Macron face à l’insoutenable fragilité de l’économie française

Ce qui attend les Français et Macron sur le terrain de l’économie est redoutable.

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Emmanuel Macron by Amaury Laporte(CC BY-NC 2.0)

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Macron face à l’insoutenable fragilité de l’économie française

Publié le 27 avril 2022
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En réélisant le Président sortant, les Français ont majoritairement rejeté le programme attrape-tout de sa challenger, un programme de fermeture du pays bourré d’incohérences et de mesures inapplicables.  Mais s’ils ont repoussé le scénario du pire, l’horizon économique du pays n’en reste pas moins sombre et ne devrait pas s’éclaircir de sitôt.

La tâche de ceux qui vont impulser la politique économique des 5 prochaines années va donc être particulièrement difficile avec un cumul d’obstacles à surmonter dans un environnement financier devenu périlleux.

 

Un contexte économique très dégradé

Le patient français souffre d’une double pathologie affectant ses comptes publics et son tissu productif. Les premiers sont de fait dans un état critique. Le nouveau quinquennat commence avec une dette publique qui a augmenté de 600 milliards d’euros depuis 2017 et s’élève à 113 % du PIB. En 2022, le déficit de l’État et des administrations correspondra au minimum à 6 % de ce même agrégat. Il va donc falloir continuer à emprunter des montants considérables qui pour l’année en cours s’élèveront à 260 milliards d’euros.

Or, en raison du retour de l’inflation, la BCE ne pourra pas maintenir à un niveau quasiment nul le coût de refinancement des États de la zone euro. Il ne faudra donc pas compter sur des taux aussi bas que dans le passé et la charge de la dette va devenir beaucoup plus lourde. Cela intervient à un moment où le programme du candidat élu prévoit 75 milliards de dépenses supplémentaires en matière de soins, d’éducation, de logement, de justice et de prise en charge du grand âge.

Quant aux entreprises on sait que depuis deux ans elles subissent des difficultés logistiques croissantes. Pendant la crise sanitaire elles ont brutalement été confrontées aux effets pervers d’une division internationale trop poussée des processus productifs. Les chaines de sous-traitance mises en place les trente dernières années se sont révélées dangereuses.

Plus de deux ans après le début de l’épidémie, les confinements à répétition inspirés par la stratégie zéro covid des autorités chinoises continuent à pénaliser gravement les entreprises qui n’ont pas d’alternative.

À cela s’ajoutent désormais les conséquences de la guerre en Ukraine aux répercussions considérables sur le prix de l’énergie, des engrais, des métaux et des matières premières en général.

À ces coûts induits par les ratés de la mondialisation s’additionnent ceux des pratiques environnementales sociales et de bonne gouvernance exigée d’elles. Dans un temps très court elles doivent s’adapter aux impératifs de la transition énergétique qui demande des investissements considérables qu’elles ne pourront pas mettre en œuvre sans que l’État les y incite et qu’elles vont avoir bien du mal à financer.

L’éléphant dans la pièce 

La question du changement climatique occupe désormais tous les esprits et pousse à accélérer le rythme de la transition énergétique.

À cet égard la France est en apparence un pays vertueux puisqu’elle contribue au PIB mondial à hauteur de 3,2 % en n’émettant que 1 % du total des gaz à effet de serre (GES) relâchés dans l’atmosphère. Mais cela est largement dû à la désindustrialisation accélérée de son économie car en tenant compte des importations, avec 1 % de la population mondiale elle émet 1,7 % du total des GES.  La marche à franchir pour tenir nos engagements est donc très haute. Avec la loi relative à la transition énergétique, la France s’est fixée deux objectifs principaux :

  • 40 % de réduction de ses émissions d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990.
  • 75 % de réduction de ses émissions d’ici 2050, par rapport au niveau de 1990.

 

Les atteindre exige des investissements considérables, plus encore si est relocalisée une partie des activités industrielles aujourd’hui basées à l’étranger.

