensky, créature lancée, parrainée et cornaquée par les États-Unis, est réellement disposé à négocier, » …]

        • Les populistes franchouillards osent tout, rien ne les arrêtent, récrire l histoire, la falsifier, reprendre mot à mot la propagande russe pourtant très grossière…….😄😄😄

          -1
          • @PhLh : comme le disait l’un des personnages du roman « Fondation » d’Isaac Asimov, « La violence est le dernier refuge de l’incompétence ».
            Incapable d’argumenter ou trop paresseux pour le faire, vous vous bornez à éructer de piètres insultes. Les lecteurs de Contrepoints » apprécieront vos capacités de raisonnement, de dialogue et d’argumentation …

  • Les médias ont expliqué que c’était parce que Macron pensait « à long terme »… Donc selon eux, c’est « bien ». Par contre, si une entreprise privée ou un pays « eurosceptique » fait la même chose, c’est « mal » !…

    • Ben c’est mieux de penser à long terme, disons pour se trouver un job dans 4 ans et 11 mois, que de ne pas penser du tout.

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