Comptes publics 2021 : un rebond de la charge de la dette

Le poids de la dette française est de plus en plus fort et apparaît être une bombe à retardement.

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Comptes publics 2021 : un rebond de la charge de la dette

Publié le 8 avril 2022
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Fin octobre, dans la version révisée de son Projet de loi de finances pour 2022, le gouvernement annonçait les chiffres suivants pour 2021 : croissance à 6,25 %, déficit public à 8,1 % du PIB et dette publique à 115,3 % du PIB. Alors forcément, quand l’Insee a publié la semaine dernière sa première évaluation des comptes nationaux 2021, c’était la joie à Bercy. Croissance ? Un immense 7 %. Déficit ? Un tout petit 6,5 %. Dette publique ? Ramenée à 112,9 %. Du mieux partout, partout, partout !

 

 

Et le ministre délégué aux Comptes publics Olivier Dussopt d’y voir aussitôt la preuve de l’excellence des décisions économiques du gouvernement pendant la pandémie de covid et d’en déduire par avance que les plans « inflation » et « résilience Ukraine » qui sont en train d’être mis en place déboucheront sur le même brillant succès :

Ces bonnes nouvelles confirment l’efficacité du plan d’urgence et du plan de relance pour notre économie et donc pour les Français. Les actions mises en œuvre face à la crise ukrainienne et énergétique vont dans le même sens.

 

La dette française comparée à celle de nos voisins européens

La réalité est évidemment un petit peu différente. Est-il bien sérieux de se comparer à ses propres prévisions, surtout quand on sait que dans ses avis sur le PLF 2022, le Haut Conseil des Finances Publiques avait souligné cet automne que la croissance et le déficit retenus par le gouvernement pour 2021 semblaient trop pessimistes au vu des résultats enregistrés au troisième trimestre ? De là à en déduire que le tableau fut noirci à dessein afin de pouvoir faire artificiellement état de résultats formidables…

La seule comparaison véritablement parlante consiste à repérer notre position parmi nos voisins de l’Union européenne (UE). On ne connaît pas encore le niveau de la dette publique en Europe à fin 2021, mais si l’on s’arrête au troisième trimestre, force est de constater qu’avec 116 % du PIB, la France se situe nettement au-dessus de la moyenne de l’UE (90,1 %) et celle de la zone euro (97,7 %) :

Autrement dit, se vanter de l’efficacité du « quoi qu’il en coûte » et répéter, comme le font Bruno Le Maire et Emmanuel Macron, que tous les pays ont procédé de la même façon face à la crise du covid relève d’une forme d’arnaque, car au final, la dette publique de l’Allemagne ne dépasse pas 70 % du PIB et celle des Pays-Bas est de 53 %.

Il est vrai que tous les pays ont augmenté leurs dépenses publiques pour compenser les effets négatifs des restrictions sanitaires, sans compter le coût spécifique de la prise en charge de la pandémie (masques, tests, vaccins). Mais disons que certains pays disposaient des marges de manœuvre pour le faire quand la France n’en avait aucune, faute d’avoir procédé auparavant à des réformes structurelles vraiment impactantes (périmètre de l’État, marché du travail, retraites) et faute d’avoir enrayé le cercle vicieux de l’inflation législative.

Rétrospectivement, on se rend compte que de mai 2012 à mars 2020, François Hollande puis Emmanuel Macron ont bénéficié d’une fenêtre idéale pour transformer la France. Malheureusement, malgré leurs discours à tonalité parfois réformatrice, ils n’en ont rien fait. En 2018, Emmanuel Macron préféra même abaisser sans nécessité la limite de vitesse sur route de 90 à 80 km/h et augmenter les taxes déjà très élevées sur les carburants par idéologie verte, consacrant ainsi durablement la rupture de confiance entre les élites du gouvernement et les citoyens de la vie de tous les jours.

Sur ce, crise du covid, alors que la crise financière de 2008 n’était même pas complètement surmontée, et voici que se profile maintenant la crise ukrainienne. Encore une bonne raison de faire des chèques « pouvoir d’achat » et de renvoyer les réformes nécessaires à plus tard.

Sauf que le contexte macroéconomique est en train de changer du tout au tout.

Si, jusqu’en 2020 inclus, la charge de notre dette caracolante était en baisse année après année du fait de la baisse des taux, elle s’est remise à monter en 2021, passant de 33,1 à 38,1 milliards d’euros en raison « du dynamisme de l’inflation sur la charge d’intérêts des obligations indexées sur l’inflation ». Cette inflation qui ne devait pas exister. Ou qui ne serait au pire que très passagère, d’après la présidente de la BCE Christine Lagarde. Comme si l’on pouvait distribuer des masses d’argent gratuit sans que cela finisse par se voir un jour…

La figure ci-dessous représente le stock de dette publique à la fin de chaque année (courbe orange, échelle de gauche) et les flux d’intérêts payés chaque année (courbe bleue, échelle de droite) :

dette française

Une hausse des taux d’intérêt

À l’inflation qui vient d’atteindre 4,5 % sur un an au mois de mars 2022, il convient d’ajouter la remontée consécutive des taux d’intérêt. Si la BCE n’a pas encore relevé ses taux directeurs (mais a décidé de diminuer ses rachats d’actifs ou quantitative easing), la Réserve Fédérale américaine, la banque d’Angleterre et la banque du Canada l’ont fait, poussant les taux des emprunts d’État à 10 ans à la hausse. Parmi eux, l’emprunt français a dépassé les 1 % fin mars et atteint 1,2 % hier, une première depuis le début de 2017 :

dette française

Il y a tout lieu de penser qu’en 2022, la charge de la dette va continuer à croître, aussi bien sous l’effet de l’inflation sur les obligations indexées que via la hausse des taux qu’on avait un peu oubliée. Or parmi ses remarques dubitatives sur le PLF 2022, le Haut Conseil des Finances Publiques souligne que la prévision d’inflation du gouvernement fixée à 1,5 % pour 2022 semble beaucoup trop basse compte tenu de la hausse des prix de l’énergie. On peut y ajouter la hausse des prix des produits alimentaires, comme l’indique l’Insee dans son relevé d’inflation du mois de mars.