On les évalue à 100 milliards d’euros par an, soit 4 points de PIB, ce qui nécessite de doubler ceux qui sont consentis actuellement. Les entreprises ne sont pas en mesure d’initier le processus car pour elles ces dépenses qui engagent le pays sur la très longue durée ne sont pas rentables. Les réaliser entre dans le cadre normal des missions d’un État libéral telles que les a formulées Adam Smith. Il lui assigne en effet le devoir « d’ériger et d’entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions que l’intérêt privé d’un particulier ou de quelques particuliers ne pourrait jamais les porter à ériger ou à entretenir, parce que jamais le profit n’en rembourserait la dépense » et cela bien « qu’à l’égard d’une grande société ce profit fasse beaucoup plus que rembourser les dépenses » (La Richesse des Nations, Livre IV, chapitre 9).

Nous sommes ici typiquement dans ce cas de figure qui confère à l’État un rôle moteur sans que pour autant il se substitue au secteur privé qui reste chargé de la mise en œuvre des projets. Mais pour y parvenir, pour relancer le nucléaire, développer l’éolien au large de nos côtes ou produire des batteries, il faut que l’État ait conservé des marges de manœuvre alors qu’il en est aujourd’hui totalement dépourvu.

Une autre difficulté à surmonter est l’inévitable et forte augmentation des prix de l’énergie. Il entre dans le rôle d’un État libéral de le laisser jouer ce signal prix sans le contrer par des subventions. Il est aussi de le compléter en mettant en place des mécanismes de fixation d’un prix du carbone incitant les agents privés à rejoindre spontanément la trajectoire évitant un réchauffement excessif du globe. On estime ce prix à 150 euros par tonne de CO2. Mais on voit tout de suite qu’une telle évolution frappe de plein fouet le pouvoir d’achat des plus modestes et entre en collision avec le mode de vie du plus grand nombre (fleurs et fruits disponibles en toutes saisons, voyages en avion si et quand on le désire, consommation ostentatoire, produits jetables etc.).

 

La quadrature du cercle 

La situation de notre économie appelle donc des solutions difficiles à mettre en œuvre tout en conservant le cadre de liberté le plus large possible.

Sur le plan extérieur il est vital de rester dans un cadre de liberté des échanges. C’est dans ce cadre que s’est organisée notre économie désormais globalisée. Casser cette organisation aurait un coût faramineux. Il faut l’aménager, la régionaliser mais pas la détruire. Pour rester dans le cadre européen il va aussi falloir avec nos partenaires définir et appliquer de nouvelles règles de discipline budgétaire qui mettront inévitablement fin à la parenthèse du « quoi qu’il en coûte ».

Dans les années qui viennent la conduite des finances publiques devrait avoir pour leitmotiv de ne pas fragiliser plus encore un contexte macroéconomique déjà très dégradé. Cela suppose en premier lieu de ne pas alimenter la spirale prix-salaires par une indexation trop mécanique des revenus.

Si on renouvelle l’erreur du début des années 1980 qui a consisté à protéger les salariés en faisant payer la facture aux entreprises, elles vont perdre en compétitivité, investiront et embaucheront moins. Le chômage repartira à la hausse et les comptes publics plongeront dans le rouge vif alors que la hausse du taux d’emploi est la condition sine qua non de la restauration de marges de manœuvre budgétaire.

L’autre voie pour en recréer est de réussir la réforme des retraites de manière à transférer des ressources vers les nouveaux postes de dépense. La France y consacre aujourd’hui 13,5 % de son PIB alors que la moyenne des pays de l’UE est inférieure à 10. Ce sont 4 points d’écart qui ne financent ni l’éducation, ni la santé, ni le nucléaire, ni le logement. On estime que reculer l’âge de départ à 65 ans récupérerait un gros point de PIB, soit de 20 à 25 milliards d’euros

