TeScia : le test de maths qui remonte le niveau

Retour sur le TeSciA (Test Scientifique Avancé), un examen de Mathématiques exigeant, avec classement de tous les participants.

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Professeur au tableau dans un cours de mathématiques (Crédits : Université de Montréal, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

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TeScia : le test de maths qui remonte le niveau

Publié le 22 mai 2022
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Par Armand Lépiers, lycéen.

Il s’agit d’un secret de polichinelle, le niveau des élèves français est désormais faible. Selon les derniers classements PISA nous nous hissons péniblement au-dessus de la moyenne des résultats des pays de l’OCDE et à peu près au même niveau que le Portugal…

Cependant, les gouvernements successifs ne cessent de nous seriner que tout va bien, que le constat de la chute du niveau est une esbroufe tantôt réactionnaire tantôt élitiste (souvent les deux) et que nous devrions dormir tranquilles, la relève est assurée !

Mais il faut bien se rendre à l’évidence, ce n’est pas le cas. Je suis moi-même actuellement en Terminale et le niveau (le mien en premier) est bien bas. Mais avec la réforme du baccalauréat le contrôle continu est devenu partie intégrante des notes dudit baccalauréat. Par voie de conséquence, les professeurs se sont mis à surnoter leurs élèves, sans doute pour ne pas les décevoir en leur avouant que leur niveau est moyen. Cette politique amène à terme à des moyennes de classe qui ne veulent plus rien dire, les meilleurs élèves se retrouvant à quelques dixièmes de points du gros de la classe et à trois ou quatre points des plus mauvais.

Cela est particulièrement embêtant pour les formations sélectives (au rang desquelles les classes préparatoires) qui ne parviennent plus à séparer le bon grain de l’ivraie et qui se voient contraintes de prendre mille précautions pour éviter de recruter des étudiants n’ayant pas le niveau. Ces précautions comprennent par exemple le fait de ne recruter des élèves que dans un petit vivier de lycées que l’on connait de longue date pour leur bon niveau. Face à cet état de fait, un petit nombre de professeurs issus de classes préparatoires ont décidé de mettre en place un examen de Mathématiques exigeant, sans concession, avec classement de tous les participants. Cet examen se nomme TeSciA (Test Scientifique Avancé) et est tout bonnement merveilleux.

J’en parle en connaissance de cause, ayant moi-même participé à la première édition de mars 2022. Non seulement et à la différence des Olympiades et autres concours généraux il ne nécessite aucune préparation spécifique hormis la connaissance et la maîtrise de programme de Terminale de la spécialité Mathématiques, mais on peut y accéder pour des frais d’inscription modiques, vingt euros, quinze de moins si l’on est boursier. Cet examen a tout pour plaire à l’Éducation nationale, il est accessible à tous, ne coûte presque rien, vise à aider les élèves à se positionner par rapport à leurs désirs quant aux études supérieures, est anonyme etc. Tous ces arguments avaient su séduire Contrepoints qui a été le premier et quasiment le seul journal à faire la promotion de cet ambitieux projet.

Une levée de bouclier contre TeScia

Oui mais voilà, l’idéal méritocratique ne semble plus être l’idéal des enseignants, qui ont accueilli cette initiative avec une grande tièdeur, euphémisme pour décrire ce qui a été plus ou moins une levée de boucliers : TeScia serait discriminatoire, en fonction de leur établissement d’origine les élèves seraient plus à l’aise avec les questions posées, il n’y aurait pas assez de centres d’examens ce qui empêcherait de nombreux jeunes de participer etc.

Devant tant de mauvaise foi, on ne peut qu’être pantois. Avec 25 centre d’examens répartis tant en métropole qu’en outre-mer on peine à comprendre ce reproche, sans compter qu’il s’agit de la première édition de cet ambitieux projet pour lequel l’Enseignement Catholique a mis d’innombrables bâtons dans les roues.

De même est incompréhensible l’argumentaire de ces professeurs qui affirment que TeSciA ne serait qu’un moyen d’assurer la reproduction sociale des élites. On nous ressort le même discours que celui ayant justifié le démantèlement des Humanités, réputées trop bourgeoises et élitistes. Là où le bât blesse c’est que la sélection sur les sciences est sans doute l’une des plus égalitaires et méritocratiques au monde. Nul besoin d’avoir intégré des codes sociaux tacites pour résoudre des problèmes mathématiques, qui plus est nous sommes en 2022 avec un accès à Internet sans précédent. La toile et ses innombrables ressources rendent la connaissance encore plus accessible qu’auparavant. Affirmer qu’il serait impossible à un jeune, insatisfait par l’enseignement scolaire, de se former par lui-même relève tout bonnement de l’aveuglement volontaire.

