Et la campagne présidentielle disparut…

Macron semble tellement sûr de la nullité du camp populiste d’en face qu’il ne se soucie pas trop des torts qu’il inflige à la démocratie libérale en la snobant ou en la réduisant à une braderie électorale payée par le contribuable.

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Et la campagne présidentielle disparut…

Publié le 17 mars 2022
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L’actualité en chasse une autre, la guerre en Ukraine prend la place de la crise sanitaire. Alors qu’Emmanuel Macron espérait faire sa campagne sur cette dernière, le drame ukrainien a changé la donne. Avec une agilité communicationnelle admirable, le chef de l’État s’est donc emparé du sujet pour se construire une image de commandeur en chef. Partout sur les réseaux sociaux, les images d’Emmanuel Macron grimé en Zelensky ont suscité les quolibets et les indignations.

À l’heure où l’Ukraine se bat pour la liberté, le président français singe l’homme d’action pour susciter l’adhésion des Français indignés par l’agression russe. Qu’elle soit sanitaire, contre le terrorisme ou en Ukraine la guerre invite aux réactions tribales élémentaires, ce qu’on appelle « ralliement au drapeau ». Emmanuel Macron compte sur la condamnation morale quasi unanime contre l’agression russe pour se poser en leader du monde libre… et au passage faire oublier son bilan politique catastrophique.

L’ennemi intérieur poutinien

Dans ce nouveau rôle de Kennedy ou de Zelensky à l’ère de Carlito et McFly, Emmanuel Macron est excellemment secondé par ses concurrents Le Pen, Mélenchon et Zemmour. Tous ont accepté bien malgré eux le rôle de suppôts français du poutinisme. Ce costume n’était pas difficile à endosser, tant la physionomie idéologique des candidats converge avec ce que décrit Vladislav Sourkov, le plus célèbre conseiller du leader russe, dans un texte de 2019 traduit par Michel Eltchaninoff pour la Fondation pour l’Innovation politique.

Pour Sourkov, la critique de la mondialisation et du libre échange, la défense de la souveraineté, du nationalisme et l’hostilité à l’Hegemon américain font partie du « logiciel » russe exporté partout dans le monde, surtout en Occident via les populismes. Il a suffi de rappeler les quelques marques d’amitié ou d’admiration des candidats pour Poutine pour que la Macronie réaffirme à peu de frais sa supériorité morale dans un débat public maltraité par la propagande de guerre.

Face à un autocrate belliqueux, même la démocratie la plus déglinguée paraît désirable. Comme protégé par le paravent de l’actualité internationale, le centre autoritaire macronien aujourd’hui snobe la campagne électorale et s’est engagé dans une grande braderie clientéliste pour conserver le pouvoir « quoiqu’il en coûte ».

À quoi bon débattre ?

Macron ne débattra pas, et Marine Le Pen non plus. Du coup, l’élection n’intéresse personne. La première soirée électorale organisée par TF1, sobrement intitulée « Face à la guerre » a réuni 4,21 millions de spectateurs, là où le débat entre les 5 candidats de 2017 avait captivé 9,8 millions de Français.

À quoi bon regarder un tel spectacle si Macron est incapable de défendre son bilan et si sa victoire au second tour est assurée d’avance ? Dans un pays miné par la défiance, le désintérêt pour l’élection pourrait conduire à une crise de légitimité démocratique, prévient Gérard Larcher. L’autisme bureaucratique qui ronge les institutions est une bombe à retardement.

La grande braderie

Pour rester en poste, la Macronie multiplie les promesses électorales de dernière minute : dégel de l’indice des fonctionnaires, conditions plus dures pour l’attribution du RSA, suspension -qu’on devine temporaire- du pass sanitaire, ristourne de 15 centimes à la pompe pour quelques mois, retraite à 65 ans et maintenant promesse d’autonomie en Corse.

Le nouveau monde ratisse large, de droite à gauche, des fonctionnaires aux boomers, selon les méthodes les plus éculées du clientélisme des formations qu’il a prétendu congédier en 2017. Si Macron n’était pas aussi haut dans les sondages, on croirait qu’il tente désespérément de trouver des réserves de voix. Il a même convoqué le club des losers du monde d’avant pour l’aider à remonter en sur scène. Manuel Valls, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Pierre Chevènement ou encore Christian Estrosi ont rejoint la startup nation.