Dans le domaine de l’énergie, les autorités seront également sur le fil du rasoir. L’enjeu est d’inciter les agents à adopter des comportements conformes aux exigences climatiques sans verser dans l’autoritarisme et de faire passer la taxe carbone de 80 à 150 euros. Pour être socialement acceptable ce doublement doit être accompagné de mesures ciblées en faveur des plus modestes. De ceci on déduit que le pouvoir d’achat devrait sensiblement diminuer lors du prochain quinquennat

 

Le danger d’une économie et d’une société bloquée

Dans les 5 prochaines années, l’état de l’économie est donc potentiellement source de multiples blocages qui peuvent rendre la société française ingouvernable et pousser le pouvoir à perdre ses derniers repères libéraux pour devenir de plus en plus autoritaire. Tout dépend de l’intensité de ces blocages et de la capacité du gouvernement à les dénouer. S’il n’y parvient pas le pays s’enfoncera dans un tunnel sans fin de difficultés.

 

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  •  » la désindustrialisation accélérée de son économie car en tenant compte des importations, avec 1 % de la population mondiale elle émet 1,7 % du total des GES.  »
    Cela n’est pas une preuve de la désindustrialisation. Juste que les français émettent plus de GES que la moyenne.
    Avec une tax carbone a 80-150€/T cela fait le litre à plus de 2.5€.

    • Oui mais on va planter plein d’arbres pour séquestrer vertueusement nos surplus d’émissions carbonées. Et comme nos forêts prolifèrent déjà, entourant bientôt des centrales nucléaires qui pousseront comme des champignons, nous serons les champions de la décarbonation juste avant le prochain petit âge glaciaire qui se profile à l’horizon.

  • bonjour, heureusement nous avons un état qui conserve des connaissances sérieuses : https://www.economie.gouv.fr/facileco/troc-a-largent
    On y redécouvre les bases de l’économie : l’argent vient du travail, alors pourquoi le « quoi qu’il en coûte » ? et les redistributions à gogo ?
    Le réchauffement climatique, ben c’est pas nouveau et ce n’était pas lié aux activités humaines…. alors pourquoi suivre des idées folles ?
    Avec toutes les croyances idiotes, notre économie s’affaiblie.
    bonne réflexion.

  • « le pouvoir d’achat devrait sensiblement diminuer lors du prochain quinquennat »
    Economie plombée par la dette
    Industrie en chute libre
    et on veut en plus faire la guerre à la Russie , arrêter les importations de gaz de Russie pour aller chercher celui beaucoup plus cher de l’oncle Sam, et taxer le CO2 ?
    C’est quoi ce programme suicidaire ?
    Le pouvoir d’achat va en réalité s’effondrer et la France ramenée au sort de la Grèce

  • Il serait intéressant d’analyser sereinement (et pas avec les lunettes du converti par ignorance) les conséquences réelles d’un réchauffement qualifié « d’insupportable » qui adviendrait si on consommait réellement toutes les réserves de combustibles fossiles.
    Cette hypothèse n’est pas farfelue. Elle est même la plus probable si l’on accepte l’idée que le tiers monde a le droit d’atteindre le niveau de développement qui est le nôtre. Cela nous amènerait peut-être à regarder différemment les « urgences » des uns et des autres, ainsi que les comportements apparemment aberrants de certains acteurs comme Vladimir Poutine. La planète est déjà passée par des teneurs atmosphériques en CO2 très supérieures à la valeur actuelle et s’en est apparemment mieux sortie que ce que le discours de certains suggère.

  • Les réflexions de Pierre Robert sont appuyées sur plusieurs assertions fondamentales dont, pour ma part, je n’ai pas encore trouvé nulle part la démonstration. J’en citerai deux pour lesquelles je serais très heureux si un intervenant pouvait me les fournir.
    1 – le réchauffement climatique (que l’on observe depuis deux siècles) serait dû, pour l’essentiel, au CO2 dégagé par les activités humaines.
    2 – comment peut-on assurer la compétitivité d’une source d’énergie aléatoire (telle que l’éolien) pour satisfaire la demande d’électricité, elle-même totalement aléatoire, dans l’espace et dans le temps ?
    Merci d’avance.

