Shenzhen mise sous cloche : notre économie étouffe

Face aux impacts économiques du nouveau confinement en Chine à Shenzhen, il devient urgent que l’Europe s’adapte.

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Shenzhen mise sous cloche : notre économie étouffe

Publié le 17 mars 2022
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En Chine, dès qu’un cas de contamination fait son apparition, ce sont des villes entières, des ports ou des centres de production qui sont perturbés, voire paralysés. Une fois encore ce scénario vient de se répéter à grande échelle. Le 14 mars dernier, 5280 cas ont été enregistrés, ce qui peut paraître dérisoire pour un pays de cette taille. Le même jour la France levait la majorité des restrictions alors qu’on y dénombrait 4 fois plus de cas nouveaux. Fidèle à la stratégie liberticide de zéro covid ordonnée par Xi Jinping, les autorités chinoises ont décidé de confiner 17 millions de personnes dans la région de Shenzhen, la Silicon Valley chinoise.

Économiquement, cela signifie la paralysie du premier port d’exportation de la Chine, la mise à l’arrêt de son plus grand centre technologique, la fermeture des usines du Taïwanais Foxconn qui assemble les iPhone d’Apple et les Galaxy de Samsung et le gel des installations de SMIC (semiconductor manufacturing international corporation), le principal fabricant chinois de semi-conducteurs, alors que le marché de ces produits est déjà très fortement perturbé.

Des mesures semblables ont également frappé d’autres régions, en particulier celle de Changchun, une ville de 9 millions d’habitants située dans le nord est de la Chine. Les trois usines du groupe Volkswagen qui s’y trouvent ont dû précipitamment fermer leurs portes.

Au total ce sont 40 millions de personnes qui ont été à nouveau privées de liberté par des mesures très coercitives : une seule personne par foyer est autorisée à sortir une fois tous les deux jours pour assurer le ravitaillement.

La première leçon à tirer de ces faits est l’impasse où mène l’entêtement des autorités à enfermer leur pays dans une illusoire bulle sanitaire. La majeure partie de la population n’est pas immunisée contre le virus alors que le pays interdit tout recours à des vaccins étrangers et ne dispose toujours pas de vaccins efficaces.

La seconde est l’incapacité des régimes dictatoriaux à remettre en cause une décision du centre. Les quelques voix qui s’élèvent pour dire que vivre avec le coronavirus est possible sont réduites au silence. Comme le soulignait en janvier dernier le groupe de réflexion Eurasia Group : « Le succès initial du zéro covid et l’attachement personnel de Xi à celui-ci rendent impossible tout changement de cap ».

Cet état de fait est un risque majeur pour l’économie mondiale en général et la nôtre en particulier.

 

Le quoi qu’il en coûte à la chinoise

En raison de la poursuite d’une stratégie désormais inadéquate mais dictée par des impératifs exclusivement politiques, l’économie chinoise devrait connaître une très mauvaise année 2022, avec une croissance deux fois moindre qu’en 2021.

Mais nous devrions en souffrir aussi de manière directe et indirecte.

Indirectement, car la Chine est le plus gros contributeur au PIB mondial avec, selon les prévisions du FMI, un cinquième de la croissance globale sur les cinq prochaines années. Quand la locomotive chinoise ralentit, c’est toute l’économie de la planète qui s’en ressent.

Directement, car les décisions prises à Pékin vont provoquer selon Thierry Breton « un arrêt des chaînes de valeur ». Le commissaire européen au marché intérieur ajoute « et automatiquement, si ça dure, ça aura des répercussions ».

Ces répercussions qui ont toutes les chances d’être sévères mettent une fois de plus en évidence notre aveuglement.

L’aveuglement des Européens 

Le troisième enseignement à tirer des confinements chinois à répétition est l’ampleur de notre dépendance pour les activités d’assemblage et de fabrication de composants électroniques devenus indispensables dans l’informatique, la téléphonie, l’automobile, l’aéronautique et les industries de défense. En l’occurrence, les décisions prises en Chine peuvent à tout moment fragiliser toutes nos chaines de valeur qu’il s’agisse d’assemblage de produits électroniques grand public, de fournitures de composants ou de fabrication de véhicules.

Nous avons là un petit avant-goût de ce qui pourrait se produire si la Chine décidait d’avaler Taïwan comme l’Ukraine est en voie de l’être par la Russie. À quelques encablures des côtes chinoises, Taïwan abrite en effet la firme TSMC qui détient le quasi-monopole de la fabrication de ces puces de dernière génération dont l’Europe a impérativement besoin sans être capable de les produire elle-même.