Un autre grief est que l’examen serait payant ce qui constituerait une inacceptable rupture d’égalité. Il est vrai qu’avec un prix de cinq euros pour les boursiers, cette sélection par l’argent est tout bonnement inacceptable ! Pensez donc, le prix d’un plat grec pour un examen, le kebab étant comme chacun le sait un repas réservé aux citoyens les plus riches ! Oui, nous ne pouvons qu’agréer, cette sélection par l’argent fait des ravages terribles dans notre belle Socialie et quoi de plus normal que de lutter contre cette initiative éminemment anti-démocratique ?

Plus sérieusement, loin de montrer quelque chose de novateur, la réaction épidermique des professeurs à une forme juste de sélection témoigne simplement de leur haine de la méritocratie, qu’ils affirment pourtant défendre, dès lors qu’elle n’émane pas du sacro-saint service public.

Cet examen anonyme a toutefois eu un franc succès, avec environ 1800 élèves inscrits alors même que les établissements scolaires poussaient des cries d’orfraie et incitaient leurs élèves à ne pas y participer (ce fut le cas dans mon lycée). Visiblement de nombreux jeunes ont bien conscience que le baccalauréat est devenu un diplôme de moins en moins diplomant (le comble) qui ne permet plus d’accéder sereinement aux études supérieures et qui en conséquence se tournent vers des palliatifs promettant une véritable évaluation. On ne peut que souhaiter que ce système se développe devant la déliquescence de plus en en plus généralisée du mammouth. En espérant que ce système pourra permettre à la jeunesse de trouver des échelles de valeur moins biaisées que le premier diplôme universitaire et qu’elle comprendra que l’école publique lui a toujours menti sur son véritable niveau pour de basses raisons politiques.

 

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  • Avatar
    jacques lemiere
    22 mai 2022 at 7 h 22 min

    les diplômes d’état perdant sens..la nature ayant horreur du vide..

  • Merci pour cet article . Merci pour votre grande lucidité . Des raisons d’espérer donc . Merci aussi pour ce lien vers les lycées catholiques , on voit que le catholicisme , loin de lutter contre les imposteurs et les impostures , donne dedans avec délice, montrant une fois de plus la mort de la secte (c’est une chrétienne ascendant catho qui écrit) . C’est heureux de voir des personnes qui se démènent contre vents et marées pour lutter contre le courant .

  • Plus généralement, comment accepter l’évaluation quand on est soi-même jamais évalué sur de bons items.
    Un prof n’a jamais quitté l’EN, étudiants puis prof, un concours sur des matières a priori acquise en master et ensuite 100% de validation après une première année. La qualité majeure, savoir tenir une classe, jamais évalué.
    Le comble c’est que cette qualité n’est pas évaluable au concours…

    • « Plus généralement, comment accepter l’évaluation quand on est soi-même jamais évalué sur de bons items. » … Ah, parce que dans l’entreprise on est évalué sur de bons items sans doute. Désolé, j’en ai marre de ce genre d’inepties de zinc.
      Ceci étant dit, notre jeune ami appuie là où ça fait mal. Je suis moi même désespéré de voir arriver jusqu’à moi (lycée pro) des élèves ne maîtrisant pas le calcul des pourcentages. Que voulez vous que j’en fasse ?

  • Comme les professeurs de lycée actuels sont généralement issus de la médiocratie dominante de ces dernières années (les bons, les « qui en veulent » ont généralement fait une grande école et travaillent soit en entreprise, soit s’ils enseignent, sont dans le supérieur, particulièrement le supérieur « sélectif »), l’idée même d’évaluation des performances leur est insupportable.

    Un vrai test du niveau de math des lycéens ? Vous n’y pensez pas, ça pourrait donner lieu à des évaluation de nos pratiques, une remise en question du statu quo ante, voire, hérésie des hérésies, une véritable sélection basée sur le niveau et non plus sur (seule sélection possible officiellement aujourd’hui) l’ethnicité, le niveau social, les statuts victimaires variés. Et pire encore, avec tout ça on pourrait se retrouver à avoir plein de garçons blancs et juifs ashkénazes trustant les premières places comme jadis, avec pas assez de femmes noires lesbiennes en fauteuil roulant dans les premières ! Discrimination insupportable, racisme et transphobie… Vite, cachez ce test de maths que nous ne saurions voir !

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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