  • La majorité des problèmes viennent des mesures qu’il a mis en place depuis 2 quinquennats (n’oublions pas qu’il était ministre de l’économie sous Hollande)…
    Les mesures de « sa challenger » n’étaient pas plus débiles. Certes ça n’allait pas être le truc, mais ses électeurs ne l’ont clairement pas choisie pour son programme économique hein 😉

  • « La question du changement climatique occupe désormais tous les esprits et pousse à accélérer le rythme de la transition énergétique. » …NON monsieur…ou du moins faut-il relativiser l’urgence et surtout que cette dernière ne poussent pas vers des solutions non valables.

    Il est évidemment utile d’arrêter de nuire à notre planète et de se préparer à l’épuisement des énergies fossiles mais ce qui serait le pire (et c’est ce que nous faisons) c’est de se précipiter sur des solutions qui ne sont pas efficientes et qui n’ont pour unique intérêt que d’être disponible actuellement.

    Rapidement trouvé sur le net (Suisse) : « Il faut près de 650 éoliennes d’une puissance de 2.3 mégawatts pour remplacer la production électrique d’une centrale nucléaire de la taille de Mühleberg »
    Ailleurs :  » EDF Nvelle-Aquitaine… parle de la centrale Blayais pour comparaison. 1 éolienne = 1 MW en pointe, avec l’intermittence, il en faudrait 7000 pour compenser la prod du Blayais (3600 MW). Renouvelables et nucléaire sont complémentaires pour la transition énergétique. @EDF_Aquitaine

    Ces échelles de grandeur associées à l’intermittence disqualifient cette solution et pourtant non écolos-pastèques vont arriver à les imposer dans l’urgence, nous précipitant dans le gouffre…avec la complicité de macron qui semble vouloir rembourser leur soutien électoral du deuxième tour…(avec la pression de « convention pseudo-citoyennes non représentatives » constituées de militants)

    La tendance depuis les deux dernières décennies, dans beaucoup de domaine (Je l’ai connu jusque récemment en médecine) est d’interdire l’existant, fonctionnel, sans avoir d’alternative fiable disponible. Et les modes, les tendances récentes, font rapidement oublier les avantages qu’apportaient les anciennes solutions (désormais bannies).
    Les moteurs de recherche ont d’ailleurs une « mémoire » très limitée. Les années pré « 2000 » étant déjà passées au broyeur numérique.

  • En effet. Et dans un état libéral, où les choix énergétiques se feraient sur des critères uniquement de commodité et d’efficacité à prix réduit, il est loin d’être évident que d’une part les coûts de l’énergie croîtraient, et que d’autre part les conditions de vie sur la planète se dégraderaient.

  • Avatar
    charlemcharly@gmail.com
    29 avril 2022 at 23 h 07 min

    Je ne savais pas que dans un journal se voulant libéral on invitait des rouges expliquer en quoi il fallait absolument augmenter les taxes pour favoriser la « transition écologique », ce vieux marronnier dont on nous rebat les oreilles quand l’actualité devient un peu trop redondante. Toutes les préconisations de l’auteur sont des économies de bouts de chandelle, il faut 100 milliards d’euros par an, l’auteur nous en déniche péniblement quarante (et encore je suis très optimiste sur ce que rapporterait la taxe carbone étant donné que Pierre Robert semble vouloir exclure de cette taxe les ménages modestes c-à-d une bonne partie des français) cela sans compter les inévitables (et innombrables) retards et surcoûts des travaux pour mettre en place des champs d’éolienne qui fonctionneront par intermittence… Le plus drôle étant cette phrase de l’article : « Il entre dans le rôle d’un État libéral de le laisser jouer ce signal prix sans le contrer par des subventions. » tout ça pour ensuite dire qu’il faut taxer les énergies fossiles ce qui revient à des subventions déguisées pour l’éolien et autres énergies dites vertes…

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