Ukraine on Fire : Oliver Stone relaie la propagande russe

Ukraine on Fire est tout ce qu’il y a de plus typique dans un pamphlet : montrer un seul côté des choses de façon manichéenne.

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Ukraine on Fire : Oliver Stone relaie la propagande russe

Publié le 12 avril 2022
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À l’instar de Michael Moore, Oliver Stone est célèbre pour ses opinions très tranchées. Ce dernier a surtout donné dans la fiction comme Né un 4 juillet ou JFK. Mais dans Ukraine on Fire, il reprend le format pamphlet – on montre un seul côté – de son compatriote.

Le film est disponible sur Rumble après un ban sur Youtube. On a accusé la plateforme de censure pour son retrait du pamphlet de 2016, alors que Youtube s’en est défendu en affirmant ne pas vouloir monter les contenus graphiques et sanglants du film de Stone.

L’Ukraine n’est pas un martyr

Il est vrai que ce pamphlet ne donne pas dans la dentelle. D’hier à aujourd’hui, on montre des images pas très reluisantes de l’Ukraine et des nombreux troubles qu’elle a connus.

Au travers de ses alliances changeantes, elle fut particulièrement brutale durant la Seconde Guerre mondiale. Plusieurs nationalistes exaltés ont collaboré avec les nazis et ainsi exterminé plus de 900 000 Juifs et autres minorités sur le territoire. Le pamphlet de Stone affirme aussi que les nationalistes tourmentaient les Russes dans l’est du territoire.

Parlant des minorités russes, « plusieurs » historiens questionnent l’appartenance ukrainienne de la Crimée, cédée à la république soviétique en 1954 par Nikita Khrouchtchev, lui-même Ukrainien.

Toujours durant la Guerre froide, la CIA a grandement profité de ses contacts avec des nationalistes ukrainiens pour le contre-espionnage. On a même fermé les yeux sur leurs crimes de guerre pour ne pas avantager l’URSS, selon des documents déclassifiés montrés tout au long du film.

Ces gens informellement excusés incluaient Stepan Bandera, dont l’esprit semble encore hanter les nationalistes à ce jour. C’est ce qui a inspiré la création en 1991 de Svoboda, un parti d’extrême-droite, ainsi que Secteur Droit plus tard. Ces nationalistes avaient, et ont encore, une conception très nazie d’un pays : la pureté ethnique. Ainsi, sur ce point précis, les Russes disent vrai au sujet des néonazis en Ukraine.

Les pauvres russes, les éternelles victimes

Aussi Stone a-t-il raison de dénoncer les nombreuses interventions de son pays partout dans le monde afin d’y asseoir ses intérêts.

Par contre, et spécialement avec les évènements des derniers mois, dépeindre la Russie comme une pauvre victime de l’expansionnisme néoconservateur de l’Ouest est se faire la marionnette de Poutine. Tout au long du film, dès qu’il est question de la Russie ou ses versions passées, on l’illustre comme libératrice ou victime.

Certes, l’histoire est plus complexe comme montré plus haut. Mais complètement négliger de dire que la Russie est aussi un pouvoir expansionniste voulant satisfaire ses ambitions économiques procède de la mauvaise foi.

Stone ne s’entretient qu’avec des pro-Russie et des anti-Américains primaires. Il parle même avec Poutine lui-même et le montre sous un jour que Staline ou Hitler n’aurait même pas pu rêver. Non, la comparaison n’est pas démagogue. Poutine n’a absolument rien d’un démocrate même s’il feint aimer la démocratie lors de la séquence au sujet du référendum sur la Crimée.

À ce sujet, le film de Stone suggère que c’est un joyau de la Russie – Sébastopol fut une base portuaire importante pour la mer Noire. Il était donc « normal » que l’armée russe se trouve dans la zone. Et bien sûr, on ne pouvait s’empêcher de montrer « l’agression » de l’OTAN et son expansion vers l’Est. Les pauvres Russes n’ont donc pas d’autre choix que de s’armer pour se défendre.

Finalement, comme dans tout bon pamphlet de socialiste, il faut mentionner les conditions « injustes » « imposées » par le FMI pour restructurer l’économie d’un pays, y montrer des croquemitaines comme George Soros et parler uniquement de la manipulation des médias et politiciens occidentaux.

Bref, Ukraine on Fire est tout ce qu’il y a de plus typique dans un pamphlet : montrer un seul côté des choses de façon manichéenne. Oui, il y a des résidus néonazis en Ukraine, et certains rapports montrent qu’ils auraient commis des atrocités dans l’est de leur pays ces dernières semaines. Et oui, les États-Unis et l’Union européenne ont eu une influence négative sur le pays afin d’y faire avancer leurs intérêts.

