Depuis la sortie du livre Les fossoyeurs, de nombreux politiques ont eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet des EHPAD. Si la droite s’est timidement manifestée, ce sont bien évidemment les candidats de gauche qui se sont le plus indignés.
Pour Philippe Poutou, il faut exproprier les groupes privés pour construire un service public du quatrième âge. Selon Nathalie Arthaud, l’affaire est le miroir d’une société malade du profit. S’il était élu, Jean-Luc Mélenchon supprimerait les EHPAD à but lucratif. Enfin pour Fabien Roussel, le cœur du problème est qu’on a laissé faire le marché.
Quelle que soit la mesure envisagée, les candidats de gauche sont unanimes : l’affaire ORPEA est l’illustration des défauts du capitalisme, du libéralisme et de la recherche de profit.
Ce sentiment n’est pas exclusif à la classe politique. Il est arrivé à l’auteur de ces lignes d’être confronté à des personnes de son cercle familial tenant le même discours : « Il faut être rentable pour les actionnaires donc on limite les portions des repas et le nombre de change. C’est une stratégie de court terme ».
Dont acte. Examinons la situation d’un hypothétique actionnaire ayant acheté mille actions d’ORPEA en 2017.
La vie d’un actionnaire ORPEA
Au premier janvier 2017, l’action d’ORPEA s’élève à 76,76 euros l’unité. Il en côutera donc 76 760 euros à notre actionnaire.
Cet investissement lui permet de percevoir des dividendes chaque année. Selon les données d’ORPEAvi, notre actionnaire aurait perçu grâce à son placement :
- 2017 : 1100 euros
- 2018 : 1200 euros
- 2019 : 0 euro
- 2020 : 900 euros
ORPEA versant ses dividendes généralement en juillet de l’année suivant l’exercice, notre actionnaire ne percevra qu’en juillet 2022 les résultats de l’exercice 2021.
En cinq ans, pour un investissement initial de 76 760 euros, il n’a gagné que 3100 euros de dividendes. S’il n’a pas de quoi s’enrichir avec ce montant, au 30 juillet 2021 il peut toutefois se féliciter d’avoir investi dans un actif montant. En effet, à cette date, ses mille actions peuvent maintenant se vendre 107 050 euros. En les revendant toutes il pourrait donc faire une plus-value de 30 290 euros.
Si l’objectif de notre actionnaire est le profit (et ça l’est), il est évident que la rentabilité de son investissement dépend bien plus de la valeur de son capital, les mille actions, que des flux générés par le capital en question, les dividendes.
Le scande qui a frappé ORPEA a fait chuter la valeur des actifs. Ainsi au 18 février 2022, l’action vaut 36,71 euros. La valeur des mille actions de notre actionnaire est donc maintenant de 36 710 euros, soit une perte de 40 050 euros.
Les dividendes n’amortissent que très légèrement cette chute, la faisant passer de 40 050 euros à 36950 euros.
Bilan pour l’investisseur avide de profit
Aucun actionnaire au monde pourvu d’un tant soit peu de bon sens ne ferait pression sur l’entreprise dans laquelle il investit pour qu’elle prenne des risques aussi inconsidérés pour son capital financier, surtout au regard du faible revenu généré par les dividendes.
Certes le marché n’est pas parfait puisqu’il n’a pu empêcher la maltraitance de personnes âgées (sous réserve qu’une véritable enquête judiciaire confirme les propos de l’ouvrage). Néanmoins il envoie un signal très fort aux autres EHPAD concurrents d’ORPEA. Il n’y a pas besoin d’intervention politique. Le marché a déjà communiqué l’information. Le directeur général d’ORPEA, Yves Le Masne, a été remercié. Le branle-bas de combat a sonné chez tous les concurrents et le mot d’ordre de leurs actionnaires est « Prenez soin de nos clients. Hors de question qu’il nous arrive la même chose qu’à ORPEA ».
Mise à jour : 28/02/2022
il y a 2 biais sur le raisonnement
1) pour les dividendes, je suppose que c est brut. Il faut donc enlever les impots
2) a l inverse on peut estimer que l actionnaire vend regulierement des actions orpea pour rester a sa mise initiale 76760
en janvier 2018, l action est a 101. il en vend donc 240 et encaisse 24000 (reste 760 actions)
en 2019 l action ayant stagne -> rien
2020 elle est a 110 -> vend 69 actions, encaisse 7600 € (reste 690 actions)
les 690 actions au 18.2 valent 36 € soit une perte de 20 000 une fois les plus values ci dessus deduite (soit moins que les 40 000 de l article)
Evidement tout depend de votre strategie d investissement. Si vous investissez a long terme, le calcul de l article est valable.
Si vous etes a court terme, vous pouvez investir dans des business model pourri (soit non viable financierement soit discutable moralement/legalement). a partor du moment ou vous arrivez a vous retirer a temps, c est bon (et ca peut etre tres rentable si la personne s est retiré avant la chute)
L’article cherche justement à montrer que l’actionnaire ne va pas tellement s’enrichir dans l’histoire. donc si on déduit les impôts, l’argument de l’auteur est encore plus fort.
Cela dit, il faudrait publier ce genre de chiffres un peu plus souvent, histoire de clouer le bec à tous les politicards qui excitent les masses en cultivant la haine de ces salauds d’actionnaires qui se gavent de dividendes au détriment de la société toute entière.
Je ne pense pas que le raisonnement pour les gestionnaires d’établissement publics soit très différent : il faut à tout prix réduire les coûts au maximum. Sauf que là, il n’y a aucune sanction si ça se passe mal. La gestion publique n’est certainement pas la solution.
« Aucun actionnaire au monde pourvu d’un tant soit peu de bon sens ne ferait pression sur l’entreprise dans laquelle il investit pour qu’elle prenne des risques aussi inconsidérés pour son capital financier »
Et pourtant… Pour expliquer cela, appelons Bossuet à la rescousse, et inversons sa célèbre formule :
– Dieu se rit des hommes qui se plaignent des causes dont ils chérissent les conséquences !
Parce que les résultats nous agréent, nous nous aveuglons sur la manière dont ils sont obtenus, Un biais cognitif qu’on appelle je crois biais du conflit d’intérêt.
Puis le scandale arrive… Alors certains pleurent le sort de nos aînés maltraités… D’autres leurs économies perdues.
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