Cette dépendance tous azimuts n’est pas le fruit du hasard mais d’une illusion, celle du fabless, de l’entreprise sans usine, ce fantasme né dans la tête de nos élites convaincues de pouvoir ainsi résoudre la question sociale tout en escamotant les problèmes de pollution. Les évènements de ces deux dernières années confirment à l’évidence la fausseté de cette approche. Ils montrent que la mondialisation de la technologie a atteint son point de rupture et qu’il faut désormais s’adapter à un environnement géopolitique devenu très instable.

Nous marchons à grands pas vers un monde plus fermé. Le défi est d’en tirer les conséquences sans renier le libéralisme, ce qui amène à se demander quel rôle peut légitimement jouer l’État pour favoriser les évolutions nécessaires.

 

Devenir résilients

Baisser notre dépendance en investissant massivement, en particulier dans le domaine de la conception et de la fabrication des semi-conducteurs, est le rôle des entreprises. Celui des instances publiques est de les soutenir en les laissant libres de trouver les meilleures solutions sans leur imposer le choix de telle ou telle technologie.

Baisser notre dépendance suppose aussi de revenir sur le plan d’électrification à marche forcée du parc automobile imposé à grands coups d’oukases européens. Une fois encore on n’a pas fait confiance aux mécanismes de marché pour trouver la solution optimale. Or la seule observation des signaux que sont les prix permettrait d’engager les consommateurs sur la voie d’une sobriété viable. Ils indiquent en effet clairement que les coûts de production des véhicules lourds et puissants utilisant des technologies compliquées grosses consommatrices de métaux rares et de composants électroniques sont appelés à devenir prohibitifs.

En subventionnant massivement ces engins qui sont tout sauf sobres, l’État contrarie temporairement cette évolution inéluctable alors que son rôle devrait être d’accompagner la recherche par les acteurs privés de solutions de mobilité plus économes. C’est une option qui avait été sérieusement envisagée il y a dix ans lorsque le gouvernement de l’époque s’était saisi de la thématique du véhicule du futur. Lancé en 2012 et intégré un an plus tard parmi les 34 plans de la Nouvelle France industrielle, le plan V2L avait pour objectif la mise au point d’ici 2020 d’une voiture d’un prix abordable consommant moins de 2 litres d’essence aux 100 kilomètres. Le projet avait été doté de plusieurs centaines de millions d’euros d’argent public.

En est issu la technologie hybridair développée en lien avec le programme d’investissements d’avenir mis en place par l’État et en partenariat avec les équipementiers Bosch et Faurecia. Ce dispositif qui se dispensait de batterie combinait l’essence et l’air comprimé. Il permettait de stocker dans des accumulateurs l’énergie récupérée à la décélération et au freinage et avait obtenu des résultats très prometteurs.

Mais qu’est devenu le plan V2L ? Qu’est devenue la technologie hybridair ?

Cela pose une fois de plus la question du bon usage des mesures de soutien étatique qui peuvent se révéler fructueuses quand, incitatives et ciblées, elles se limitent à accompagner les initiatives privées. Encore faut-il que les pouvoirs publics aient un minimum de suite dans les idées.

On peut aussi se demander pourquoi tout n’est pas mis en Å“uvre pour assurer une police efficace du marché des équipements électroniques reconditionnés (ordinateurs et téléphones portables) où règne encore la loi de la jungle. De même qu’attendent-ils pour mettre de l’ordre dans les filières du recyclage dont le fonctionnement laisse sérieusement à désirer ?

Ce seraient autant de moyens simples pour réduire la fragilité de chaines de valeur dont nous sommes devenus tributaires et autant de questions que la mise sous cloche de Shenzhen pose à nouveau.

 

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    Laurent Lenormand
    17 mars 2022 at 7 h 18 min

    Printemps 2020: la Chine lance la panique mondiale. L’Occident surréagit et plonge dans un désastre socio-économique majeur. La Chine ferme quelque temps mais passe le cap sans dégâts.
    Printemps 2022: alors que l’Occident s’empêtre dans un conflit avec la Russie et décrète des sanctions qui perturbent gravement son économie, la Chine, comme par hasard, voit une flambée de « cas » qui l’amène à fermer des villes entières, et JUSTEMENT celles dont la fermeture peut gravement perturber l’économie des pays occidentaux – alors même que la Chine se rapproche de la Russie.
    Ça fait beaucoup de coïncidences… Le Covid a l’art de perturber la Chine aux moments précis où ça peut embêter au maximum ses adversaires stratégiques.
    Je relisais « L’art de la guerre » de Sun Zi récemment. Ça parle beaucoup de feintes, de manipulations, de frapper l’adversaire sur ses points faibles, ses lignes d’approvisionnement…
    Je dois être complotiste.