Mais la Russie aussi influence le pays de façon négative – l’Holodomor vous dit quelque chose ? Si elle avait vraiment voulu dénazifier l’Ukraine, elle aurait dû le faire devant l’ONU ; elle a encore un poids considérable dans cette organisation internationale.

N’eût été sa guerre d’agression, elle aurait peut-être même pu y apporter des changements durables.

Voir les commentaires (7)

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  • Donc on a deux analyses manichéennes face à face…….

  • Peut-être que « Ukraine on Fire », bien que pamphlet, peut permettre de contrebalancer un tant soit peu le discours unilatéral à l’ouest. Il est toujours bon de donner matière à réflexion. Un miroir a toujours deux faces.

    • Je crains que l’occident ne souhaite pas voir les réalités en Face. Que la gauche soit française ou américaine, ou… elle détient la seule vérité, tout ce qui n’est pas de leur avis est forcemment un mensonge, un pamphlet, ou tout ce que vous voulez…

      C’est navrant de voir comment ils traitent Bonnel, qui elle a eu le mérite d’aller sur place, et qui fait des remarques plus qu’appropriées sur la situation

  • Le discours inverse (qu’on voit partout) ne serait pas lui aussi de la propagande ? Ukraino-US cette fois, mais pas franchement plus « vraie ».

    Bref, le premier à dénoncer la « propagande » des autres est généralement un propagandiste lui même… La plus grande victime des deux dernières « crises » (COVID et Ukraine) c’est l’esprit critique, il me semble. Où alors il était déjà plus ou moins mort et je ne l’ai réalisé qu’à ce moment ?

  • Et voilà, 5 commentaires, tous pro-russe. Nous avons définitivement été contaminé par la propagande en France.
    Au moins sur Reason c’est plus équilibré, quelque irréductibles trumpistes mais une majorité raisonnable qui sait faire la part des choses. Même chez Zero Hedge on arrive à avoir des anti russe.

    -5
    • Je pense plutôt que c’est pour équilibrer et utiliser exactement la même intonation d’écriture.
      Comme évoqué, si dans ce conflit on est pas forcément pro-Ukraine, on se retrouve automatiquement qualifié de pro-Russe. Alors que la situation est légèrement plus compliqué que présentée dans les médias.
      Poutine est en train de vouloir résoudre un problème profond de mauvaise entente otan/russie… à la Poutine, c’est-à-dire avec l’armée et l’annexion ; dire cela ne fait pas de moi un pro-russe, j’évoque juste un fait.
      Et vu le nombre de fakes ukrainiens depuis le début du conflit, je pense qu’on peut facilement dire que les 2 camps ont le même niveau de propagande… Zelensky a quand même réussi à faire faire 1 minute de silence pour la fausse mort des soldats de l’Ile aux Serpent… chapeau le comédien… Sans compter certaines autres situations. Il y a même certaines analyses intéressante sur le fameux massacre de Boutcha (et je ne parle évidemment pas des mannequins relayés par les médias occidentaux pour décrédibiliser les personnes qui « doutent »). Et là encore, cela ne fait pas de moi un pro-russe ou anti-ukrainien ; à vrai dire, je suis ni pour l’un ni pour l’autre, car j’estime que c’est un problème à régler entre eux, et qu’ils ne doivent pas impliquer autant l’UE… A moins qu’elle ait vraiment une part de responsabilité ? ^^

      •  » à la Poutine, c’est-à-dire avec l’armée et l’annexion  »
        Il n’est pas certain que c’etait son choix préféré… Mais Biden, Macron, et l’autre pintade, Ursula… ne lui ont pas laissé le choix!
        Il est même possible que tout cela n’était qu’un piège visant à affaiblir la Russie.

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

Aurélien Duchêne est consultant géopolitique et défense et chroniqueur pour la chaîne LCI, et chargé d'études pour Euro Créative. Auteur de Russie : la prochaine surprise stratégique ? (2021, rééd. Librinova, 2022), il a précocement développé l’hypothèse d’une prochaine invasion de l’Ukraine par la Russie, à une période où ce risque n’était pas encore pris au sérieux dans le débat public. Grand entretien pour Contrepoints par Loup Viallet, rédacteur en chef.

 

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Nicolas Quénel est journaliste indépendant. Il travaille principalement sur le développement des organisations terroristes en Asie du Sud-Est, les questions liées au renseignement et les opérations d’influence. Membre du collectif de journalistes Longshot, il collabore régulièrement avec Les Jours, le magazine Marianne, Libération. Son dernier livre, Allô, Paris ? Ici Moscou: Plongée au cœur de la guerre de l'information, est paru aux éditions Denoël en novembre 2023. Grand entretien pour Contrepoints.

 

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