Ralentissement en Chine : le covid pas seul responsable

La Chine traverse un grave ralentissement causé par l’éclatement de l’énorme bulle immobilière et la répression du secteur privé, qui a entraîné une réduction de la croissance des investissements.

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Ralentissement en Chine : le covid pas seul responsable

Publié le 14 mai 2022
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Par Daniel Lacalle.

Les chiffres macro-économiques les plus récents montrent que le ralentissement chinois est beaucoup plus sévère que prévu et qu’il n’est pas seulement imputable aux confinements liés au Covid-19.

Les confinements ont un impact énorme. 26 des 31 provinces de Chine continentale connaissent une augmentation des cas de covid et la crainte d’un confinement de type shanghaien est énorme. Les informations en provenance de Shanghai prouvent que ces fermetures drastiques causent d’énormes dommages à la population. Des millions de citoyens privés de nourriture ou de médicaments et une augmentation des suicides ont montré que la tristement célèbre politique du zéro covid dissimule souvent un contrôle et une répression de masse de la population.

Il est facile de rendre responsables les confinements liés au Covid-19 pour l’affaiblissement de l’économie chinoise, mais ce serait une simplification grossière. Le problème est plus profond.

La Chine traverse un grave ralentissement causé par l’éclatement de l’énorme bulle immobilière et la répression du secteur privé, qui a entraîné une réduction de la croissance des investissements.

Selon Nomura Research, la Chine est confrontée au pire ralentissement depuis l’épidémie de covid en 2020 et le monde devrait s’inquiéter d’une nouvelle dérive, car les défis persistent. Les chiffres officiels du produit intérieur brut (PIB) peuvent être manipulés pour atteindre l’objectif du gouvernement, mais tous les autres chiffres macro-économiques indiquent une croissance beaucoup plus faible.

Nous devons nous rappeler que le gouvernement chinois booste le PIB réel de deux manières :

  1. En publiant un chiffre d’inflation et de déflateur du PIB faible.
  2. En augmentant massivement les dépenses de crédit et d’infrastructure.

 

Cependant, ces deux moyens ne peuvent masquer l’importance de l’affaiblissement de l’économie chinoise, car il est désormais structurel.

Le problème le plus important est l’effondrement de la bulle immobilière.

Selon un document de recherche de Kenneth Rogoff et Yuanchen Yang, le secteur immobilier représente environ 29 % du PIB de la Chine. Il est impossible pour le gouvernement chinois de compenser l’impact d’une partie aussi massive de l’économie par d’autres secteurs à forte croissance. En outre, l’impact de l’immobilier sur le marché du travail est difficile à remplacer. L’économiste George Magnus a prévenu que l’impact de l’effondrement de l’immobilier durerait des années.

Pour ajouter à un problème immobilier difficile, la répression de l’État à l’égard du secteur privé rend encore plus difficile la stimulation de la croissance dans d’autres industries et entreprises.

La crainte d’une intervention politique constante entraîne un ralentissement massif de la croissance des investissements directs étrangers, ainsi que la peur de déployer des capitaux et de prendre des risques dans l’économie chinoise pour ensuite subir de graves sanctions de la part des autorités lorsque les bénéfices arrivent.

L’ampleur de la détérioration de l’économie chinoise est évidente dans les récents indicateurs avancés. L’indice Caixin des directeurs d’achat de l’industrie manufacturière générale en Chine (PMI) a chuté à 48,1 en mars 2022, son plus bas niveau depuis 25 mois, signalant une contraction. L’indice PMI Caixin des services a chuté à 42,0 en mars, contre 50,2 en février, passant sous le niveau qui sépare la croissance de la contraction. Cette lecture indique la plus forte baisse d’activité depuis février 2020.

L’intervention politique dans le secteur technologique, qui est l’un des principaux créateurs d’emplois en Chine, a fait craindre un gel des effectifs et des licenciements, selon certains médias. En outre, la décision de la banque centrale de réduire les réserves obligatoires des banques n’a pas permis d’éviter une baisse significative de la croissance du crédit, comme le rapporte JP Morgan.

À tout cela, il faut ajouter une monnaie, le yuan, qui est utilisée dans moins de 3 % des transactions mondiales, selon Reuters, en raison de l’extrême contrôle des capitaux et de la fixation du taux de change imposés par la banque centrale. La confiance dans la monnaie locale est faible en raison de l’intervention extrême sur le marché des devises, ce qui empêche la Chine de disposer d’un moyen de paiement véritablement international.

La dette élevée de la Chine est également un problème.

La dette totale dépasse 300 % du PIB, selon l’Institut de la finance internationale. La Banque centrale européenne (BCE) souligne que le ratio dette/PIB de la Chine pour l’ensemble du secteur privé s’élève désormais à plus de 250 % et que la part des entreprises dans cette dette est la plus élevée au monde. La BCE souligne également le risque créé par le fait qu’une « proportion significative du financement est fournie au secteur des entreprises par des institutions financières non bancaires », ce qui entraîne une prise de risque plus élevée et un système bancaire parallèle qui conduit à des inefficacités importantes et à des problèmes de solvabilité.

Les confinements agressifs et malavisés affectent les chaînes d’approvisionnement et l’activité, mais les problèmes structurels liés à l’intervention croissante dans la monnaie et les industries, ainsi qu’à une économie fortement endettée, risquent de freiner la croissance réelle et l’emploi pendant longtemps.

Traduction Contrepoints.

Sur le web

 

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  • Le covid semble quand même le gros responsable de tous les problèmes Chinois en ce moment. Il n’y a qu’à voir le nombre de porte containers en attente au port de Shanghai ou autres villes… Le fait que les principales villes soient en confinement assez drastique, et que ses travailleurs sont littéralement à l’arrêt, il est évident que cela entraîne une pénurie d’activité et donc d’import/export (surtout export d’ailleurs).
    Cela va affecter (si ce n’est pas déjà le cas, même si on l’incombe au conflit ukraine/russie, enfin… us/russie) toute la planète.

    -1
    • Il y a toutes les chances que dans 2 mois, le covid soit revenu à quasi-zéro en Chine. Le nombre de cas a déjà été divisé par plus de 3 par rapport au pic. Les médias occidentaux passent leurs reportages avec une semaine ou deux de retard.
      Pour la crise immobilière en revanche, on ne parle pas en mois mais en années, voire en lustres.

  • Tout à fait d’accord. S’y ajoutent d’autres causes de déclin à long terme, de la situation démographique à l’isolement intellectuel : https://www.yvesmontenay.fr/2022/04/25/est-ce-la-fin-de-la-croissance-chinoise/

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Auteurs : Philippe Aghion, est professeur à l'INSEAD, professeur invité à la LSE et titulaire de la Chaire Économie des institutions, de l'innovation et de la croissance, Collège de France. Céline Antonin est chercheur à Sciences Po (OFCE) et chercheur associé au Collège de France, Sciences Po

 

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