Tout sonne faux pourtant : on reprend les mêmes politiciens ratés et on recommence, pas de baisses significatives de dépenses publiques, pas de sortie de l’état d’urgence sanitaire et du régime d’exception, rien contre la montée inexorable de la violence et l’endettement massif. Bref, le macronisme revient au stade du socialisme ordinaire français, celui qui enfonce le pays depuis 40 ans.

Mais Macron semble tellement sûr de la nullité du camp populiste d’en face qu’il ne se soucie pas trop des torts qu’il inflige à la démocratie libérale en la snobant ou en la réduisant à une braderie électorale payée par le contribuable. C’est une faute politique, en particulier à un moment où les yeux sont braqués sur un Occident contesté par des concurrents autoritaires qui dénoncent l’hypocrisie morale de ses élites. Le seul moyen de leur donner tort, c’est de défendre la liberté comme le joyau fondamental de notre civilisation.

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    Laurent Lenormand
    17 mars 2022 at 7 h 29 min

    Liquider la démocratie n’est pas un dégât collatéral de la stratégie macroniste: c’est son objectif principal. La classe politique « de gouvernement » l’a bien compris, qui se range en rangs serrés derrière le leader désigné. Avec en arrière-plan les oligarques, ceux qui ont fabriqué Macron et le tiennent à bout de bras, par médias de grand chemin interposés.
    Le 20è siècle a été américain, le 21è est chinois. Comme en Chine, on voit l’émergence d’une caste non élue, qui a la mainmise sur le pays et construit un système destiné à pérenniser son pouvoir. Ses armes: le contrôle bio-numérique des population, celui de la monnaie et celui de l’information. Son véhicule principal: l’UE, qui vampirise les États et se présente désormais comme le principal lieu de pouvoir.
    Est-il encore temps d’échapper à cet engrenage ? Pas sûr. En tout cas, dans 5 ans, il sera trop tard.

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    • Faites attention, vous êtes dans la catégorie des populistes selon le descriptif fait dans l’article… Selon l’auteur, un populiste, c’est toute personne en désaccord avec le « système » mis en place : une personne qui parle de souveraineté énergétique, de défense, alimentaire, ou une personne qui pense que l’UE ne fonctionne pas du tout et est plus un boulet qu’autre chose par exemple.
      De même qu’un populiste et forcément un pro-Poutine.
      Le fait que la France (Macron donc hein 😉 ) ait vendu des armes aux Russes jusqu’en 2020 ou achète du gaz aux Russes fait-il de lui aussi un populiste du coup ? 🙂
      Bref, je trouve dommage qu’un article pourtant intéressant parte dans un délire progressiste et suive la propaganda générale.

  • Excellente analyse.
    La situation me fait penser à la réplique de Padmé Amidala:  » Ainsi s’éteint la liberté, sous une pluie d’applaudissements. »

  • « dégel de l’indice des fonctionnaires, conditions plus dures pour l’attribution du RSA, suspension -qu’on devine temporaire- du pass sanitaire, ristourne de 15 centimes à la pompe pour quelques mois, retraite à 65 ans et maintenant promesse d’autonomie en Corse »
    Cherchez l’intrus !

  • Chevènement va-t-il retirer son soutient à Macron?
    S’il ne le fait pas, il se renierait sur la Corse!

  • Pour ma part, j’en veux autant à Gérard Larcher qu’à Emmanuel Macron.
    Qu’a t’il fait pour défendre notre démocratie et notre état de droit depuis 2 ans ?
    Qu’a t’il fait pour empêcher cette loi ignoble qui exclut les Français non vaccinés de notre système de santé ?
    Si Larcher réagit seulement maintenant, c’est pour justifier la future raclée électorale de son parti.
    La communication de Macron est autant agile que creuse et si ça marche, c’est uniquement à cause de la médiocrité servile de la plupart des médias.
    Je pense que c’est une erreur de ne pas voter en avril prochain.
    Aucun autre président que Macron n’aurait pu se permettre la moitié de ce qu’il s’est permis. Il doit payer pour le profond mépris dont il a fait preuve.
    S’il est réélu, il ne subsistera plus qu’un vaste parti présidentiel, constitué d’un ramassis d’arrivistes sans scrupules.
    Les contre-pouvoirs, déjà bien malades, seront officiellement décédés et remplacés par un débat permanent entre un président mimant la proximité avec les Français et quelques citoyens habilement tirés au sort.
    Pour rester dans le ton, on peut même imaginer un Castex bis !

  • Vous avez raison, et c’est à pleurer de frustration !

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