    • Regardez la Corée du sud, depuis 8 jours 300 000 a 400 000 cas par jours, plus de morts en 8 jours que pendant les 2 dernières années.
      Vous croyez la Corée du sud manipule les chiffres ?
      Il y a un regain de covid du a omicron sous variant BA2

    • Que faites-vous du rasoir de Hanlon ?

    • Certes, on peut s’effrayer de la possible connivence entre la première armée du monde et la première puissance économique.
      On peut aussi se rassurer en voyant dans cette association naissante l’alliance entre l’aveugle et le paralytique.
      A long terme ni les empires ni les puissances illibérales ne se sont révélés prospères ou durables.

      -1
    • « Je dois être complotiste. »

      Je le deviens aussi. Mais quand on voit la faiblesse et l’hypocrisie croissante des prétextes invoqués partout à commencer par chez nous. Belle occasion de soutenir la Russie – parce qu’un habitant de la région aurait éternué ?

  • Avatar
    jacques lemiere
    17 mars 2022 at 7 h 36 min

    c’est « à la fin » qu’on fait le bilan..

    éviter un virus..semble assez illusoire…

  • Quand, par souci d’économie, on s’installe chez des voyous, on doit s’attendre à quelques secousses qui devraient inciter à se redéployer ailleurs.
    Il fallait y penser avant.

  • Hein ?
    Les usines Foxconn ont repris le travail hier mercredi 16 mars 2022. Elles ont justes fermée 48h, le temps de tester tout le monde.
    Chez moi a quelques Kms, 1 cas contact hier dans le building 1 (j’habite au 6), le building 1 est fermé, ce soir tout le monde est retesté, si toujours négatif, le building n’est plus en quarantaine.

  • Les dictateurs ont l’art de se tirer une balle dans le pied. Entre l’agresseur paranoïaque russe et l’effrayé paranoïaque chinois, chacun à sa manière mène son pays à la ruine. Et une partie du monde libre, si notre dépendance à leur égard est trop grande.
    Il est en effet urgent de se couper totalement de ces pays dont les dirigeants et les Etats ne sont pas fiables.

    -4
    • Et pour la France, on fait comment pour s’en couper, afin de sanctionner ses dirigeants et son administration pas fiables ?

      • Vous faites comme Depardieu. Vous demandez la nationalité russe ou… chinoise. A vous entendre, ça ne saurait être pire.

        -3
        • Alors je me suis mal exprimé. Se couper d’un pays ne fait qu’aggraver les problèmes et renforcer les dirigeants dans leurs positions. Ceux qui le proposent veulent généralement simplement se mettre en valeur, et se moquent pas mal de renforcer ces dirigeants. Donc que proposez-vous, pour sanctionner nos dirigeants et notre administration ? L’émigration et le boycott ? Et bien vilipender ceux qui s’interrogeraient sur les politiques d’isolement que vous prônez, je suppose… A moins que vous ne pensiez que nos dirigeants sont, eux, exemplaires.

          • Vous pouvez voter, militer, descendre dans la rue, etc.
            Si malgré cela, vous n’êtes toujours pas satisfait, c’est au choix :
            – que vous avez un problème avec la démocratie,
            – que vous pouvez faire un travail sur vous-même pour devenir plus résilient, moins râleur.

            -1
  • Autre hypothèse: les USA menace la Chine de sanctions si elle aide la Russie à contourner les sanctions contre la Russie; la Chine riposte en se fermant sous un faux prétexte (les orientaux sont bien plus subtils que les occidentaux et XI doit éviter tout conflit jusqu’en octobre et le congrès devant le nommer à vie) qui ne peut leur être reproché (d’ailleurs Foxconn à Shenzen continue à produire en mode mineur avec le personnel logeant sur place, la production étant de facto à usage national). Ce n’est qu’une hypothèse mais crédible car la Chine peut accepter un tel sacrifice.

    D’autre part il est clair que laisser la commission faire seule un choix technologique unique pour lutter contre le CO2 plutôt que de laisser le marché trouver une panoplie de solutions est une hérésie.

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