Une campagne électorale au placard. Qu’importe !

Les débats de campagne électorale sont un exercice démocratique important, mais ils ne jouent aucun rôle sur la réalité de l’action gouvernementale. Ils sont d’ailleurs oubliés très rapidement, sauf des professionnels spécialisés.

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Une campagne électorale au placard. Qu’importe !

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 10 mars 2022
- A +

La guerre de Poutine, pas celle des Russes, contre l’Ukraine place la campagne présidentielle française au second rang de l’actualité. Doux euphémisme. Tout le monde pense à l’Ukraine et personne ne s’intéresse à l’élection française. Les médias font leur devoir en laissant une place aux candidats mais l’impression onirique est forte. Est-ce bien vrai ? Parle-t-on de pouvoir d’achat et de sécurité des Français contre la criminalité alors que des Ukrainiens meurent sous les bombes à 2000 km ? Oui, mais sans conviction. Les candidats rament et les électeurs les écoutent distraitement ou zappent.

Rituels de campagne

Contre vents et marées, les candidats poursuivent leur campagne avec meetings et petits drapeaux agités par le ban et l’arrière-ban des militants, rameutés pour la circonstance. Les journalistes commentent et continuent à prétendre, contre toute évidence, que ces meetings sont particulièrement importants. En vérité, les meetings fournissent quelques images colorées et bruyantes, mais sans plus. Le grand public observe avec consternation les foules en délire (très artificiel) acclamant un politicien ambitieux n’aspirant qu’au pouvoir. Si l’on excepte le milieu de la politique active, soit quelques centaines de milliers de personnes, tout le monde se fiche royalement des meetings.

Autre rituel électoral : les monceaux de papier distribués dans les boîtes aux lettres avant le scrutin et financés sur fonds publics, c’est-à-dire par nous tous. Ils vont directement dans la poubelle sélective appropriée. Qui examine ces professions de foi ne comportant que promesses et engagements sans consistance ? Pas grand monde. Si on y ajoute les magazines de propagande totalement inintéressants distribués chaque mois ou chaque trimestre par les communes, départements, régions, cela fait vraiment beaucoup. Ces montagnes de papier gaspillé par des responsables catéchisant doctement sur la rigueur écologiste nécessaire, voilà une belle façon de se discréditer.

Petits « évènements »

Marion Maréchal ralliant Zemmour, simple petit évènement pour militants nationalistes. Anne Hidalgo suivant immédiatement Éric Zemmour sur LCI pour une confrontation avec des électrices de diverses sensibilités. La socialiste en perdition commence par affirmer que ce sera plus détendu avec elle. Elle ne se trompe pas, on s’endort. La maire de Paris, championne du déficit communal, nous assène ses promesses redistributives traditionnelles. On zappe immédiatement.

Certaines politiciennes de second rang cèdent même à l’outrance pour attirer l’attention. Ainsi, Sandrine Rousseau déclare : « Ça me déprime de faire de la politique dans des groupes de Ku Klux Klan ». Autrement dit, il y a deux camps : Sandrine Rousseau et consœurs d’un côté (les hommes non déconstruits sont exclus) et les racistes hyper-violents de l’autre. Ces derniers forment l’essentiel de la population. Cette femme enseigne à l’université. Devant tant de bêtise, plaignons les étudiants intelligents, dotés de largeur d’esprit, qui tombent sous sa coupe.

Le petit monde de la politique active

Qui donc s’intéresse vraiment à la campagne électorale ? Le petit monde de l’entre-soi politique, c’est-à-dire les élus et les militants. Petit monde car le nombre d’adhérents fourni par les partis est une falsification. Pour l’ensemble des partis français, quelques centaines de milliers de personnes militent activement. Nombreux sont les inscrits passifs et encore plus nombreux ceux qui sont encore inscrits n’ayant pas payé leur cotisation. Tout compris, avec les élus, le monde de la politique active ne dépasse pas les 500 000 personnes. Par rapport aux 67 millions de Français, cela ne pèse pas très lourd.

