Présidentielle : la clé de la victoire est dans la coalition

Tant que la droite républicaine ne réussira pas à refonder un parti de coalition avec un leader et des courants tenus par un code de bon voisinage et de bonne conduite, elle court à sa ruine.

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Présidentielle : la clé de la victoire est dans la coalition

Publié le 29 avril 2022
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Par Éric Martin.

Nouvelle élection, nouvelle victoire de Macron, nouvelle défaite à droite. Déroute du PS et des écolos. Quant au RN, il s’empale à nouveau sur son plafond de verre.

Certains partis politiques ont perdu, et LREM triomphe. Mélenchon s’en sort très bien, il a su créer une dynamique forte malgré son essoufflement aux dernières européennes. Les partis gagnants ont des leaders forts qui président leur parti. LREM a Macron, LFI a Mélenchon. On pourrait dire que le RN à Marine Le Pen, mais celle qui a été surnommée « Marine La Purge » par certains de ses adhérents représente une exception.

La différence de vote entre métropoles et campagnes est flagrante, de même que les différences de votes entre classes d’âge. Rarement une élection n’a été aussi déterminée par la sociologie. Celui ou celle qui veut être élu doit donc obtenir les suffrages du plus grand nombre possible de groupes sociologiques.

Regardons d’autres leaders politiques victorieux, et initialement sous-estimés :

  •  François Hollande en 2012
  •  Sarkozy en 2007
  •  Mélenchon en 2017, qui n’est pas passé si loin du second tour

 

À l’inverse, observons les perdants, ceux qui ont sous-performé lors d’élections où ils étaient attendus bien plus haut :

  • Hamon en 2017
  • Fillon en 2017, que tout le monde voyait fin 2016 être élu dans un fauteuil
  • Pécresse en 2022
  • Jadot en 2022

Réunir plusieurs courants sociologiques

Lorsque François Hollande s’impose en 2012, il est le premier secrétaire d’un Parti socialiste qui comporte plusieurs courants (les frondeurs qui suivront Hamon en 2012, les « bourgeois urbains » rangés derrière Anne Hidalgo, les vallsistes et les sociaux-démocrates productivistes montebourgeois). Il récupère donc la  somme des voix de chacun de ces courants assez distincts, et s’installe à l’Élysée. Il a d’ailleurs passé son quinquennat a essayé de faire tenir ensemble ces multiples courants formant sa coalition majoritaire mais qui se détestaient, et qui se sont étripés à la primaire suivante. Avec une conséquence implacable : Hamon en 2017 a récolté les voix des seuls frondeurs, là où Hollande faisait 28,63 % au premier tour ; et Hidalgo a fait en 2022 un score misérable (ce qui ne me désole que très modérément).

En 2007, Sarkozy s’impose par son charisme et sa présence médiatique comme le leader des droites. Par sa prééminence il s’impose comme le chef, et tous se rangent derrière lui. À l’inverse, lors de la primaire de fin 2016 (en vue de préparer la présidentielle 2017), Fillon, Juppé et Sarkozy se présentent chacun comme le chef d’un seul courant, et non comme un candidat à la direction de toute l’UMP. Ils obtiennent chacun un tiers des voix, mais le résultat final place le courant filloniste vainqueur tandis que les juppéistes passent avec armes, bagages et électeurs… chez Macron. D’où le résultat de 2017, et le suite de la traversée du désert UMPiste avec Valérie Pécresse, héritière de Sarkozy (20 % aux primaires de la droite de 2016). Pécresse a représenté une UMP dont les juppéistes sont partis chez Macron et les fillonistes chez Zemmour.

Enfin, regardons avec une certaine gourmandise le plantage de Jadot, représentant d’une écologie social-démocrate face à Sandrine Rousseau, plus intersectionnelle (le terme français pour woke). Suite à la primaire, elle n’a cessé de mener une guerilla intestine contre celui qu’elle était sensé soutenir. Ce qui donne cette photo très amusante, mais aussi très parlante.

La force de la coalition présidentielle macroniste

À l’inverse, Macron assume parfaitement d’être le leader incontesté d’un parti macroniste qui rassemble sous une vaste tente :

  • l’aile (crony)-business friendly de l’ex PS, ceux qui ont voté Valls à la primaire socialiste de 2017 et veulent lutter contre le réchauffement climatique. Mais sans la machine à perdre que Valls est devenu
  • les centristes de Bayrou (mais en ayant rangé le phare du Béarn dans une niche). Par exemple les seniors qui veulent que leur retraite continue à tomber sans souci
  • les jeunes internationaux, qui rêvent d’Europe et d’un monde sans frontières
  • le centre-droit juppéiste, désormais incarné par Édouard Philippe

 

Au final, gagnent les partis qui savent agréger des coalitions de courants alliés, qui collaborent entre eux derrière un leader, ou du moins un bureau politique. La direction est en charge de donner du crédit à chaque courant, de lui apporter des postes (d’élus ou de cadres, ainsi que des actions législatives ou budgétaires si le parti arrive au pouvoir) à proportion de leurs contributions (en électeurs et en militants). Et les courants ont en charge de ne pas se tirer dans les pattes les uns les autres, essayer de collaborer, et ce même s’ils ne s’aiment pas outre mesure. Un peu comme les différents services d’une entreprise. Avec une conséquence implacable pour les partis qui tolèrent les dissensions fratricides : si vous purgez un courant rival, dans quelques années votre parti perdra les électeurs et les militants issus de ce courant.

Recréer un parti multi-courants, avec un leader incontesté MAIS qui se comporte en agrégateur des courants en leur interdisant de se taper dessus, c’est ce qu’a réussi François Mitterrand en 1981. Avec un triomphe politique que l’on peut trouver funeste mais objectivement incontestable.

Tant que la droite républicaine ne réussira pas à refonder un parti de coalition avec un leader et des courants tenus par un code de bon voisinage et de bonne conduite, elle court à sa ruine. À l’inverse, dans la mesure où Macron s’assume en gestionnaire d’un parti de coalition, pour ceux qui souhaitent faire avancer le libéralisme en politique, rejoindre le courant de Koenig au sein de LaREM n’est pas la plus mauvaise des idées.

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  • Gaspard Koenig à LaREM ? Que nous vivons là des temps intéressants !

  • Observateur objectif de la politique française, je suis obligé de constater que les principales objections à Le Pen ne sont que des anathèmes, des grossièretés déguisées, qui ont un effet mécanique de montée du vote RN.
    Le Pen a fait plus de 40 %. Pim, pam, poum, une nouvelle volée d’anathèmes s’abat.
    Dans cet article même, il s’étale à la première ligne. Citation : « Quand au RN, il s’empale à nouveau sur son plafond de verre. »
    Commentaire, nul et insultant, qui va augmenter le vote RN !
    Il vaut mieux pour Tartempion que l’auteur abandonne la carrière politique. C’est un Ayatollah !

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