On dirait donc que nous arrivons bel et bien à ce point critique et dangereux, annoncé depuis plusieurs années par des esprits qualifiés au choix de chagrins ou lucides, Cour des comptes comprise, où la France, empêtrée dans une dette de 2813 milliards d’euros, va devoir affronter les conséquences de ses politiques systématiquement déficitaires.

Du côté des dépenses publiques qui se montent au total à 1475,7 milliards d’euros en 2021, soit 59,2 % du PIB, signalons aussi que les mesures d’urgence, le plan de relance post-covid et les investissements d’avenir, quoique coûteux et en forte progression, n’expliquent pas tout. Les dépenses ordinaires continuent de progresser plus vite que l’inflation, actant une folle dérive des dépenses publiques qui dépasse largement le cadre du soutien « quoi qu’il en coûte » déployé pendant et après la pandémie.

Quant aux prélèvements obligatoires composés des impôts et des cotisations sociales, ils persistent à représenter 44,5 % du PIB, après un taux identique en 2020. Autrement dit, que la production s’effondre (2020) ou qu’elle rebondisse (2021), la pression fiscale et sociale française reste extrêmement élevée. Mais comme les dépenses sont encore plus folles, le contribuable français a le douteux privilège de savoir qu’un véritable champ de dettes, comme on dit un champ de mines, l’attend au tournant.

Les candidats qui se présentent à nos suffrages présidentiels dimanche prochain voient-ils le danger ? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non, mais de toute façon, pas question d’en parler en période électorale. Sujet tabou. Pire, sujet odieusement ultra-libéral.

Plutôt annoncer de nouvelles dépenses de protection des Français – 50 milliards d’euros par an pour Macron, 68 milliards pour Le Pen et jusqu’à 250 milliards pour Mélenchon ! Pourquoi se priver ? La fabuleuse croissance induite par tant d’orthodoxie keynésienne aura tôt fait d’éponger les déficits, et si cela ne suffit pas, il y a certainement des milliards d’euros à trouver du côté de la réforme de l’État (pas faux, mais jamais fait) et dans les luttes contre la fraude fiscale et l’immigration. Sans oublier évidemment une fiscalité confiscatoire sur les riches chez Mélenchon et l’introduction d’un Impôt sur la fortune financière bien populiste en remplacement de l’IFI chez Marine Le Pen.

Autrement dit, demain on rase gratis. C’est d’un banal… Qui pourrait y croire ?

Pour finir, j’ai récapitulé les valeurs évoquées ci-dessus dans mon tableau des comptes publics. Vous y trouverez 2007 (élection de Sarkozy), 2012 (élection de Hollande) et les cinq années du mandat Macron :

Tableau des principales données de nos finances publiques1

Sources : Insee Comptes 2021Inflation.
Mise à jour : 3 avril 2022.
Unités : habitants en millions – Dépenses publiques, prélèvements obligatoires, déficit public et dette publique en milliards d’euros courants et en % par rapport au PIB.
Note : les comptes 2021 sont provisoires ; les comptes définitifs seront publiés le 31 mai 2022. Le PIB 2021 en milliards d’euros est une estimation.

2007 2012 2017 2018 2019 2020 2021
Habitants 64,0 65,5 67,0 67,2 67,4 67,6 67,8
Inflation 1,5 % 2,0 % 1,0 % 1,8 % 1,1 % 0,5 % 1,6 %
Croissance 2,3 % 0,0 % 2,3 % 1,8 % 1,5 % -8,0 % 7,0 %
PIB (Mds€) 1 946 2 087 2 295 2 353 2 426 2 303 2 490
Dép. publ. 991 1 151 1 292 1 314 1 349 1 419 1 476
En % PIB 50,9 % 55,2 % 56,4 % 55,6 % 55,4 % 61,6 % 59,2 %
Pré. oblig. 819 913 1 038 1 060 1 070 1 026 1 109
En % PIB 43,2 % 43,8 % 45,2 % 45,0 % 44,0 % 44,4 % 44,5 %
Déf. Publ. -50,3 -98,2 -68,0 -54,1 -74,7 -205,5 -160,9
En % PIB -2,7 % -4,8% -3,0 % -2,3 % -3,1 % -8,9 % -6,5 %
Dette pub. 1 253 1 893 2 259 2 315 2 380 2 648 2 813
En % PIB 64,5 % 90,7 % 98,4 % 98,4 % 98,1 % 115 % 113 %

 

Sur le web

  1. L’Insee révisant ses données en continu, ce tableau a été mis à jour conformément à la dernière publication et peut présenter plusieurs petites différences avec mes tableaux antérieurs.
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  • ce n’est pas très claire, l’auteur manipule les chiffres, la dette de la France est à plus de 120 % par rapport au PIB, les chiffres de l’Allemagne c’est pareil, la dette est beaucoup plus élevé

  • Avec le hors bilan on atteint les 7000 milliards d’euros soit 360% du PIB qui est lui même un indicateur qui incorpore les dépenses de l’état.

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