Ajoutons que les militants ne sont que rarement des idéalistes, comme par le passé. Ils attendent un poste d’élu municipal, départemental, régional et, pour les plus chanceux, national. Certains même rejoignent un parti pour obtenir un appui dans la vie professionnelle. Le Rouge et le Noir, version XXIe siècle.

Qu’importe la campagne !

Tout cela n’est pas bien grave. Nous avons l’essentiel : disposer de contre-pouvoirs forts. L’apathie forcée des Russes face à l’agression poutinienne fait apparaître notre chance. Contrairement à l’idée qui circule dans les médias, le président français sera élu d’une manière parfaitement démocratique. Chacun aura pu s’exprimer et les douze candidats retenus représentent les grandes tendances de l’opinion.

Qu’importe le désintérêt pour la campagne électorale ! Entre la conquête et l’exercice du pouvoir, il y a toujours un gouffre. Entre les promesses, même sincères (soyons généreux) et la confrontation au réel se glisse, avec malignité, l’imprévisible. Par exemple, les Gilets jaunes, la guerre en Ukraine. Les citoyens ne sont pas dupes. Ils sentent qu’il vaut mieux confier le pouvoir à une personne capable de pragmatisme face aux réalités de l’histoire en construction. Les débats de campagne électorale sont un exercice démocratique important, mais ils ne jouent aucun rôle sur la réalité de l’action gouvernementale. Ils sont d’ailleurs oubliés très rapidement, sauf des professionnels spécialisés.

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  • personnellement ce qui me deprime le plus, c est qu on est toujours dans le mode distribution d argent qu on a pas. Soit en promettant de baisser les impots (Pecresse/Macron) soit en augmentant les subventions/allocations (melanchon et consort)
    En fait on devrait avoir comme debat comment repartir les sacrifices et le serrage de ceinture inevitable. au lieu de ca on a un concours de qui rasera le mieux gratis
    evidement une fois elu, ca va changer. et comme notre president sera elu sur des promesses mensongeres, avec une base reduite (macron fera au mieux 30 % au premier tour, probablement 25 soit 1/4 des votants) ca va ruer dans les brancards (genre gilet jaunes ?)

    PS: pour ceux qui doutent des lendemains sombres il faut voir que la france est super endettee, incapable d avoir un budget a l equilibre depuis Giscard.
    Que pour sauver des vieux, nous avons sabordé notre economie et decouvert qu on ne fabriquait plus grand chose.
    Pire l agression de Poutine a propulsé le prix des matieres premieres (gaz, petrole, titane …) au sommet et c est pas pret de changer (meme si Poutine se retire d Ukraine il faudra diversifier et donc acheter ailleurs et plus cher)
    donc on devrait avoir un discours sur le sang et les larmes, pas savoir si on va supprimer la redevance TV (sans supprimerla depense qui la finance bien sur !)

  • Je ne peux pas écrire que P. Aulnas se trompe, pourtant j’ai envie d’écrire qu’il manque de plus en plus la passion démocratique, un élan vital, une vision créatrice. On se contente d’un profil gestionnaire, ne changeons trop rien car ce n’est pas le moment. Résigné, fataliste, on survit au lieu de vivre ! L’air grave le roi nous promet de nous protéger ! Et moi et moi et moi ?

  • Élections, piège à……. En gros, on a le choix entre macron ou macron tous les autres sont soit extrémistes soit des lumières éteintes depuis longtemps. Pour les meetings ils servent surtout à faire croire au chef qu’il est grand beau et bien entouré.

    -1
  • Emmanuel Macron est détesté. Il a mal géré le covid et la crise ukrainienne. Il n y a que les personnes âgées et les csp+ pour voter pour lui. Sans les médias qui ne cessent de lui donner du crédit, il aurait fini comme Sarkozy ou Hollande.

    Une surprise peut arriver et ce d’autant plus que l’essence monte. La France des gilets jaunes n a pas disparu. Ce ne sera peut être pas une Le Pen ou un Zemmour au second tour comme on le prédit mais un Mélanchon.

  • Je trouve votre billet bien déprimant, M. Aulnas !

  • Les commentaires sont fermés.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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